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Messali avant Messali de Jacques Simon
Musulman puis communiste, histoire d’un combat
13 Novembre 2010

En se faisant biographe de Messali Hadj, l’historien Jacques Simon se propose de reconstituer la genèse de la nation algérienne. «L’indépendance de la France autorise maintenant une nouvelle écriture scientifique de l’Algérie française jusqu’à 1962, avec un retour sur l’Etoile Nord-africaine, créée au sein du mouvement ouvrier et sur son fondateur, Messali Hadj» écrit l’auteur dans l’Introduction.

S’il a écrit une vingtaine de livres et consacré une thèse de doctorat au père du nationalisme algérien, Jacques Simon revient plus précisément dans « Messali avant Messali » publié chez l’Harmattan en 2007 sur ces moments inaugurateurs qui voient s’exprimer les premiers balbutiements d’une conscience nationale dans un pays dépecé par la colonisation française. L’historien s’installe à l’intérieur d’une conscience en l’amarrant au contexte socio-historique de l’époque. Il suit pas à pas celui qui va devenir une sorte de monsieur Algérie avant l’heure. «Messali avant Messali», au-delà de ce qui peut paraître un jeu ou un joli assortiment de mots, est l’histoire en fait de l’Algérie avant l’Algérie, de cette Algérie pourtant ancienne mais pas vraiment encore éveillée à sa propre naissance. L’auteur reconnaît avoir commis un livre « difficile » de par le questionnement qu’il pose. Il s’agit de « comprendre cette mutation d’un musulman en un communiste » nous dit Simon. Le livre revient sur le lieu qui a vu naître ce personnage dont notre histoire reste si hantée par le fantôme. Tlemcen est ressuscitée. La vie du jeune Messali se passe dans un environnement social fonctionnant sur des valeurs traditionnelles mais concurrencées déjà par les impératifs de la vie moderne imposés par la présence étrangère. Espace mixte, composite, s’il en est, Tlemcen a un pied dans la cité européenne et l’autre dans l’ancienne cité berbère. Le jeune Messali amorce un va-et-vient entre les deux espaces. Il s’initie aux traditions des Derkaouas, ordre confrérique auquel appartient sa famille et découvrira l’école où il apprend les rudiments de la langue française. Il découvre aussi la gymnastique qu’il va pratiquer avant d’adhérer au club La Tlemcenienne et de se préparer au concours régional. En gros c’est donc le profil de « l’avant Messali »,- la personne qui n’est pas encore devenue celle que les livres d’histoire nous présentent comme le chef de file du Parti du peuple algérien, du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques et du Mouvement national algérien, - que nous voyons se reconstituer. L’avant Messali laisse pour ainsi dire pratiquement 3 organisations messalistes sur le carreau. Le livre prend du reste du relief au fur et à mesure qu’il avance dans la restitution de quelques grands espaces qui vont asseoir les traits du personnage. Outre Tlemcen, émerge Bordeaux où Messali va faire son service militaire et Paris où il va basculer dans le communisme avec son immersion dans l’immigration algérienne à dominante kabyle, très attirée par le Parti communiste français. Mais c’est aussi là que le futur leader de l’Etoile Nord-africaine va rencontrer sa future épouse, Emilie Busquant, une Française originaire de la Lorraine. Le contexte international d’alors est marqué par la montée des mouvements anticolonialistes. Messali éprouve de la fascination pour Mustapha Kemal, avant de s’en détourner au seul profit de Chekib Arslan et d’Abdelkrim, le chef de la révolte rifaine. On apprendra beaucoup sur les rapports de Messali avec l’émir Khaled que d’aucuns ont présenté comme le fondateur du nationalisme algérien. Simone y réfute la thèse d’un basculement de Messali dans l’arabo-islamisme en soulignant le fait que celui-ci insistait plutôt sur l’appartenance à l’Islam des peuples du Maghreb à l’effet de les mobiliser contre l’impérialisme. L’ouvrage contient en fait des éclairages précieux sur le début de l’Etoile nord-africaine et aide à comprendre l’actualité d’aujourd’hui qu’elle soit nôtre ou celle qui intéresse l’état des relations entre l’Algérie et la France.

De Jacques Simon, « Messali avant Messali. L’invention de la Nation algérienne », L’Harmattan, coll. CREAC histoire, Paris, 2007, 237 pages.

Par : LARBI GRAÏNE

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