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Célébration du nouvel an amazigh 2965
Yennayer, l’affluent primordial de l’identité nord-africaine
11 Janvier 2015

Chaque année et depuis des lustres, Tamazgha célèbre Yennayer, le nouvel an amazigh. Il est traditionnellement célébré la veille du 12 janvier. Cet événement est fêté et vécu par la quasi-majorité des Nord-Africains dans la joie, la convivialité et la solidarité.

En Algérie l’avènement du nouvel an berbère donne lieu à une ambiance particulière, empreinte de ferveur, de joie et de communion, à laquelle toutes les familles se préparent plusieurs jours à l’avance pour célébrer, avec faste, cet événement très attendu de l’année. La célébration de la fête de Yennayer, bien enracinée, est restée la même dans le fond, avec peut-être quelques particularités d’une région à une autre, vu la géographie, le climat, la composante humaine, et quelquefois dans l’appellation (nayer, yennayer ou encore amenzou n’yennayer). En Kabylie, entre autres, les familles font, lors de cette journée, une véritable fiesta.

Pour la circonstance, depuis une semaine, les populations se préparent à accueillir Yennayer. Au niveau des marchés populaires, les ménagères ont pris d’assaut les magasins pour faire leurs emplettes, pesant et soupesant toutes sortes de denrées. Les cérémonies de Yennayer consistent à préparer et consommer un repas copieux, à base de blé, de semoule et de viande.

Les familles garnissent leurs tables à l’occasion de cette célébration d’une floraison de friandises, ainsi que d’amuse- gueules de toutes les couleurs, avec des mets inhabituels, tels les galettes aux oeufs, les crêpes et les beignets de toutes sortes, et une collation composée principalement de fruits secs : noix, noisettes, figues sèches, marrons, amandes, cacahuètes, dattes, oranges, pommes, pistaches... Mais pour ce qui est de cette année, tout un chacun essaye, autant que faire se peut, de ne pas déroger à la tradition, et cela malgré les prix qui se font, année après année, de moins en moins abordables. La majorité des familles s’approvisionnent en petites quantités.

Des rituels qui défient le temps, malgré…

La fête de Yennayer n’est pas une simple cérémonie ou encore un simple point de vue, notamment chez les Algériens. C’est une journée qui se caractérise par une sainte atmosphère réunissant toute la famille autour d’un dîner qui se compose de plats et de recettes traditionnelles. A chacune des régions du pays son art et sa manière d’accueillir Yennayer. Les ingrédients sont multiples et variés.

Généralement, la coutume veut que la célébration du nouvel an berbère ait lieu, non pas au commencement de la nouvelle année amazighe, mais précisément la veille. Ceci dit, cela n’empêche pas de nombreuses familles de célébrer cette fête au soir de la nouvelle année amazighe, autrement dit le 12 janvier. Lors du dîner, du « rougag » ou « trida » au poulet ou bien du couscous à la viande pour ceux pouvant se le permettre. Dans la préparation des autres mets qui accompagnent ces plats, les femmes servent aux enfants, le matin du 12 janvier, du « cherchem » (bouillie de blé, de fèves et de pois chiche).

La tradition exige que l’on ne vide pas les plats, ce qui signifie que l’on ne doit pas avoir faim. L’occasion est saisie pour réunir la grande famille autour de ce plat. Les absents ne seront pas les oubliés du repas : des cuillères disposées par la mère symbolisent leur présence et une proportion symbolique leur sera laissée dans le plat collectif, censé rassembler toutes les forces de la famille. La fête garde de sa saveur pendant les quelques jours qui suivent l’événement. Les aliments servis vont symboliser la richesse, la fertilité ou l’abondance.

Les origines mythiques de Yennayer

Beaucoup d’Algériens célèbrent Yennayer sans en connaître le sens. Le calendrier berbère débute en 950 avant J.- C. lors de la fondation de la XXIIe dynastie égyptienne par le chef militaire berbère, le roi « Chacnaq 1er » où il fût intronisé pharaon d’Egypte. Une nouvelle féodalité prit pied en Egypte. L’an zéro amazigh se réfère donc à cette date historique. Il réunifia l’Égypte, puis envahit la Palestine pour s’emparer, à Jérusalem, de l’or et des trésors du temple de Salomon.

Un événement parmi les plus anciens attestés par les premiers textes bibliques. Yennayer prend, cependant, toute sa dimension dans la relation qui l’unit au travail de la terre, le cycle des saisons, célébrés par des rites et coutumes qui témoignent d’une communion étroite entre les éléments naturels, le monde des morts et des vivants, que l’on qualifierait aujourd’hui de fusionnelle. Le calendrier amazigh est avant tout agraire, qui obéit aux cycles de la nature : il tient probablement sa référence du calendrier julien, également agraire. « Les Romains avaient un calendrier qui se compose de seulement 10 mois.

Jules César a ajouté, plus tard, deux autres mois pour l’année, constituée de 350 jours, d’où l’appellation de calendrier julien. Mais au 16e siècle, le chef de l’église Grégoire III a constaté que le calendrier julien accusait un retard de dix jours. Il a donc décidé de rajouter les 10 jours manquants et le calendrier julien a été rebaptisé «calendrier grégorien ». Le calendrier amazigh va de pair avec le calendrier julien, tous deux agraires et étroitement liés à la nature, à l’environnement et au climat.

Programme culturel et artistique riche et varié à travers plusieurs wilayas du pays

Le Nouvel An berbère, Yennayer 2965, sera célébré à travers tous le territoire national, à travers un programme riche et varié concocté par différents organismes, aussi bien de l’Etat, que du mouvement associatif. A juste titre, la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou la 8e édition du salon Djurdjura du couscous qu’organise chaque année la direction de la culture de la wilaya en collaboration avec le mouvement associatif local. Par la même occasion le programme spécial Yennayer comprendra une avalanche d’activités culturelles et artistiques.

A Bouira aussi, Yennayaer ne passera pas inaperçu. Plusieurs associations de Haizer et de Taghzout, ont concocté un programme riche et varié, notamment des expositions de poterie et d’objets traditionnels, livres amazighs et de photos du village, robes kabyles et plats traditionnels. Des présentations théâtrales et des récitals de poésie auront lieu durant. Bejaia de son coté n’est pas resté. Fidèle au rendez-vous, Béjaïa n’aura pas failli en célébrant Yennayer 2965.

Cette occasion, marquant dans l’histoire des Berbères, a incité les structures culturelles étatiques ainsi que les associations à ficeler un programme porteur et multidimensionnel regroupant, entre autres, les aspects les plus distingués du patrimoine culturel berbère, qu’ils soient matériels ou immatériels. Idem à Oran avec l’association Numidia. A Batna, Yennayer 2965, est accueilli, par la première semaine vouée à la culture et à la civilisation amazighe sur une initiative de l’association amazighe Aurès Forum (Ataf).

Cette manifestation, organisée en collaboration avec l’assemblée populaire communale de Batna et le Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA). En plus des réjouissances, le programme de la célébration comporte toute une série de conférences consacrées à la symbolique du Nouvel An amazigh, à l’histoire ancienne de l’Algérie, aux traditions dans les différentes régions du pays profond, en plus d’ateliers dédiés à l’initiation à l’écriture et à la lecture de tamazight et au patrimoine culturel matériel et immatériel des Aurès.

Cette célébration sera également marquée par des expositions d’oeuvres en relation avec les arts culinaires et les arts plastiques, ainsi que d’ouvrages et de publications amazighs, outres de nombreuses soirées de gala animées par des troupes artistiques.

En marge de ces festivités, une fresque picturale sera réalisée au siège de l’APC de Batna par les étudiants de l’école des beaux-arts et un hommage sera rendu à plusieurs figures ayant oeuvré à la promotion de l’amazighité. Quant au Haut- Commissariat à l’amazighité, c’est sous le slogan « Yennayer fête de la solidarité » qu’il s’apprête à le célébrer à travers le territoire national du 10 au 13 janvier courant, en collaboration avec le ministère de la Solidarité nationale.

Les festivités de célébration de l’année 2965 seront à la hauteur de cet important événement, cette date qui commence à prendre une dimension institutionnelle, sera cette année célébrée en coordination avec le ministère de la Solidarité nationale au niveau des DAS à travers les 48 wilayas.

Considérée comme un symbole culturel, cette fête traditionnelle est marquée par le lancement, le du premier cours de tamazight pour adultes au Centre d’enseignement intensif des langues (CEIL) de la faculté d’Alger dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme. Parmi les activités retenues par le HCA pour célébrer Yennayer, la signature de protocoles d’accords avec plusieurs institutions concernées par le dossier de l’amazighité, notamment les ministères de l’Éducation nationale, de la Culture et de la Communication pour la réhabilitation de l’amazighité et la promotion de la langue amazighe.

Il convient de citer, également, le lancement des cycles bimensuels intitulés les « Samedi de l’amazighité » qui s’inscrit dans le cadre du programme d’action du HCA pour l’année 2015, en collaboration avec l’APC d’Alger-Centre. La célébration de Yennayer sera, aussi, marquée par le départ de caravanes depuis Alger vers M’chouneche (Biskra), Asla (Naâma), Béjaïa, Oran, Batna... Notons que des conférences et des colloques seront organisés durant les 4 jours des festivités. On citera, entre autres, la journée d’étude sur la signification de Yennayer, qui sera abritée par l’université de Bejaia.

L’appel du HCA

Yennayer signifie rendre justice à la mémoire et à la culture berbère en tant qu’affluents primordiaux parmi d’autres caractéristiques de l’identité nordafricaine. Yennayer coïncide avec le 12 janvier du calendrier grégorien qui correspond, en 2015, à l’an 2965 du calendrier berbère. Il a la particularité d’être fêté par toutes les populations berbérophones d’Afrique du Nord. Yennayer s’est taillé, contre vents et marées, une place au sein de cette nation pour s’imposer comme principe identitaire et fédérateur inéluctable sans pourtant bénéficier d’une reconnaissance officielle pour affirmer son indépendance.

Pour ce, le Haut-Commissariat à l’amazighité a appelé les décideurs à intégrer Yennayer dans la nomenclature des fêtes officielles. Dans ce contexte, il a plaidé en faveur de l’amendement de l’ordonnance datant de 1963 régissant les fêtes nationales et religieuses et de l’inscription de Yennayer au Patrimoine culturel mondial de l’Unesco. Selon Si El-Hachemi Assad, secrétaire général de cette institution, relevant de la présidence de la République, deux personnalités compétentes en la matière ont été associée à ce projet. Pour lui, il s’agit de mettre en exergue l’ancienneté et l’extension en Algérie de ce trait de culture majeur qui est la chaîne de transmission d’une civilisation depuis trois mille ans.

Par : IDIR AMMOUR

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