L’Orchestre national de Barbès (ONB) a mis le souk mardi soir à la salle Atlas de Bab el-Oued, qui s’est retrouvée littéralement plongée sous un air de baroud et de carnaval. Quand vous assistez à un concert de l’ONB, dites-vous bien que vous êtes dans une fantasia, où il y a de beaux chevaux, de beaux cavaliers et une belle empoignade entre guerriers en furie.
La tribu ONB se distribue en marabouts et derviches, gais lurons qui se démènent comme de beaux diables. Il faut user de beaucoup de superlatifs du reste pour décrire cette tribu loufoque qui pratique un alaoui psychédélique et des riffs endiablés. Le spectacle organisé par l’Office national de la culture et de l’information a fait venir beaucoup de monde, surtout des jeunes. Comme s’ils avaient été avertis, les spectateurs n’ont pas ramené cette fois-ci des enfants comme lors du concert d’Aït Menguellet, le week-end dernier. Car en ce concert-ci il faut avoir de l’énergie à en revendre pour danser sans interruption dans une ambiance métal jusqu’à en perdre haleine. C’est la première fois que l’orchestre de Barbès se produit à Alger, quoique ce soit la quatrième fois en Algérie après Constantine (Dimajazz), Sidi Bel-Abbès (Festival du raï) et lundi dernier à Tizi-Ouzou. Ayant son truc chorégraphique, la troupe a développé des mouvements d’ensemble qui ont crée un effet ciné qui a renforcé la communion avec le public. Les costumes fantasques ou exotiques ont remis à l’honneur turban et gandoura, la tenue africaine, le chapeau et le débardeur. Au métissage des costumes répond le métissage des rythmes musicaux : raï, gnawa, rock, chaâbi, alaoui, funk, salsa et reggae. Les instruments sont ceux d’un orchestre moderne mais qui ménage une place aux instruments traditionnels de l’Afrique noire, du Maghreb et de l’Europe celtique. La guitare électrique, la batterie, et le saxophone accompagnent le guembri, les karkabous (castagnettes) et les tambourins. Dans une salle archicomble prête à exploser, le groupe qui s’est présenté avec une dizaine de ses membres a interprété des chansons de son répertoire. Il en est sorti des morceaux sublimes qui oscillent entre raï, ragga muffi, reggae, rock, musique maghrébine et rythmes africains. Plus de 2 heures de pulsions quasi électriques, de 19h 30 jusqu’aux environ de 22 h ça été une danse époustouflante non-stop. Kamel Tenfiche s’est illustré particulièrement par sa promptitude phénoménale à communiquer avec le public qui le lui rendait bien. Il propose de canaliser l’amour qu’il sent dominant dans la salle ! Le public est sidéré. Puis il y a eu des échappées bédouines dans les hauts-plateaux avec des airs mi melhoun, mi rock, des chevauchées déroutantes en Oranie avec Aloui et Ali inspiré de cheikh Mamachi et des escapades gnawies avec Salam aâlikoum a-lahbab, des petites incursions dans la montagne kabyle avec Résidence 2 inspirée d’un vieux morceau de Slimane Azem sur l’immigration. Je ne vous dis pas que la salle était entrée en transes quand la troupe commence à égrener les notes alaoui, cet air guttural de l’ouest du pays. C’est général, la salle est sous une agitation inextinguible. Quelles belles fixations rythmiques sur le tambourin au moment de l’extinction des décibels provenant des instruments métallos. On est sorti comme d’une séance d’exorcisme, en s’en rend compte une fois à l’extérieur, tellement nos pas se sont allégés.