Le colloque "Assia Djebar : une femme, une oeuvre", dont la date n’est pas encore fixée, mettra en relief le parcours et la production romanesque de l’écrivaine algérienne qui illumina le champ littéraire.
L’Unité de recherche sur la culture, la communication, la littérature, les langues et les arts (UCCLLA), basée à Oran, veut ressusciter Assia Djebar décédée le 6 février dernier à l’âge de 79 ans, à travers un colloque international, dédié au parcours de cette grande figure algérienne de la littérature universelle. Ce colloque que prépare ladite institution sous le thème "Assia Djebar : une femme, une oeuvre", dont la date n’est pas encore fixée, mettra en relief le parcours et la production romanesque de l’écrivaine algérienne qui illumina le champ littéraire aussi bien dans son pays que partout ailleurs dans le monde.
L’oeuvre d’Assia Djebar, est aujourd’hui publiée et traduite en plusieurs langues. Dans plusieurs pays, à travers les quatre points cardinaux, les spécialistes ont décrypté ses messages, la musicalité de ses textes. Des mémoires et des thèses sur ce nouvel art du dire, de la suggérée et de la murmurée ont été soutenus par des jeunes qui n’ont ni approché ni connu ce symbole de la femme algérienne et musulmane progressiste. Devenue malgré elle l’ambassadrice de la littérature algérienne.
Intéressé par la diversité et la simplicité de cette grande dame au parcours exemplaire, l’Unité de recherche sur la culture, la communication, la littérature, les langues et les arts (UCCLLA), a tenu à faire connaître son oeuvre de grande valeur et son écriture originale. "Plusieurs personnalités parmi les chercheurs, hommes et femmes de lettres algériens et étrangers seront sollicités dans le cadre de l’appel à contributions qui sera prochainement lancé", a souligné Mohamed Daoud, le directeur de l’UCCLLA.
Hélas, son travail, inscrit désormais dans l’universalité, ne jouit pas d’une grande visibilité dans son propre pays. Née en 1936 à Cherchell sur la côte algérienne, près du mont Chenoua, Assia Djebar, livre souvent dans ses livres les clefs de son éducation intellectuelle et morale. Elle raconte son goût précoce pour la littérature, ses rencontres, les écrivains qui l’ont marquée, la place et la liberté d’une jeune Algérienne musulmane, brillante dans ses études, remarquée par ses professeurs, encouragée par sa famille à poursuivre des études supérieures en France en 1954.
Elle intègre Normale supérieure Sèvres l’année suivante. A l’âge de 22 ans, elle publie en 1957, chez René Julliard son premier roman, La soif. Elle l’écrit avec rapidité et facilité en accordant à cet exploit la place d’un coup d’essai. Suivront Les impatients en 1958, Les enfants du nouveau monde en 1962, Les alouettes naïves en 1967. Sa détermination à rester, selon la formule de Diderot qu’elle a fait sienne, "en-dehors et au-dedans", de la guerre d’Algérie, a donné à la jeune femme qu’elle était, un regard libre et critique sur ceux qu’elle a croisés et ceux qui ont partagé sa vie.
Son oeuvre est dominée par la conscience d’être entre-deux : entre l’Algérie et la France, entre l’Algérie d’aujourd’hui et celle de la colonisation, entre le berbère qu’elle considère comme langue de souche de tout le Maghreb, l’arabe, sa langue maternelle, et le français. Dans sa narration, les allers et retours entre différentes époques ou, entre des situations chronologiques différentes, entre des personnages apparemment sans rapport, donnent à son écriture une respiration profonde où la narratrice joue de ces frontières spatio- temporelles créant un espace de liberté et de libération.
Formée à l’étude du grec et du latin, les auteurs anciens de l’Africa romaine lui sont devenus familiers au cours de son apprentissage scolaire. Parlant l’arabe, le berbère et le français depuis l’enfance, elle renonce à Paris, à un cursus de philosophie et en particulier à des recherches sur Averroès parce qu’elle n’a pas l’occasion au cours de ses études supérieures d’approfondir sa connaissance de la langue arabe. Plus tard, elle quitte l’enseignement de l’histoire moderne et contemporaine du Maghreb, au moment de l’arabisation.
Elle apprendra l’Italien pour mieux lire, dans le texte, César Pavese. Son exigence d’une maîtrise nécessaire des langues et l’amour de celles qu’elle porte en héritage féconde son écriture en langue française. Pendant les années 70, elle réalise, en Algérie, deux films, La Nouba des femmes du Mont Chenoua et La Zerda ou le chant de l’oubli. Son livre, La femme sans sépulture (2002), est un hommage à une héroïne de la guerre d’Algérie, Zoulikha dont les enfants n’ont jamais pu enterrer le corps.
Dans ses films comme dans ses premiers romans, Assia Djebar cherche une narration qui mêle l’Histoire, la fiction, des éléments biographiques. Elle construit ses romans méthodiquement à partir des années 80, tel un architecte, dans la finesse d’une langue française qu’elle excelle à enrichir de la dimension cachée de la langue arabe. En 2005, elle devient la première femme maghrébine à entrer à l’Académie française.