Il y avait une très belle affiche au Festival international de la danse contemporaine mardi soir au théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi d’Alger même si le groupe syrien Broukare of art performance initialement prévu au cours de cette soirée a été déprogrammé pour être remplacé par le Groupe Casbah danse d’Alger.
Les organisateurs n’ont pas jugé utile de fournir une explication sur l’absence de ce groupe ni d’ailleurs sur la défection au cours de la soirée du lundi de la formation espagnole Collectif pop. En sus du Groupe Casbah danse, il y avait au menu la Compagnie Métatarses (France) et le Groupe ethnique et folklore de l’académie de Coinbra (Portugal). Le Groupe Casbah danse a su quand même réaliser une belle prestation avec sa pièce « La danse en arc-en-ciel », une fresque chorégraphique exécutée en 5 mouvements par 10 jeunes danseurs dont 4 de sexe féminin. Bien que se déclinant tout en faisceaux lumineux, le spectacle a investi les relations conflictuelles hommes-femmes. Il était intéressant de voir comment les rapports entre les deux sexes se traduisent sur le corps. La chorégraphie met en scène une relation schizophrénique et violente fondée sur l’attirance-répulsion. Le mouvement des corps y est très énergique, les gestes très rapides, et l’étreinte violente, rude mais brève. La référence aux traditions et au folklore y est pour autant absente, les danseurs arborent des tenues collantes fabriquées pour la circonstance. Hommes et femmes peuvent se retrouver embarqués dans des entreprises exceptionnelles, toujours violentes, comme la guerre de Libération ou dans des embarcations de corsaires, allusion à la course en Méditerranée. Tout ceci contraste avec le spectacle suivant et tout en douceur qui a été présenté par le Groupe ethnique et folklore de l’académie de Coinbra du Portugal. Ce groupe a joué sur la sémantique de la fusion entre monde urbain et monde rural, qui rappelle les compositions poétiques d’Apollinaire. On voit des éléments du folklore portugais (danse des pieds, instruments de musique et costumes) se mêler aux éléments de la modernité (Ville, circulation routière) dont les images sont diffusées par un film ou suggérées par l’attitude des danseurs (qui par exemple s’attardent à lire les journaux). La pièce ponctuée de chants a pris l’allure d’un opéra. Le mouvement des corps dessine des rapports plus sereins entre les deux sexes qui voltigent sur une musique non pas enregistrée mais jouée sur scène par un homme ou une femme avec une guitare, une flute et un tambour. A musique douce, rapports doux, et danse souple et joyeuse. On est en fait introduit dans un jardin d’Eden en pleine ville. Enfin le spectacle qui clôturera la soirée nous oblige à revoir l’appréciation que nous avons exprimée dans un précédent papier, à savoir qu’un spectacle chorégraphique digne de ce nom ne peut se faire sans une équipe complète de danseurs. Sandra Abouav, 26 ans, de la Compagnie Métatarses a démontré le contraire. Sur plus d’une demi-heure elle a monté un spectacle entièrement en solo. Intitulée Slide, la pièce qui tire probablement son nom du verbe anglais « glisser » a tenu en haleine l’assistance. Invité à présenter la pièce, Vincent Cespedes qui a composé la musique de cette pièce mais qui est aussi écrivain et philosophe, en a profité pour glisser un mot de pub sur son dernier livre L’homme expliqué aux femmes paru chez Flammarion en 2010. A la tribune, il s’est dit « espérer à travers ce livre être l’avocat des hommes » et d’ajouter « j’y expliquais que les hommes sont en train de se transformer en bien ». Selon lui « il n’y a pas de mauvaises et de bonnes danses, toute danse s’attache à quêter la vérité ». Et de poursuivre « l’intérêt du spectacle que vous allez suivre ne réside pas dans l’ampleur du dandinement du corps mais dans la prouesse que va réaliser la danseuse en réussissant à tenir longtemps sur scène ». En effet Sandra Abouav condense en elle-même des dizaines de danseurs. Sa pièce chorégraphique invite au voyage intérieur où l’on voit les tourments, les joies et les pulsions psychiques se matérialiser en mouvements musculaires et corporelles. Le corps de Sandra a semblé pétiller de mille éclats, muter sous l’épiderme, se décomposer et se recomposer à l’infini. La fin a été marquée par des applaudissements nourris par ci et des ouf de soulagement par-là !