Le militant anticolonialiste, figure de la culture contestataire des années 60 et 70, est décédé samedi dernier à l’âge de 83 ans.
Son nom restera à jamais gravé dans la mémoire de tout Algérien qui se respecte pour son engagement contre la Guerre d’Algérie, aux côtés de la Fédération de France du FLN. Quant aux amoureux du livre, son nom aussi sera indissociable de la librairie et de la maison d’édition qu’il avait créées à la fin des années cinquante, et qui porte son nom.
Toute sa vie, son marqueur était resté fixé à gauche, nourri par les luttes des peuples partout où la liberté était spoliée, en Indochine d’abord et en Afrique du Nord ensuite, particulièrement en Algérie, pendant la Guerre de libération nationale durant laquelle il avait exprimé les sentiments les plus anticolonialistes, révolté par les pratiques de torture et les massacres commis par la puissance coloniale.
Il était l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages, romans et récits et avait également traduit des livres de trois langues, l’espagnol, l’anglais et l’italien. Sepulveda, Pérez-Reverte, Zafon ou encore Conrad en faisaient partie. Il se disait sensible aux luttes des peuples pour leur liberté, citant volontiers cette phrase extraite de La Fêlure de Scott Fitzgerald :
« Il faut savoir que les choses sont sans espoir et être pourtant déterminé à les changer. » Sa conception de l’Histoire et de la vie, il l’avait puisée, adolescent, dans le parcours de sa famille. Issu d’une lignée de savants ouverts sur le monde —son grand-père Albert était égyptologue, son père, Henri, sinologue et professeur au Collège de France, François Maspero a grandi dans une famille de résistants. Son père fut déporté à Buchenwald et y mourut.
Son frère Jean fut assassiné à l’âge de 19 ans par les Allemands alors qu’il combattait auprès des Américains, sa mère fut déportée à Ravensbrück et survécut. L’enfant échappa à ses sinistres voyages mais en garda à jamais la blessure. Il y eut un avant et un après : « Tout s’éteint d’un coup… J’ai eu, depuis, comme je le souhaite à tous, mes jours, mes années de soleil. Mais quelque chose me dit toujours que ce n’est pas le même que ce soleil-là, celui dont je sais seulement qu’il brillait avant ma seconde naissance », écrivait-il dans L’Abeille et la guêpe, son récit autobiographique (Le Seuil), publié en 2002.
Son engagement contre la Guerre d’Algérie l’amena à divorcer du parti communiste français (PCF) pas trop engagé à ses yeux en faveur de la lutte du peuple algérien. Il quitte le PCF et continue à dénoncer les guerres menées contre les peuples coloniaux. Il est aux côtés d’Amilcar Cabral pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert et se joint à Aimé Césaire, fondateur du mouvement de la littérature négritude et à Léopold Senghor, ancien président sénégalais pour la défense des valeurs humaines en Afrique.
Il hérita du philosophe français, Jean Paul Sartre son amour pour la liberté et subit les influences de nombreux penseurs de gauche portés sur l’action. Il se définit lui-même comme un partisan de la praxis. Jamais les évènements ne l’ont démenti sur ce plan, rappellent ses proches. Jusqu’à à 1982, date à laquelle il passe le témoin à sa fille, François Maspero est resté une référence dans le monde de l’édition et, indéniablement, un espace de la critique littéraire qui a vu défiler de grandes plumes dont les mots étaient ciselés dans le creuset du combat politique.