Le cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie revêt une grande importance symbolique autant dans notre pays qu’en France. Plusieurs activités culturelles et historiques sont à cette occasion organisées dans les deux rives de la Méditerranée. A cet effet, et pour marquer cet événement, l’association le Maghreb des films, en partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme, a choisi de commémorer cette date avec l’anniversaire de la date de naissance du martyr Maurice Audin, le 14 février, avec la projection du documentaire «Maurice Audin, la disparition» de François Demerliac au cinéma Les Ecrans (4 promenade de la Fraternité - Tourcoing). La séance sera suivie d’un débat en présence du réalisateur.
L’objectif de François Demerliac est la quête de justice dont le but est de dire la vérité sur le meurtre du jeune Maurice Audin, arrêté, torturé, puis déclaré évadé par les parachutistes d’Alger, en 1957.
Ce documentaire entrecroise des témoignages des protagonistes français et algériens : militants pour l’indépendance algérienne, avocats, historiens, militaires... En s’appuyant sur les recherches de l’historien Pierre Vidal-Naquet, il mêle documents (archives filmées, journaux, livres, dessins…) et scènes de reconstitution pour retracer le contexte de cette disparition et dénoncer la torture et le meurtre pratiqués en Algérie. Josette Audin est le personnage central et le «commanditaire» moral de ce film
Ce documentaire de 75 minutes est divisé en trois parties distinctes. La première retrace les évènements historiques et politiques d’une Algérie sous le joug coloniale. D’une manière pédagogique, le réalisateur remet les spectateurs dans un contexte de l’époque. Ainsi, dans cette première partie nommé «1 – Avant - La vie à Alger Maurice Audin», François Demerliac met principalement en scène les témoignages de Josette Audin, d’Henri Alleg, journaliste et alors directeur du journal Alger Républicain, et de l’historien Mohamed Harbi, illustrés de documents d’époque, de photos de famille et d’images actuelles d’Alger en compagnie d’Henri Alleg. (Josette Audin ne veut pas retourner à Alger, qui représente pour elle un passé trop douloureux).
En 1957, l’Algérie est encore française mais la décolonisation est en marche, s’exprimant par la violence. Depuis 1954, les indépendantistes algériens multiplient les attentats, les autorités françaises ripostent par une répression sanglante, c’est l’escalade. Le fameux attentat contre le Milk-Bar entraîne l’envoi massif de troupes françaises en 1956 pour «rétablir l’ordre» ; les «ratissades» arbitraires deviennent systématiques, aboutissant à l’internement de nombreuses personnes ; les avocats ne savent plus comment traiter les dossiers qui s’accumulent par milliers, face à une justice souvent expéditive ; l’armée a tous les pouvoirs ; les militaires, souvent de très jeunes appelés, sont confrontés brutalement à la violence et à l’avilissement d’un «sale boulot» qui paraît justifié par la grandeur de la cause : la protection des innocents et l’idée de la «grande France», dont faisait partie l’Algérie, menacée par les rebelles et le communisme. Alger. Dans cette ville cosmopolite, deuxième capitale française pour certains, vivent de nombreux Européens. Parmi eux, un jeune couple d’enseignants, les Audin. Tous deux sont issus de familles d’origine européenne. Josette est née à Bab El-Oued, Maurice vit à Alger depuis l’âge de huit ans. Ils se sont mariés en 1954. Josette, adjointe d’enseignement au Lycée Gautier, est en congé maternité. En mai 1957 est né leur troisième enfant. Maurice est un brillant assistant de mathématiques, il prépare un doctorat d’Etat à la Sorbonne. Il est aussi militant du Parti communiste algérien, favorable aux indépendantistes algériens, mais son activité est essentiellement syndicale. Une famille ordinaire dans une période de troubles. Puis dans la deuxième partie nommée «Josette Audin 2 – 11 Juin 1957 - L’arrestation, la justice militaire», les témoignages de Josette Audin et d’Henri Alleg seront complétés par ceux d’autres acteurs des faits, en particulier les avocats, et illustrés par de courtes scènes de reconstitution. Josette Audin raconte l’irruption brutale des parachutistes dans son foyer, le 11 juin, et l’arrestation de son mari, puis les journées passées avec ses trois enfants, bloquée pendant 4 jours et 4 nuits avec les militaires dans son appartement, où Henri Alleg, venu prévenir Maurice des menaces qui pesaient sur eux, est à son tour arrêté ; puis l’attente, l’incertitude et l’angoisse quant au sort de son mari.
Henri Alleg explique les raisons de l’arrestation de Maurice Audin : il a recueilli pendant quelques jours à son domicile, en avril, un militant communiste, Paul Caballero. Celui-ci étant malade, Maurice fait appel à un médecin, le docteur Hadjadj. Quelques jours plus tard, à l’instigation d’Henri Alleg, Maurice rencontre un autre militant, André Moine. Caballero et Moine sont tous deux activement recherchés par les parachutistes. L’arrestation et l’interrogatoire (électricité et eau) du docteur Hadjadj conduisent les militaires à Audin. Henri Alleg raconte sa propre arrestation, les tortures qu’il a subies, décrites dans son livre «La Question», et sa détention au Centre de tri d’El-Biar où il a vu pour la dernière fois son ami Maurice.
A partir du 16 juin, aussitôt après le départ des parachutistes de son appartement, Josette Audin, qui ne sait toujours ni pourquoi, ni où, ni dans quelles conditions son mari a été arrêté, prend contact avec des avocats. Pierre Braun et Jules Borker disent comment ils sont immédiatement intervenus, ils expliquent le fonctionnement de la mécanique judiciaire très particulière en service à Alger, où les limites habituelles des pouvoirs policiers, judiciaires et militaires ont été balayées par la crise. Ils décrivent les rares ressources disponibles pour tenter de connaître le sort de personnes tombées entre les mains des militaires : l’«assignation à résidence», utilisée par Paul Teitgen, secrétaire général chargé de la police à la préfecture d’Alger ; la saisie de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels, fraîchement constituée. Josette Audin multiplie les démarches avec ses avocats et reçoit en retour des informations contradictoires, dont notamment la visite de jeunes militaires tenant des propos inquiétants. Elle est, enfin, reçue le 1er juillet par le colonel Trinquier qui déclare avoir une «bonne nouvelle» à lui annoncer. Enfin, le documentaire se clot par une dernière partie «1er juillet 1957 – «Votre mari s’est évadé». Place Maurice Audin». Cette derniere revient sur le témoignage de Josette Audin, insert document et scène de reconstitution de «l’évasion» selon les parachutistes. Josette Audin relate la manière dont le colonel Trinquier lui a annoncé «l’évasion» de son mari le 21 juin et lui a lu le rapport de Meyer. Scène de reconstitution : l’évasion selon le rapport du lieutenant-colonel Mayer du 25 juin. Josette Audin refuse de croire cette version des faits et comprend aussitôt que son mari a été tué : s’il s’était réellement évadé 10 jours plus tôt, il se serait manifesté auprès d’elle.