La générale du monologue « Warda » a été donnée à l’initiative de l’Office national de la culture et de l’information jeudi dernier en fin de journée à la salle El Mouggar à Alger.
Si le public n’est pas venu nombreux, Alger ayant certainement la tête ailleurs, avec la protesta sociale, la comédienne Tounes Aït Ali a cependant réalisé une brillante prestation artistique en campant le rôle d’une femme de ménage, qui grâce à ce poste qu’elle occupe dans son entreprise connaît dans le détail les mœurs de l’ensemble des gens qui y sont employés. Warda devient une femme de ménage, après des études dans un institut d’arts dramatiques, elle a fait ce choix pour s’émanciper de la société et pour échapper au chômage. On peut regretter le fait que la comédienne n’ait pas joué sur les deux tableaux : le passé artistique de Warda, (même au stade de la formation) et le métier auquel elle a accédé. La femme de ménage dont le rôle est campé justement n’a rien d’une artiste, ses manières, son langage, sa pensée, son espièglerie et ses frasques appartiennent au registre rural. Rien de son passé d’étudiante ne transparait. La langue est celle qui est pratiquée dans l’est du pays, c’est à peine que l’on se ressouvient que les populations de l’est constantinois parlent le dialecte tunisien ! On peut aussi se délecter des belles réalisations langagières de cet idiome resté pur et limpide contrairement à celui du centre ! Mais devenue la caméra cachée de l’entreprise, -en fait une salle de spectacle- Warda va démêler l’écheveau des relations tissées entre les différents membres de son personnel. « Warda » qui signifie Rose parait une belle fleur qui a poussé sur le fumier. On saura que tel fait la cour à une telle, que le patron a un comportement spécifique avec ses secrétaires. Bref, la comédienne peint un tableau saisissant du rapport des Algériens à la femme et à la sexualité. Ce sont en fait des histoires d’accouplements insolites que la pièce donne à voir, assorties, il est vrai, des états d’âme de la comédienne. L’idée est bonne, à travers le boss qui s’entoure de beaucoup de secrétaires, Tounes, veut nous signifier que sous des dehors de modernité, la société algérienne n’a pas beaucoup changé, et pour cause c’est le patriarche endogame entouré de ses épouses qu’on retrouve. L’anti-héroïne qu’est Warda, à défaut donc de jouer la comédie sur la scène d’un théâtre, se retrouve pour autant sur le même espace mais dont on attend qu’elle le nettoie et l’astique. Frustrée, elle critique les gérants de la salle de spectacle qui l’emploie, en dénonçant la gabegie qui règne au niveau de la gestion du personnel et de la distribution des salaires dont profitent les proches du directeur. En somme une dénonciation à peine voilée de la réalité du 4e art algérien. Tounes Aït Ali a tenu à impliquer son public dans la mise en scène en invitant des gens à venir sur les planches pour donner un coup de balai ou pour surveiller à sa place. Elle a invité également les gens à répéter avec elle certaines paroles et à l’accompagner dans ses escapades. Ce qui lui a permis de se payer des moments d’improvisation succulents. Réalisée par Lamri Kaouane, la pièce Warda a été produite par la coopérative culturelle Anis de Sétif et a déjà fait l’objet de représentation dans plusieurs villes du pays : Oran, Mascara, Mostaganem, Sétif et Bordj Bou Arreridj. La pièce aurait eu le plus gros succès à Mostaganem. Lauréate du prix de la meilleure comédienne au Festival Cinéma Méditerranéen de Montpelier (2004) et du prix d’encouragement 2007 au festival de films africains lumières d’Afrique de Besançon, Tounes Aït Ali a joué dans de nombreux films de cinéma et télé ainsi que dans des pièces de théâtre.