Le 31 mai 1993, Saïd Mekbel avait écrit dans sa chronique : «Tahar Djaout est un homme d’avenir. Mieux, il est un homme de l’avenir. Il est de ceux qui peuvent faire reculer les horizons pour que les enfants puissent vivre et respirer à l’aise dans ce pays.»
Chronique émouvante au lendemain de l’assassinat de cet illustre journaliste, écrivain et poète qui, durant son parcours journalistique, a œuvré pour la culture et a fait découvrir ou redécouvrir des artistes algériens de talents évoluant dans diverses disciplines artistiques, allant de la littérature à la peinture, d’une part, et interpeller les esprits, d’autre part, à travers sa plume.
Et c’est un peu normal que le monde de l’art lui rende un troublant hommage, une installation intitulée «Les Vigiles (à la mémoire de Tahar Djaout)» de Kamel Yahiaoui, où l’on peut percevoir une vieille machine à écrire qui au lieu d’être ornée de touches, c’est un alignement de balles pointées vers le haut qui les remplacent. Une installation qui nous interpelle quant à la force des mots, de l’expression en elle-même. Elle nous rappelle également la phrase attribuée à M. Djaout : «Avec ces gens-là, Si tu parles, tu meurs, Si tu te tais, tu meurs, Alors parle et meurs !». A noter que c’est le double statut d’artiste et de poète de Kamel Yahiaoui qui a nourri cette œuvre, présentée au Brésil et qui a permis de rendre hommage à l’homme et rappeler un pan de notre histoire qui marque consciemment ou inconsciemment le paysage social et culturel actuel. Rappelons-nous, ces vers de Tahar Djaout qui, il me semble, reste totalement d’actualité :
«De ma bouche
Grotte obscure
Depuis longtemps sans vie
Coulera la parole
Porteuse de l’espoir»