Kamel Hammadi, auteur-composition-interprète et époux de la défunte :
"C’est avec moi qu’elle avait débuté sa carrière d’artiste. Elle a dignement honoré son pays, l ’ Algérie , qu’elle avait chevillée au coeur. De l’épouse, je garde l’image d’une femme brave et respectueuse. Même si elle ne parlait pas parfaitement ma langue (kabyle), elle a toujours eu du respect pour ma propre famille, qui le lui rendait si bien."
Idir, chanteur d’expression kabyle :
"C’était une femme de caractère. Elle est partie dans cette galère avec un handicap très lourd : comme elle était arabophone, il a fallu qu’elle fasse des efforts, qu’elle tende la main vers l’autre, ce qui n’est pas forcément évident. La défunte a eu la "chance" d’avoir un mari (Kamel Hammadi Ndlr) qui l’a "bien encadrée" car lui-même rompu à la musique.
C’est lui qui a fait d’elle la Madone de la chanson algérienne. Je garde un excellent souvenir d’elle. A chaque fois qu’elle m’invitait, c’était toujours cette élégance raffinée, cette intelligence et gentillesse. Et ça je ne l’oublierai jamais."
Ben Mohamed, écrivain et parolier
"L’Algérie perd en Nora un modèle d’artiste . C ’ était quelqu’un qui venait, animait son spectacle et rentrait, tout de suite, chez elle.
Au niveau du travail, c’était quelqu’un de très pointilleux sur la façon d’exercer son métier dont elle avait une haute idée. Nora a quitté précipitamment mais, malgré elle, le milieu artistique pour des raisons de santé. Elle avait encore des choses à apporter. D’ailleurs, j’avais demandé à son époux de lui faire quelque chose d’artistique à léguer pour la postérité, en même temps de l’aider à supporter sa maladie, mais en vain. La défunte avait gardé, jusqu’à son dernier souffle, la pureté de sa voix."
Safy Boutella, musicien compositeur et chorégraphe :
"Je suis très touché par cette tragique disparition . Kamel Hammadi est un ami. J’ai eu l’occasion de rencontrer, une ou deux fois, Nora, une chanteuse emblématique. Nora avait bercé mon enfance. Quand j’avais 12-14 ans, elle passait à la télévision et c’était une fierté de la voire, d’admirer son talent et son incroyable élégance."
Rachid Mesbahi, le grand maître du mandole et du chaâbi kabyle
" Rachid Mesbahi se souvient, lui, de ses premières rencontres avec la défunte artiste, à la fin des années 60. C’est une grande femme que j’ai connue dans les années 1967-1968. C’était sur sollicitation de Kamel Hammadi que j’ai connu la vedette de l’époque et d’aujourd’hui même.
C’était Madame Nora. La disparition de Nora est une perte pour la chanson algérienne et un départ impromptu d’une artiste trilingue (kabyle, arabe dialectal et français)." La chanteuse populaire Nora est décédée dimanche dans un hôpital parisien suite à une longue maladie. Son corps sera rapatrié mercredi en Algérie.
L’enterrement est prévu jeudi après la prière du D’hor, au cimetière de Sidi Yahia, sur les hauteurs d’Alger. Née Fatima Badji, Nora est reconnue comme la première chanteuse qui a bénéficié du statut de star par des thèmes proches à tous les Algériens en interprétant le thème de l’exil (ghorba) avec Gal el menfi (le banni), le thème de l’amour avec Houa, houa (lui, lui) et en exploitant différents registres des folklores régionaux. Elle est la première chanteuse maghrébine à obtenir un disque d’or au début des années 70.
Message de condoléances du président de la république, Abdelaziz Bouteflika...
Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a adressé un message de condoléances à la famille de Fatima Badji, plus connue sous le nom de Nora, décédée dimanche à l’âge de 72 ans, dans lequel il a rendu hommage à "l’icône de la chanson algérienne tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays".
"L’Algérie et le milieu artistique viennent de perdre une étoile parmi les pionniers du chant authentique, l’artiste Fatima Badji, plus connue sous le nom de Nora, qui a honoré durant plus d’un demi-siècle la chanson algérienne", lit-on dans le message de condoléances. La carrière de la défunte "lui a valu respect et estime eu égard à son engagement pour la chanson authentique qu’elle a magistralement interprétée avec la voix suave et mélodieuse qui était la sienne", a souligné le chef de l’Etat dans son message.
"Les oeuvres perpétuant la mémoire des hommes, la défunte demeurera certainement l’icône de la chanson algérienne tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays et son souvenir restera vivace avec celui de ces hommes et ces femmes qui ont voué leur vie à la préservation du patrimoine par l’innovation et la créativité", a ajouté le président Bouteflika. Le président de la République a émis le voeu que les "générations montantes dans ce domaine qui façonne le goût raffiné s’inspirent du combat livré par les aînés durant l’ère coloniale contre l’oubli et les pratiques abjectes de l’occupant ciblant l’authenticité algérienne".
Pour le président Bouteflika, "la disparition de cette icône est une perte immense pour la scène artistique nationale". "En cette douloureuse épreuve, nous ne pouvons qu’exprimer nos condoléances les plus attristées à sa famille et à toute la famille artistique et prier Dieu Tout-puissant de les assister et d’accueillir la défunte en Son Vaste paradis", a ajouté le chef de l’Etat.
...et de la ministre de la Culture, Nadia Labidi
La ministre de la Culture, Nadia Labidi, pour sa part, a salué le riche parcours de la défunte Nora, et son engagement pour la promotion de la chanson algérienne. Dans un message de condoléances, Mme Labidi a souligné que la "défunte était un modèle de sacrifice et de dévouement, et l’une des artistes les plus célèbres de sa génération aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays...".
La ministre a rappelé le rôle de l’époux de la défunte, le compositeur Kamal Hammadi, dans l’émancipation artistique de Nora à travers une coopération fructueuse qui a donné naissance à de nombreuses chansons célèbres et éternelles. Mme Labidi a estimé que le décès de Nora est une grande perte pour la chanson algérienne, ajoutant qu’elle restera à jamais un modèle de réussite pour les jeunes artistes. Nora, de son vrai nom Fatima Badji, est née en 1942 à Cherchell.
Dans les années cinquante, elle a animé des émissions pour enfants sur les ondes de la radio. En 1971, elle obtient, avec Slimane Azzem, le disque d’or Chez Pathé Marconi pour avoir vendu plus de 2 millions de disques. La doyenne de la chanson algérienne a à son actif plus de 500 titres puisés du patrimoine algérien. Pour tous ceux qui l’ont aimée, Nora restera l’inoubliable interprète de nombreux titres illustres, à l’instar de Ya Rabbi Sidi, Ya Bent El-Houm", Ya Tayara et Ya nas amahou.