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Colloque à la BNA
Miguel de Cervantès sous le prisme de ses oeuvres
18 Octobre 2016

"400 ans après sa mort, le célèbre écrivain espagnol Miguel de Cervantès continue de fasciner tant par son oeuvre que par le personnage qu’il a été", se sont accordés à dire les différents chercheurs sur l’oeuvre de Cervantès au cours des deux journées de débats et de réflexion qui se sont tenues à la Bibliothèquenationale.

Captif, il l’a été cinq longues années. Alger cette ville du 16ème siècle où l’on perd sa liberté s’avère néanmoins une ville ouverte sur toutes les cultures. Et pour Cervantès ces années de captivité, aussi difficiles soient-elles, ont été d’un grand apport sur sa production littéraire et théâtrale.

Ce colloque, qui a vu la participation de spécialistes algériens et espagnols, s’est penché ,notamment, sur les différentes biographies écrites sur Miguel de Cervantès. José Manuel Lucia Megias, chercheur Espagnol, a affirmé que "Cervantès ne nous donne pas un portrait de ce qu’il est réellement mais s’offre comme étant un personnage qu’il faut analyser".

Selon José Manuel Lucia Megias, la première biographie sur Cervantès remonte à 1737 écrite par Mayans Siscar. Cet auteur a tenté d’assoir les bases d’un portrait autobiographique seulement sur les 120 pages de ce livre de 17 pages seulement sont consacrées à la personne qu’il était.

Le reste sera consacré à valoriser Cervantès à travers ses oeuvres, souligne-t-il. Par ailleurs, il analysera l’oeuvre "Don Quichotte", qu’il considère comme étant un satyre moral sur laquelle se construit le nouveau roman moderne précisément avec les courants des écrivains anglais. "Le travail de Mayens sur Cervantès deviendra une base documentaire pour les autres biographies. Elle sera traduite en plusieurs langues", confie José Manuel Lucia Megias.

Ce chercheur précise que si l’on étudie la vie de ce grand écrivain, on distinguera trois Cervantès : le jeune, le mature et un Cervantès qui vit dans sa plénitude qui correspond aux dernières années de sa vie, énumère-t-il Cervantès le jeune n’avait pas d’éducation bourgeoise, mais il était inspiré pas un génie.

Il n’a, donc, ni nom ni rang mais il doit se construire. Trois possibilités de carrière s’offre à lui : l’église, secrétaire des maisons immobilière (un profil demandé à l’époque), ou la carrière militaire qu’il va finalement choisir, détaille-til. Vient ensuite la maturité de Cervantès qui va être marquée par la demande d’une faveur à l’administration de la monarchie espagnole, pour obtenir un poste en Amérique car à cette époque, l’Amérique est un vivier d’opportunités pour commencer une carrière prestigieuse.

Hélas, Cervantès n’obtiendra pas cette faveur. Il va simplement essayer de gagner sa vie en marchant sur les traces de son père et son grand père c’est-à-dire s’occuper des traités de négoces. Une nouvelle fonction qui va l’amener à Madrid. À Madrid, il va commencer à écrire des pièces de théâtre, il apporte un nouveau modèle théâtral avec l’utilisation de la littérature comme instrument.

Il connaîtra un grand triomphe et une prospérité. Vient enfin la période de la plénitude qui est, selon José Manuel Lucia Megias, la plus intéressante pour les historiens. Une période qui marque les trois dernières années de sa vie et durant laquelle il va assoir les bases pour construire un mythe. Son projet littéraire consiste à améliorer sa position en tant qu’écrivain. "En 1614, il s’érige comme un grand poète narratif.

En 1615, il se revendique comme étant un poète narratif en produisant beaucoup de comédie et, enfin en 1615, il se remet à écrire comme un fou pour ce qu’il considère comme sa plus grande oeuvre Persilès qui est la pierre de ce projet littéraire". Ce projet littéraire deviendra pour les auteurs anglais du XVIIIe siècle un modèle d’écriture dans lequel ils ont trouvé une nouvelle forme narrative à savoir le satyre moral.

Enfin, de nombreuses zones d’ombre continuent de voiler la vie de Cervantès. Concernant ses années à Alger, celles-ci par contre ont été racontées par l’auteur lui-même. Il est néanmoins important de rappeler qu’une année après sa libération, Cervantès revient en Algérie, et a séjourné plusieurs semaines à Oran. Une mission secrète enveloppé d’un grand "mystère" pour les chercheurs, conclut José Manuel Lucia Megias.

Les années "algéroises" de Cervantès

Si Don Quichotte continue sa course folle à travers le monde à la recherche d’un ennemi aussi imaginaire qu’introuvable, Cervantès, quant à lui, hante toujours certains lieux d’Alger. Ces lieux qui marquent son exil ont été revisités hier dans le cadre d’une initiative lancée par l’institut Cervantès à l’occasion du 400e anniversaire de la mort du célèbre écrivain espagnol célébré cette année.

L’Algérie du XVIe siècle, telle que l’a connue Cervantès de 1975 à 1580 périodes de sa captivité, était une Algérie cosmopolite. Peuplée de personnes venues de toutes les parties d’Europe, on y parlait diverses langues.

Le célèbre livre "Topographie et Histoire Générale d’Alger", écrit par Diego de Haedo un abbé bénédictin espagnol, savant et historien compagnon de Cervantès lors de sa captivité, constitue une extraordinaire description historique des territoires et des moeurs de la population d’Alger au XVIe siècle. Certaines hypothèses attribuent cette oeuvre à Cervantès.

Sa captivité

En rentrant en Espagne après une campagne militaire, lui et son frère Rodrigo sont pris au piège par des corsaires. Les deux soldats sont désormais captifs et sont conduits à Alger. Le premier contact de Cervantès avec Alger a été le port. L’arrivée du bateau au port était annoncée par des coups de canon.

Lorsque les corsaires considéraient que la "pêche était bonne", c’est-à-dire que les captifs étaient des personnes d’un certain rang social, ils prévenaient la population d’Alger par des coups de canon, qui descendait en nombre les accueillir au port. Les captifs étaient le gagne-pain des corsaires au XVIe siècle.

Ces derniers évaluaient les prisonniers sur le bateau avant d’arriver au port. "Il y avait plusieurs critères d’évaluation des prisonniers sur lesquelles se basaient les corsaires. La plus célèbre était d’observer leurs mains, si celles-ci étaient lisses cela veut dire que le prisonnier ne travaillait pas et qu’il avait de l’argent.

Si elles étaient calleuses, le prisonnier est considéré comme ouvrier", raconte le guide. Au-delà de ce critère, Cervantès avait en sa procession deux lettres de recommandation, signées par de prestigieux hommes d’armes et de la politique espagnole de l’époque. Ces deux lettres ont été l’indicateur que Cervantès était une personne importante. Cette distinction a été, donc, à l’origine de son estimation dite élevée.

Son estimation

Une fois amarré au port d’Alger, Cervantès est échu comme esclave à l’un de ces corsaires, Dali Mami, surnommé le boiteux. Il l’estime à 500 écus d’or espagnols. Cervantès fait donc parti du huitième destiné aux Rois d’Alger. Petite précision géographique, Alger telle que la voyait Cervantès en descendant du bateau des corsaires, était décrite ainsi : la Casbah s’étendait jusqu’au port.

En rentrant dans la ville il est conduit au marché des esclaves (place des martyrs). Cette place en 1575 était constituée de plus de 300 maisons et 6 mosquées. À cette époque, le marché des esclaves d’Alger était très célèbre. Les corsaires Algériens étaient les plus redoutables de leur époque et leur terrain de chasse dépassait la Méditerranée.

On y vendait des captifs et on rapportait des rançons pour en libérer d’autres. Dar El Hamra, située à quelques pas de la place des martyrs fut la première demeure où prison de Cervantès. C’est là où habitait son premier maître.

Le guide de ce "voyage sur les traces du célèbre auteur espagnol" invite les visiteurs à imaginer que Cervantès a forcément pris un bain à Hammam Sidna, non loin de Dar Mustapha Pacha, pour mieux visualiser la situation sociale de Cervantès en captivité. "Il jouissait d’une certaine liberté dans la ville, où il travaillait et entretenait des relations avec les autres captifs. Il faisait partie des captifs à rançon.

C’est vrai que la valeur élevée de sa rançon a allongé sa période de captivité car sa famille ne parvenait pas à la payer. Néanmoins, cette estimation lui a permis de mener une vie plus ou moins normale et mieux encore elle intervient pour lever les châtiments exemplaires qu’on lui a attribués lors de ses tentatives d’évasion", précise ce guide.

Ses évasions

Le propre de tout prisonnier est de vouloir s’échapper, et Cervantès avec son esprit chevaleresque a évidemment tenté à maintes reprises de s’évader. Il organisa en 5 ans quatre tentatives d’évasion terrestres et maritimes. Aucune d’entre elle n’a abouti. La plus célèbre est celle qu’il a organisée depuis la grotte qui porte son nom aujourd’hui.

La Grotte de Cervantès, située dans le quartier de Belouizdad (ex-Belcourt), à Alger Nous sommes en 1577, deux ans après sa captivité, Cervantès tente de s’évader pour la deuxième fois. Son plan minutieusement élaboré a toutes les chances de réussir. De plus, il est aidé par son frère libéré après un an car sa rançon n’était pas faramineuse.

"Le plan consistait à fuir la ville, se réfugier dans la grotte et attendre l’arrivée d’un bateau contracté par son frère depuis l’Espagne. Seulement, Cervantès et ses 14 compagnons sont restés 6 mois dans la grotte à attendre la flottille, mais celle-ci où n’arrivait pas ou ne put les libérer ».

La situation est restée ainsi jusqu’à ce qu’ils soient dénoncés, capturés et emprisonnés", raconte le guide en ajoutant qu’elle a été la plus décevante pour l’écrivain. D’autres tentatives suivirent mais ne réussissent pas et ce n’est qu’en octobre de l’année 1580 que Cervantès a été libéré, grâce au trinitaires Fray Juan Gil et Fray Anton de Bella qui ont réussi à réunir la somme de 500 écus d’or.

Aussi pénibles soient-elles, les années de Cervantès à Alger, il en garda le meilleur souvenir. Il écrivit, dans la préface de ses "Novelas ejemplares" : il fut un soldat plusieurs années durant, et cinq et demi captif, où il apprit à affronter l’adversité avec patience. C’est dire à quel point l’épisode algérois a marqué le grand homme et son oeuvre.

Par : ROSA CHAOUI

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