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Évocation
Fadhéla Dziria, la diva du hawzi
7 Août 2011

Elle fut engagée pendant les soirées de Ramadhan au Café des Sports géré par Hadj Mahfoud, situé à la rue Bruce, dans la Basse Casbah. Elle fut généreuse et aimable. Son caractère affable et son sourire lui ont permis de vivre dans le milieu artistique avec la considération et la sympathie de tous.

Née le 25 juin 1917 à Djenan Beït El Me,l du côté de Notre Dame d’Afrique, à Alger, dans une famille conservatrice, Fadhéla Dziria, de son vrai nom Fadhéla Madani, est l’une des figures les plus marquantes de la chanson traditionnelle citadine dite hawzi.
Son père s’appelait Mehdi Ben Abderrahmane et sa mère Fettouma Khelfaoui. Sa seule sour de père et de mère, Goucem, fut musicienne en son temps tandis que les deux autres sœurs et un frère, Amar, ont la même mère seulement. Dès son plus jeune âge, elle s’adonna à la chanson, en imitant la grande cheikha Yamna Bent El-Hadj El-Mehdi, au sommet de sa carrière et en assistant à toutes les fêtes qu’elle animait, et un peu plus tard, elle reprendra à son compte les mélodies de la diva du hawzi. Elle fut découverte lors d’une émission de Radio Alger, Men koul Fen chwai, de M. E. Hachelaf et Djilali Haddad qui lui composèrent un grand nombre de chansons sur le modèle classique et hawzi. Quarante ans plus tard, une partie de son répertoire est présumée du domaine public comme Ana Toueiri. Mustapha Kechkoul, discothécaire de Radio Alger, se chargea de son initiation à la musique classique, initiation qui s’avéra laborieuse car elle était analphabète ; il fallait lui souffler les paroles pendant les enregistrements.
Soutien majeur de sa famille sur le plan matériel, Fadhéla s’était mariée une seule fois, en 1930, à l’âge de 13 ans, avec un chômeur qui en avait trente. De cette union naquit une fille qui ne vécut pas. Sa mésentente avec son mari, qui décéda quelque temps après, la poussa a faire une fugue et Fadhéla se retrouva, en 1935, à Paris, chantant dans les quartiers à forte concentration d’émigrés et plus particulièrement au cabaret El Djazaïr. Elle chantera du âsri (moderne), rencontrera Abdelhamid Ababsa qui lui apprit plusieurs mélodies en vogue à l’époque, et lorsque sa mère la fit revenir, elle restera chanteuse tant sa voix plaisait au public.
Elle fut engagée pendant les soirées de Ramadhan au Café des Sports géré par Hadj Mahfoud , situé à la rue Bruce, dans la Basse Casbah. Une troupe de théâtre et de variété la prit en charge par la suite. Elle travaillera avec le directeur de la troupe qui lui conseilla de changer de genre. Mustapha Skandrani et Mustapha Kechkoul, bien introduits dans le cercle musical algérois, vont beaucoup l’influencer et elle a fini par adopter l’algérois en entrant dans le groupe de Mériem Fekkaï qui animait les soirées de fêtes de tout Alger. Pour son premier enregistrement professionnel, elle reprend une chanson que tous les Algérois connaissaient bien déjà Rachiq el Qalb, un morceau genre Nqleb du mode Araq faisant partie de la structure musicale arabo-andalouse.
Elle s’en était acquittée d’une façon majestueuse, toutefois sa vraie rentrée, en 1949, fut avec l’enregistrement de son premier disque chez Pacific, Mal hbibi malou (paroles de Kechkoul et musique de Skandrani), qui obtint un grand succès commercial. Mahieddine Bachetarzi l’engagea alors pour animer la partie concert de ses tournées. Elle participa aussi en tant que comédienne aux pièces qu’il présentait à travers toute l’Algérie et notamment dans Ma yenfâa ghir essah, Dawlette enissa, Othmane en Chine et Mouni radjel (1949).
Cette carrière de comédienne si elle n’a pas été longue elle lui valut de vaincre le trac du public et surtout de travailler aux côtés d’artistes consacrés comme Ksentini, Touri, Bachdjerrah, Keltoum et bien d’autres. Quittant les planches, elle revient à la chanson, sa véritable passion, et ce retour lui valut au moins trois grands succès : Malou hibi, bien sûr, mais aussi Ana toueiri... (paroles de M. E. Hachelaf et musique de Djilali Haddad) et Houni Kanou (Ils étaient là), un zendali exécuté sur un rythme typiquement féminin de l’Algérois.
Femme généreuse, pleine de bonté, on la retrouve en 1954 à l’Opéra de Paris où elle s’est produite dans le gala organisé au profit des sinistrés d’El Asnam aux côtés de la célèbre comédienne Keltoum et d’Aouichette, chanteuse bien connue dans le milieu artistique de l’époque. En 1955, elle participe à des émissions classiques à la télévision algérienne naissante.
Sa vie artistique ne l’empêchera pas de participer avec sa sœur Goucem à la Guerre de libération : elle était chargée de la collecte des fonds et, à cause de cela, elle fut emprisonnée à Serkadji. A sa sortie de prison, elle forme son propre ensemble musical avec sa sœur Goucem à la derbouka, Reinette Daoud, dite l’Oranaise, au violon, et sa nièce Assia au piano et à l’orgue. Après l’Indépendance, elle reprend sa participation à la radio et à la télévision. Sensible, perspicace, Fadhéla Dziria était majestueuse sur scène. Son langage recherché, serein et calme, son élégance et sa manière de porter le kaftan, le karakou avec séroual doré coiffé d’un khit erroh ou zrir, faisait d’elle l’expression vivante de toute une culture, de toute une tradition jalousement conservée. Elle incarnait aussi le côté classique de la musique algérienne et, à ce titre, elle fut connue partout comme la plus grande cantatrice algérienne.
Son caractère affable et son sourire lui ont permis de vivre dans le milieu artistique avec la considération et la sympathie de tous. Elle mourut en son domicile de la rue Hocine- Asselah, près de la Grande Poste à Alger, le samedi 6 octobre 1970 et fut enterrée au cimetière d’El Kettar.

Par : Kahina Hammoudi

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