Comment préserver le fonds éditorial national afin d’assurer sa transmission aux générations futures ? C’est à un de ces questionnements qu’ont essayé de répondre les participants à la table-ronde sous l’intitulé « Fonds éditorial : préservation et pérennité » organisée lundi en fin de journée dans la salle de conférences du Salon international du livre d’Alger qui se tient au complexe olympique Mohamed Boudiaf.
En effet sous la modération du professeur Mohamed Sari, trois écrivains à savoir Abdelkader Djemaï, Waciny Laredj et Akli Tadjer (tous vivant en France) devaient débattre de cette question. En gros s’accorde-t-on à dire le livre algérien souffre d’un déficit de placement dans les bibliothèques toutes catégories confondues. « Je crois que le lieu naturel de la préservation de notre fonds éditorial est la bibliothèque universitaire, non pas seulement la Bibliothèque nationale » assène Waciny Laâredj. Et de rappeler le sort qu’a réservé à l’époque coloniale la sinistre Organisation de l’armée secrète à la bibliothèque centrale d’Alger. « Avant qu’elle ne soit brûlée par l’OAS, poursuit Laâredj, elle était une bibliothèque grandiose, car elle était l’espace de la préservation de la mémoire culturelle humaine». «On a brûlé, a-t-il ajouté, le fonds pour que l’Algérie ne puisse pas en profiter». L’auteur du «Livre de l’Emir» a plaidé pour la «réhabilitation de la bibliothèque centrale d’Alger et des autres bibliothèques universitaires». «Le rôle de l’université insiste-t-il est important, ces bibliothèques doivent être mises au service des étudiants » Et de préciser : « Mais le livre n’a pas de valeur sans l’intervention du professeur qui a pour tâche de les orienter ». Autre point sur lequel a insisté Waciny Laâredj : la nécessité de constituer des collections à l’image de la Pléiade qui réunit des œuvres complètes, c’est-à-dire qui publie l’ensemble des œuvres d’un auteur en une série de volumes assortis d’une présentation. Aux yeux de Laâredj, la présentation constitue un élément d’une importance capitale dans le travail de préservation du fonds éditorial. Pour illustrer ses propos, il cite l’exemple de « Cervantès » dont la mort remonte à « au moins 5 siècles », et qui a vu dernièrement une nouvelle édition de ses Œuvres complètes. «J’ai lu à son propos une présentation de 135 pages, le présentateur a-t-il ajouté est spécialiste de cet auteur, il connaît toutes les traductions qui l’ont concerné, il est au fait de toutes les études académiques qui ont été réalisées à son sujet ». Et de regretter « l’absence chez nous du présentateur ». Sur la question de la traduction, Waciny Laâredj a déploré le fait que ce soit uniquement « les arabisants qui traduisent les textes français, le contraire n’étant pas vrai ». « Il n’y a pas d’écrivain francophone qui a traduit un écrivain de langue arabe » soutient-il. Se basant sur sa propre expérience, Laâredj désapprouve le recours à l’autotraduction estimant que l’entreprise grignote le temps de l’écriture. Il a rappelé son expérience avec son traducteur qui n’est autre que Marcel Bois, lequel est connu pour avoir traduit Benhadougga et Ouettar. Il a expliqué que le travail avec le traducteur n’est pas toujours aisé. « Il faut le convaincre s’agissant telle ou telle phrase que c’est un choix et non une erreur, vouloir simplifier une expression risque de dénaturer le sens, ce que je veux c’est transmettre l’esprit de la langue arabe au lecteur français» a-t-il soutenu. Selon lui, 5 à 6 personnes relisent la traduction avant qu’elle ne soit validée. «Mohamed Sari qui a traduit 5 ou 6 livres, révèle Laâredj, n’a pas trouvé quelqu’un qui puisse le traduire, il était obligé de s’auto-traduire, il y a du temps qui passe, le temps est grignoté aux dépens de l’écriture» a-t-il regretté. De son côté, Abdelkader Djemaï a insisté sur le fait que «nos livres sont bien diffusés en France, ils parviennent aux bibliothèques municipales» et d’ajouter : «Si on fait le compte des librairies, des structures éducatives et culturelles, on se rend compte que c’est quand même un nombre assez conséquent». Et d’ajouter que «beaucoup d’exemplaires y sont distribués, on est invité continuellement, en tous les cas en ce qui me concerne, dans les salons du livre qui sont nombreux. On a un bon accueil dans la presse française, j’ai librement écrit mes livres, je suis allé dans 20 pays, je n’arrête pas de sauter d’un lieu culturel à un autre, mais, déplore-t-il, les éditeurs algériens, tunisiens et marocains, on ne les voit jamais dans les salons du livre».