Avec un ton satyrique, Mouaâq wa lakin... aborde des réalités vécues par les personnes aux besoins spécifiques en livrant une critique sévère du monde associatif et des autorités concernées.
À l’instar de tous les pays du monde, l’Algérie a célebré cette semaine la Journée internationale du handicapé. Pour marquer cette journée, coincidant avec le 14 mars de chaque année, plusieurs activités culturelles et artistiques, sportives et educatives ainsi que des conférences sont organisées à travers le territoire national et par les differentes institution et ce, afin de favoriser l’intégration et l’accès à la vie économique, sociale et politique des personnes handicapées.
Cette journée est, par ailleurs, l’occasion idéale de réaffirmer certains principes de base, souvent oubliés : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits." Le respect de cette dignité due à chaque personne, valide ou non, implique la reconnaissance de droits fondamentaux comme l’éducation ou l’accès au travail.
Les manifestations organisées à cette occasion nous invitent, surtout, à modifier le regard que nous portons sur les personnes handicapées. Restant dans la lignée de ces principes, la première institution théâtrale nationale (TNA) a tenu aussi à être de la partie en présentant une nouvelle pièce théâtrale, samedi dernier, au théâtre national Mahiedine-Bachtarzi. Intitulée Mouâaq wa lakin... (handicapé... mais), cette production est une comédie jouée par des comédiens handicapés qui plaide pour l’intégration de cette frange de la société en dénonçant l’assistanat et les célébrations occasionnelles.
Produite par le Théâtre national algérien (TNA), cette pièce de 53 mn, réalisée dans le cadre d’un atelier de théâtre, relate les difficultés rencontrées par Krimou, un jeune intellectuel qui souhaite gagner son indépendance financière à travers un projet économique. Raillé par ses camarades, qui vivotent grâce aux subventions de l’Etat ou en travaillant comme vendeurs dans l’informel, victime des fausses promesses du maire de sa commune, Krimou va tenter de convaincre du bien-fondé de sa démarche sans pour autant réussir à concrétiser ses ambitions.
Avec un ton satyrique, Mouaâq wa lakin... aborde des réalités vécues par les personnes aux besoins spécifiques en livrant une critique sévère du monde associatif et des autorités qui ne "se souviennent de nous (handicapés) que le 14 mars et le 3 décembre", dira un des comédiens en évoquant les Journées (nationale et mondiale) du handicapé. En plus de proposer un texte drôle au message clair, écrit par Rezzak Mohamed Nabil, la pièce se distingue également par sa mise en scène (de Djamel Guermi et Mohamed Abbas Islam) qui intègre intelligemment les handicaps des douze comédiens amateurs dans leurs déplacements sur scène ou leur manière de jouer.
Cette démarche s’est d’ailleurs illustrée dans les phases silencieuses de la représentation où l’appareillage (fauteuils roulants, cannes, etc.) et les corps des comédiens ont été un atout pour la chorégraphie, au lieu de constituer un obstacle à sa réalisation.
Les comédiens ont, pour leur part, fait preuve d’une grande discipline dans leur interprétation tout en réussissant à transmettre, par le rire, la prise de conscience qu’ambitionne de provoquer la pièce chez le spectateur. "Cette pièce a pour but de transmettre les souffrances mais aussi les ambitions et les espoirs du handicapé algérien qui veut, lui aussi, participer au développement de son pays", a estimé l’auteur de la pièce qui est, par ailleurs, secrétaire général de la Fédération nationale des handicapés.
Cet objectif de "montrer les capacités des personnes handicapés" est aussi partagé par le premier rôle de la pièce, Krimou Bettou, "soulagé" d’avoir pu montrer le résultat d’un mois et demi de travail avec des professionnels du théâtre. Présentée à l’occasion de la Journée nationale des handicapés, Mouâaq wa lakin... sera jouée lors de la manifestation "Constantine, capitale de la Culture arabe 2015", du Festival national du théâtre professionnel à Alger et du Festival régional du théâtre professionnel de Sidi- Bel-Abbès, a indiqué le directeur du TNA, Mohamed Yahiaoui.