Le poète palestinien Mahmoud Darwich, qui avait mis en mots les rêves d’un Etat palestinien et contribué à forger une identité nationale palestinienne, est mort samedi à l’âge de 67 ans aux Etats-Unis. Il était considéré comme l’un des plus grands poètes arabes. Trois jours de deuil ont été décrétés par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. On ignorait dans l’immédiat si Mahmoud Darwich serait inhumé en Cisjordanie ou dans son village d’origine aujourd’hui en Israël. Après l’annonce de son décès, samedi soir, des dizaines de palestiniens se sont rassemblés dans le centre de Ramallah en Cisjordanie, allumant des bougies. Selon Nabil Abou Rdeneh, porte-parole de Mahmoud Abbas qui a annoncé son décès, Mahmoud Darwich est mort dans un hôpital de Houston (Texas) après des complications faisant suite à une intervention chirurgicale à coeur ouvert. Mahmoud Darwich s’était fait connaître dans les années 60 avec son premier recueil de poésie, «Oiseaux sans ailes». Nombre de ses poèmes ont été mis en musique, dont «Rita» ou «Oiseaux de Galilée», hymnes pour plusieurs générations de Palestiniens. Ses recueils traduits en plus de 20 langues ont obtenu plusieurs prix littéraires. Il avait écrit la Déclaration d’indépendance de 1988 lue par le défunt président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat, lorsque ce dernier, alors président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), avait proclamé unilatéralement et symboliquement la création d’un Etat palestinien. «Il sentait le pouls des Palestiniens et le traduisait en belle poésie. Il était le miroir de la société palestinienne», a commenté Ali Qleibo, conférencier à l’Université Al Qods de Jérusalem. «Il a débuté comme un poète de la résistance puis est devenu un poète de la conscience. Il incarnait le meilleur des Palestiniens», notait pour sa part la députée palestinienne Hanane Achraoui. «Même lorsqu’il est devenu une icône, il n’a jamais perdu son sens de l’humanité. Nous avons perdu une partie de notre être».
Un autre hommage est venu de France, où le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a fait part de son «émotion». Mahmoud Darwich, a-t-il observé, «a su exprimer l’attachement de tout un peuple à sa terre et à la volonté absolue de paix. Son message, qui invite à la coexistence, continuera de résonner et finira par être entendu». Mahmoud Darwich dénonçait l’occupation israélienne des territoires palestiniens mais aussi les combats entre les islamistes du Hamas et le Fatah de Mahmoud Abbas. Il avait ainsi récité l’an dernier un poème condamnant ces luttes fratricides, qualifiées de «tentative publique de suicide dans les rues». Le poète était né en 1941 en Palestine, alors sous mandat britannique, à Biroueh près de Haïfa, qui fut détruit lors de la guerre de 1948 et la création de l’Etat d’Israël. Entré au parti communiste israélien après le lycée, il commença à écrire des poèmes pour des journaux de gauche. «Quand on pense à Darwich (...) il est notre coeur et notre langue», expliquait le député arabe israélien et vétéran du parti communiste israélien Issam Makhoul. Au début des années 70, Darwich quitte Israël pour aller étudier en Union soviétique puis se rend en Egypte et au Liban. Il rejoint l’OLP en 1973 mais démissionne en 1993 pour protester contre les accords d’Oslo conclus par Yasser Arafat avec l’Etat hébreu. Il s’installera à Ramallah en 1996. Son travail, unanimement admiré par l’ensemble des Etats arabes et des Palestiniens, a suscité des réactions controversées en Israël. En 2000, le ministre israélien de l’Education, Yossi Sarid, avait suggéré d’intégrer certains des poèmes de Darwich dans le programme du secondaire, à propos du conflit israélo-palestinien. Mais Ehoud Barak, alors Premier ministre, s’y était opposé, arguant du fait qu’Israël n’était pas encore prêt à intégrer ses idées dans le système scolaire. En 1988, un poème de Darwich avait été lu à la Knesset, le Parlement israélien, par le Premier ministre l’époque Yitzhak Shamir pour illustrer l’absence de volonté selon lui de vivre côte à côte avec les juifs. Mais un spécialiste de la poésie de Darwich assure que le poème avait été mal compris et mal traduit.
Son dernier livre «L’impression des Papillons» est sorti en 2008. Son dernier recueil de poèmes traduit de l’arabe en français, par Elias Sanbar, «Comme des fleurs d’amandier ou plus loin» est paru en 2007 chez Actes Sud. Mahmoud Darwich avait participé au festival des musiques du monde, Les Suds, à Arles, en juillet.