Le long métrage de fiction Moi, Nojoom, 10 ans, divorcée (2014), un film de la réalisatrice yéménite Khadidja Al Salami sur le mariage forcé d’une fille mineure dans son pays, a été projeté vendredi en ouverture de la compétition du 7e Festival international du cinéma d’Alger (Fica), dédié au film engagé.
Projetée à la salle El Mougar devant un public relativement nombreux, cette fiction de 96 minutes, adaptée d’un roman de la cinéaste et inspiré de faits réels, relate l’histoire de Nojoom, une rurale âgée de dix ans qui a réussi à obtenir le divorce auprès d’un tribunal de la Capitale du Yémen Sanaa, après avoir été violée et battue par son mari, membre d’une importante tribu locale.
Tourné au Yémen "sans autorisation", selon sa réalisatrice qui a débattu avec le public après la projection, ce film au propos cru et à l’image très esthétique propose de cerner une réalité sociale et culturelle dans ce pays de plus de vingt millions d’habitants et qui touche "52 % de mineures, dont 14 % ayant moins de 14 ans", a expliqué Khadidja Al Salami.
A travers le récit fait à un juge des circonstances de son mariage et des affres subies par cette enfant au courage exemplaire qui a fugué de chez elle, le spectateur découvre ainsi une société où le poids des traditions et la misère des paysans déracinés dans la grande ville favorise une pratique inhumaine qu’"aucune loi n’interdit" au Yémen.
En jouant durant tout le film surles contradictions entre le monde de l’enfance et celui de l’épouse où Nojoom a été contrainte de vivre, la cinéaste brosse un portrait des plus attachants de son personnage et réussi à faire partager aux spectateurs son combat qui finit par défrayer les médias.
Khadidja Al Salami, elle-même mariée de force à 9 ans, donne une profondeur supplémentaire à son film à travers le portrait nuancé du personnage du père de Nojoom, un paysan illettré, obligé de vendre ses terres après le viol de sa grande fille et qui finit par accepter de marier sa benjamine, poussé par la misère et l’ignorance.
Les conséquences de l’exode des ruraux vers les villes sont également évoquées à travers d’autres réalités sociales, comme le travail des enfants, incarné par le frère de Nojoom, exploité par un riche Saoudien, ou encore par le paradoxe entre les plans sublimant la campagne yéménite rocailleuse et ceux montrant les taudis des villes.
Très réceptif aux propos du film et à son esthétique, le public de la salle El Mougar a pour sa part longuement applaudi la cinéaste, tout en la félicitant pour "son courage". Cette adhésion du public s’est également manifestée dans la décision d’une bonne partie de celui-ci de rester voir le film malgré des "problèmes techniques" liés à la sonorisation et qui ont retardé d’une heure le début de la projection.
Moi, Nojoom, 10 ans, divorcée sera projeté une seconde fois samedi à 17h à la Cinémathèque d’Alger en présence de la réalisatrice. 17 films (8 fictions et 9 documentaires) sont en compétition dans ce 7e Fica qui se poursuit jusqu’au 8 décembre.