Akbou renoue, l’espace de quatre jours, avec le quatrième art à la Maison de jeunes Abderrahmane-Farès d’Akbou et ce, à l’occasion de l’événement annuel qui n’est autre que le Festival du théâtre amazigh de la Soummam qui est à sa dixième édition.
Organisé par l’association Etoile culturelle d’Akbou en partenariat avec la Direction de la culture de la wilaya de Béjaïa, l’Assemblée populaire communale d’Akbou, l’association des fêtes et cérémonies Alliance d’Akbou et le Théâtre régional de Béjaïa, ce rendez-vous théâtral qui regroupera pas moins d’une douzaine de troupes théâtrales venues de différentes wilayas du pays telles que :
Oran, Boumerdès, Tizi-Ouzou et Béjaïa, sillonnera plusieurs communes de la région, dont Ighrem, village Taslent, commune de Chellata, village Tala Mellal, commune d’Amalou, chef-lieu, commune Seddouk, village Akhenak, tenteront de séduire un public averti, aussi connaisseur qu’exigeant, qui a su rester fidèle au rendez-vous tout au long de son existence.
Le rideau a été levé, donc, sur la 10e édition du festival du théâtre amazigh de la Soummam, dont un hommage, lors de la séance inaugurale, a été rendu à deux figures de proue de la chanson mais aussi du théâtre d’expression berbère que sont Slimane Azem et Cheikh Nordine.
Des témoignages, des déclamations poétiques, du chant, le tout agencé autour de deux pièces aux thématiques se rapportant à l’hommage et aux parcours de ces deux personnalités emblématiques qui ont bercé de leur art plusieurs générations de mélomanes et qui continuent à exercer la même influence, bien des années après leur disparition.
Slimane Azem est la star populaire par excellence. Il est réputé être la voix de l’émigration en France, dont il a chanté continuellement les déceptions et les joies, mais aussi l’espoir de rentrer un jour au pays. Son répertoire, composé de plus de 70 chansons, en est truffé, dont quelques-unes ont traversé le temps sans prendre la moindre "ride".
Ainsi en est le cas de "Algérie mon beau pays" ou encore "Afegh a ya djrad si tamourthiw" (criquet sort de mon pays), un pamphlet contre le colonialisme. L’auteur, qui a "sévi" longtemps sur les ondes de Radio Paris, notamment dans le "Quart d’heure kabyle", alors consacré, a eu un engagement politique très fort et a été récipiendaire de plusieurs prix le consacrant comme l’un des meilleurs artistes maghrébin d’Alors. Il a été notamment disque d’or, dans les années 70, à l’occasion d’un duo effectué avec feue Nora.
Il s’est également produit plusieurs fois sur la scène mythique de l’Olympia de Paris, avant de rendre l’âme, en 1983. C’est lui aussi qui a inauguré le théâtre radiophonique et la comédie musicale d’expression amazighe. Cheikh Nordine, de son vrai nom Meziane Nordine, n’est pas en reste, son parcours étant aussi étincelant de création, de générosité et de succès qui en font de lui un artiste hors pair. Fondateur de la chaîne-II de la Radio nationale, il fait office de pionnier de la chanson satirique et du théâtre radiophonique.
Il est également l’artisan de la mise sur pied du premier orchestre populaire kabyle au sein duquel se sont révélés de grandes voix et d’immenses talents, à l’instar de H’Nifa, Ounissa ou Chérifa, ou encore Kamel Hamadi et Youcef Abjaoui. Modeste, féru de chaâbi et fan du Mouloudia d’Alger, Cheikh Nordine a été aussi un acteur de talent, ayant participé dans les oeuvres cinématographiques les plus en vue du pays. Il a campé, entre autres choses, dans "Les hors la loi" (1968) de Farès Tewfik, "Chroniques des années de braise" (1975) de Lakhdar Hamina, "Patrouille à l’Est" (1970) de Amar Laskri et "Chant d’automne" de Yala Méziane.
Il est décédé en août 1999. Beaucoup de témoignages ont été consacrés à leur vie durant cette soirée inaugurale, notamment de l’anthropologue Abdennour Abdeslam, du poète Boualem Messouci, du chanteur Hamid Medjahed, et de la chanteuse Louisa qui a eu le privilège de travailler de longues années avec Slimane Azem, et est resté des mois durant à son chevet, alors qu’il était malade. "C’est un peu mon père", dira-t-elle la voie nouée d’émotion.
Un peu pour magnifier ses évocations, la troupe Thagharma, de Chellat, n’en demandait pas tant pour dérouler sa nouvelle pièce, une comédie musicale, reprenant tous les titres cultes des deux personnages, plongeant la salle remplie comme un oeuf, dans un plaisir nostalgique bouleversant, prolongée du reste par la 2e pièce au programme, articulée pour l’essentiel autour d’une oeuvre fantastique, mettant en relief la résistance d’un village face à un roi, totalitaire et son éléphant prédateur. La particularité de l’oeuvre est sa référence au village d’Aguemmoun de Larba Nath Irathène (Tizi-ouzou), lieu de naissance de cheikh Nordine.