Le grand chanteur constantinois Mohamed-Tahar Fergani a été hospitalisé en urgence, dimanche, pour un problème cardiaque, a annoncé l’APS qui l’apprend de source proche de la famille du maître du malouf.
L’interprète de Ya dalma a dû subir une intervention chirurgicale à cœur ouvert pour la pose d’un peacemaker.
Hadj Mohamed-Tahar Fergani ou Cheikh Fergani (né le 9 mai 1928 à Constantine), de son vrai nom Reganni, fils de Cheikh Hamou, est un célèbre chanteur, musicien et compositeur algérien de hawzi (un répertoire musical proche de la musique arabo-andalouse et de musique populaire au développement très long faite et constituée de courtes pièces).
Il est également considéré comme l’une des figures de proue du malouf. Son chant est souvent décrit comme une harmonie exquise. Il parvient à réaliser une synthèse équilibrée de la chanson traditionnelle dans ses différentes facettes. La puissance de sa voix incarne un degré de qualité d’interprétation qui charme un grand nombre de mélomanes. Il demeure l’un des rares chanteurs à interpréter ses compositions portant sur quatre octaves.
Son père, issu d’une famille de mélomanes, était déjà un virtuose du hawzi. Il est d’abord épaulé par son frère Abdelkrim, qui l’initie au métier de la broderie, un métier très prisé et rentable dans sa ville natale.
C’est à l’âge de 18 ans qu’il se consacre entièrement à la musique et débute comme joueur de fhel (un instrument de musique à vent apparenté à une petite flûte) dans l’orchestre d’Omar Benmalek, avant de se tourner vers le genre charqi (oriental, d’inspiration égyptienne) au sein de l’association Toulou’ el Fadjr (l’aurore). Sa voix chaude et puissante impressionne dans l’interprétation de chansons d’Oum Kalthoum ou de Mohammed Abdelwahab.
Un peu plus tard, après s’être essayé au style hawzi, un style populaire des faubourgs de Tlemcen, il s’oriente sur les conseils avisés du fameux Cheikh Hassouna Amin Khodja vers le malouf, un genre musical d’origine andalouse, le plus enraciné à Constantine, mais également à Annaba, à Tunis et à Tripoli, un style dont son père lui enseignera dans sa jeunesse les bases essentielles.
En 1951, à Annaba, il se fait remarquer à un concours musical, dont il remporte le premier prix, et, dans la foulée, enregistre un premier album qui l’impose, à la fois, comme chanteur populaire et maître du malouf. Au contact des grands maîtres de l’arabo-andalou algérien, tels Dahmane Ben Achour ou Abdelkrim Dali, il perfectionne son art, parvenant à assimiler et maîtriser le répertoire des trois écoles maghrébines : l’algéroise et sa sana’a, la tlemcénienne avec sa musique gharnati et, bien sûr, la constantinoise avec son malouf plus vif qu’ailleurs. El Hadj Mohamed-Tahar Fergani est le père du maâlem Salim Fergani, une autre célébrité de la musique arabo-andalouse, oudiste expérimenté qui s’exprime volontiers avec bonheur dans les principales formes poético-musicales, malouf, zajal, mahjûz et hawzi, constituant le répertoire familial, transmis fidèlement d’une génération à l’autre.
Primé en plusieurs occasions et consacré tant sur le plan national qu’au niveau international, il demeure l’une des références majeures et souvent l’invité incontournable de toutes les manifestations culturelles où la qualité artistique prime sur l’effet de mode. Son sens mélodique aigu, son génie sans pareil dans l’improvisation, la richesse de son style, sa virtuosité dans le maniement du violon, tenu à la verticale, et son audace à dépasser ses limites ont fait école et, pour lui, c’est la plus belle des récompenses pour une aussi longue carrière, encore en mouvement.