Le Midi Libre - Culture - Le chantre de la chanson Sraoui
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Samir Staïfi
Le chantre de la chanson Sraoui
28 Janvier 2008

Samir Belkheïr, l’un des plus célèbres chantres du genre Sraoui qui a, en fait, inspiré la plupart de ses chansons depuis le début de son parcours, il y a plus d’une trentaine d’années. Plus connu sous le pseudonyme de Samir Staïfi, il est sans doute le chanteur sétifien le plus en vogue et a prouvé, à 54 ans, lors de la 3e édition du Festival international de la chanson arabe de Djemila, en juillet dernier, que sa forte présence sur scène et la puissance de sa voix demeurent intactes et toujours aussi entraînantes pour un public amplement acquis. Il faut dire que depuis la diffusion, en 1979, d’une cassette contenant son premier grand succès, "El Aâzba Staïfia", Samir Staïfi est devenu, de par le nombre impressionnant de "tubes" qu’il a enregistrés, une véritable icône de la chanson sétifienne. C’est qu’il est aujourd’hui difficile d’évoquer le Sraoui et le genre "Staïfi" sans faire référence à cet artiste, qui a su s’imposer, à l’expert comme au profane, comme un authentique ténor dont la voix aux trémolos chevrotants, tire sa vigueur de ce chant dont les complaintes ont longtemps fait écho aux gémissements du vent sur les hautes plaines. Même s’il se défend d’avoir eu qui que ce soit comme modèle —"je me suis fait moi-même", clame-t-il fièrement, — Samir cite tout de même Cheikh Toumi dont les premières mélodies inspirèrent la majorité des succès les plus connus du genre sétifien, à l’image de "Khachit Bab Stif" de Yahia El-Hadi. Il s’est pourtant imposé très tôt et malgré la rude concurrence des années 1970 avec les Khier Bekakchi, Mustapha Allel, Tahar Gouffi, Saïd Mehentel et le regretté Nouredine Staïfi. Aujourd’hui reconnaissant, Samir insiste pour rendre hommage aux deux anciens orchestres sétifiens, Es-Saâda et En-Nasr. Leur apport dans l’orchestration de complaintes Sraoui, de tout temps interprétées a capella (sans instruments), et leurs efforts pour faire garder toute sa spécificité au genre "ont été déterminants pour le développement de la chanson sétifienne", avoue t-il sans omettre d’évoquer le regretté flûtiste Abbès Rezig, "un chantre passionné de la culture et des traditions locales", qui mit le pied à l’étrier à de nombreux jeunes artistes. Samir Staïfi tient aussi à mettre à l’honneur les musiciens Nacir Guidoum, Youcef Amouchi, Mabrouk Attar et Abdelkader Djilali lesquels, admet-il, "ont largement contribué au succès de quelques unes de (ses) chansons les plus connues et les plus reprises à la radio". Avec plus de trois cents chansons interprétées, il est de loin l’artiste le plus prolifique du côté des hauts plateaux. Beaucoup de ses couplets figurent parmi les plus fredonnés dans tout le pays: "Khali ya khali", "Kahlouchi", Khatem sobeï", "Harat Zemmour el âalia", "Moulechache", "Ouaynek ya Aïn El Fouara" ou "Meddi yadek lel’henna" et bien d’autres. Cinquantenaire endurci, la silhouette bien présente sur les plateaux de la télévision, ignorant le poids des ans, toujours disponible et enthousiaste, Samir n’est cependant pas dupe des menaces qui pèsent sur la chanson sétifienne qui tend, trouve-il, à s’éloigner peu à peu de ses racines, c’est-à-dire le Sraoui, quoi que l’on dise. "Vous savez, lance-t-il les yeux brusquement pétillants, la vraie chanson sétifienne, ce sont trois éléments fondamentaux: la voix du chanteur, la zorna ou la chekoua (cornemuse locale) et enfin la Tabla (sorte de tambour au timbre percutant). Or, de nos jours, de nombreux jeunes chanteurs sétifiens, en s’appuyant principalement sur le synthétiseur et les effets électroniques qui modulent la voix, perdent, à cause de cette dépendance, une bonne partie de leurs moyens sur scène ou en dehors des studios d’enregistrement". Heureusement, se réjouit-il, quelques jeunes interprètes, comme Cheb
Wahid, Lyamine Bellounis et Fayçal Rahmani "tiennent à suivre la vraie voie du chant sétifien". Né peut-être d’un cri, le chant Sraoui a véhiculé, précisément, le cri de douleur des femmes de cette région, à la fin des années trente, lorsque leurs enfants leur furent brutalement arrachés par l’armée coloniale pour être conscrits de force. "El machina el kahla" ou "le train noir", ce lugubre convoi où l’on entassait la chair à canon algérienne, en est une illustration. Interprété également, à gorge déployée, lors des fêtes familiales, ce chant puissant qui ne s’accommodait, à l’origine, d’aucun instrument musical, repose sur la puissance de la voix et la force du souffle de son interprète.


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