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Rétrospective sur Issiakhem
Le Mama en quête d’ancrage social
6 Décembre 2010

Lueur d’espoir, cependant, en ce samedi 4e jour de l’exposition sur le peintre algérien M’Hamed Issiakhem qu’abrite le Mama depuis le premier jour du mois courant et devant se poursuivre jusqu’au 31 janvier 2011, le musée de la rue Larbi Ben M’hidi semble sortir de sa torpeur et pour cause, la célébrité du peintre dont les œuvres sont exposées.

Inauguré en décembre 2007, le Mama (Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger), peine à attirer un public, lui qui a élu domicile dans les locaux d’un ancien prisunic conçu par l’architecte français Henri Petit. Le bâtiment construit entre 1901 et 1909 en pleine rue Larbi Ben Mhidi (ex d’Isly) dans un style néo-mauresque pour abriter les « Galeries de France », devait, à l’indépendance retrouvée, devenir les « Galeries algériennes ». Les Algérois doivent donc à la faillite des Galeries algériennes ce musée qui, en baissant rideau, a permis de concevoir le classement de ce joyau architectural comme site historique puis sa promotion comme musée de dimension nationale et internationale.
Les Algérois ont en mémoire l’intérieur de l’édifice qui était dominé par un bois peint en marron recouvrant des balustrades, des escaliers et des murs. Ils notent avec surprise et étonnement la transformation de ces locaux qui sont devenus étrangement désertiques, une impression qu’accentue la couleur blanche qui a pris possession des lieux. Beaucoup de gens affairés, le sachet plein des derniers achats, en arrivant sur le seuil du musée, marquent un arrêt pour jeter des coups d’œil furtifs et anxieux, croyant un instant qu’ils sont devant quelque grand commerce, mais après s’être rendu compte ou simplement rappelé la nouvelle fonction des lieux, ils continuent leur chemin, interpellant leurs petits ou compagnons. « Quelle idée de penser à en faire un lieu aussi mort » commente une dame qui, pourtant dit avoir fait l’université. « On aurait pu faire un centre qui se rapprocherait du centre Pompidou de Paris, ç’aurait été le lieu idéal vu son emplacement dans la capitale, dans ce lieu j’aurais souhaité poursuit-elle trouver quelque chose qui fasse la jonction entre la bibliothèque, la librairie et le salon de thé, un espace où l’on vient acheter des livres, des œuvres vidéos et audio et en même temps pouvoir s’asseoir à une table, travailler et discuter, les étudiants viendraient en masse et on rehaussera ainsi la valeur du livre».
Lueur d’espoir, cependant, en ce samedi 4e jour de l’exposition sur le peintre algérien M’Hamed Issiakhem qu’abrite le Mama depuis le premier jour du mois courant et devant se poursuivre jusqu’au 31 janvier 2011, le musée de la rue Larbi Ben M’hidi semble sortir de sa torpeur et pour cause, la célébrité du peintre dont les œuvres sont exposées. Depuis l’ouverture de l’exposition - rétrospective sur Issiakhem qui réunit les œuvres de l’artiste provenant de collections privées ou publiques, le Mama est en train d’enregistrer ses meilleures affluences depuis son inauguration en 2007.
C’est dire que l’on peut venir dans le cas algérien au musée que si l’auteur des œuvres qui y sont exposées est connu ou a un lien de parenté ou d’amitié avec le visiteur. Pour anticiper, d’après un mini sondage qu’on a fait auprès des gens que nous avons approchés, une exposition sur Picasso connaîtrait un énorme succès, car si les Algériens sont dans leur majorité peu accrocs de peinture, ils ont retenu quand même quelques grands noms : Issiakhem et Racim pour l’Algérie, Picasso et Vinci pour l’étranger. Une culture qu’ils ont pu glaner grâce à la presse, surtout à la télévision et dans un degré très infime à l’école. Il ressort clairement que l’histoire personnelle d’Issiakhem est tombée dans le domaine public.
Il est rare de tomber sur quelqu’un qui ne connaisse pas l’épisode où le jeune M’hamed perd un bras dans une explosion d’une mine coloniale, un événement qui accrédite même qu’il est un moudjahid. C’est surtout les étudiants qui ont afflué au Mama. On aurait dit qu’ils se sont cette-fois-ci donné le mot. Ils y entrent pour en ressortir 45 minutes ou une heure après, certains s’y attardant plus d’une heure voire deux, car outre la surface spacieuse des halls, aménagées en étages et en sous-sol qu’ils doivent arpenter, ils ont la possibilité de regarder un film retraçant la vie et la carrière de l’artiste-peintre. La plupart des visiteurs malgré l’intérêt qu’ils portent aux œuvres exposées ne parviennent pas disent-ils à les « déchiffrer » et à les « décoder ». De ce fait ils déplorent l’absence d’un guide. En principe des écrans LCD diffusant des informations sur les artistes font office de cette fonction, mais le public semble ne pas en être informé. N’empêche la plupart avoue la difficulté de lire et d’interpréter les œuvres qui sont exposées.
L’artiste-peintre Marghiche Orkia venue elle aussi visiter l’exposition tente de proposer une manière de lire « J’essaye d’entrer dans la conscience du peintre puis je regarde, puisque le peintre exprime ce qu’il a à l’intérieur de lui-même, j’essaye de comprendre pourquoi il a dessiné ces formes-là qui sont des formes presque abstraites, vu d’ensemble, on ne comprend rien, il faut chercher dans la transparence de l’œuvre, il faut voir ce qu’il y a au niveau des petites touches de peinture, la forme, la disposition des couleurs ». Et d’ajouter : « C’est comme ça que je découvre, ça ne correspond peut-être pas à la façon de voir des autres ». « L’absence de guide signifie que l’exposition est destinée à une certaine classe sociale, il faut être peintre pour pouvoir décrypter » juge un étudiant en génie civil.
Il est clair que le Mama est en quête d’ancrage social dans cet antre commercial d’Alger. On le voit à l’effort de médiatisation qu’il a développé cette fois-ci en déployant des enseignes en couleurs afin d’attirer sur lui l’attention des passants.

Par : LARBI GRAÏNE

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