Le premier enregistrement qu’on connaisse de ces poèmes qui ont alimenté le chant sahraoui a été réalisé dans les années 30 par El-Hadj Benkhlifa, oncle maternel de Khelifi Ahmed. Un second dans les années 40 par Smaïn Elboussaâdi et un troisième par Abdelhamid Ababsa à qui l’on doit la popularisation de ces poèmes.
On connaît mieux le nom de Hizyia que l’auteur des poèmes qui nous a fait parvenir son histoire. Le nom de Benguitoun s’est presque effacé devant la chaîne des interprètes qui ont mis en musique ses textes. Le premier enregistrement qu’on connaisse de ces poèmes qui ont alimenté le chant sahraoui a été réalisé dans les années 30 par El-Hadj Benkhlifa, oncle maternel de Khelifi Ahmed. Un second enregistrement a été effectué dans les années 40 par Smaïn Elboussaâdi et un troisième vers la fin de cette décennie par Abdelhamid Ababsa à qui l’on doit la popularisation de ces poèmes et il aura fallu attendre Khelifi Ahmed dans les années 60 pour voir ses chants repris par la radio et la télévision de l’Algérie indépendante.
Mohamed Benseghir Benguitoun, contemporain de l’émir Abdelkader, est né aux environs de 1843 à Sidi Khaled, une oasis située dans la tribu des Ouled Sidi Bouzid, près de Biskra (à une centaine de kilomètres environ). Il serait mort, selon ses proches, en 1907, âgé alors de 64 ans environ. Le poète a fait ses études à la zaouïa Rahmaniyya de Sidi Khaled. Son maître, le cheikh Sidi Ali el-Djirouni, qui a été séduit par les qualités de son disciple, avait du reste recommandé à ses proches de confier, après sa mort, la direction de la zaouïa à Benguitoun. Si effectivement ce dernier a pris les commandes de la zaouïa, il ne s’est pas empêché d’écrire des poèmes à la mémoire de son défunt maître. Benguitoun gagnait sa vie en tant que paysan et puiseur d’eau des puits (khetatri), pour l’irrigation des jardins et des palmeraies. Ce n’est que dans les grandes occasions qu’il pouvait être rétribué très modiquement du reste pour ses poèmes dits pour détendre l’atmosphère ou pour célébrer un rite religieux. Il a écrit son élégie à Hiziya en 1878, date de sa mort, dans une langue arabe dialectale foisonnante. Fille d’Ahmed Belbey, de la famille Bouakkaz, de la tribu des Dwawda, Hiziya s’était éprise de Saïyed, son cousin qui a été recueilli orphelin dès sa prime enfance par son oncle, père de Hiziya. L’amoureuse mourut à 23 ans laissant son bien-aimé dans un chagrin inconsolable. C’est alors que Saïyed, 3 jours après la mort de Hiziya, suffoquant sous le poids de la douleur, est allé voir Benguitoun pour lui demander d’immortaliser l’idylle par un poème. De cette rencontre sortirent quelques-uns des plus beaux vers poétiques jamais composés en Algérie : "Consolez-moi mes amis/ j’ai perdu la reine des belles/ elle repose sous les pierres du tombeau/ Un feu ardent me dévore/ je suis à bout/ Ô sort cruel, mon cœur est parti avec Hizia !" écrira le poète. Le texte est en même temps un véritable document historique, en ce sens qu’il nous restitue, avant même d’aborder le portrait à proprement parler de la bien-aimée, la vie de l’époque. On y retrouve, comme au moyen-âge, la vie quotidienne des nomades ainsi que le récit épique qui retrace les hauts faits de la tribu. La cause de la mort de Hiziya ne fut jamais élucidée, le poème entretient à ce sujet le silence le plus complet. On saura, cependant, que sa disparition fut soudaine ; elle mourut à Oued Tell, à 50 km au sud de Sidi Khaled après que la tribu soit revenue de son séjour saisonnier du Nord. D’après la légende, Saïyed ira s’exiler loin de sa tribu, en élisant domicile au cœur du désert des Zibans où il vivra en ermite jusqu’à sa mort. L’originalité de cette poésie tient au fait qu’elle raconte un nomadisme sous les couleurs de l’amour, où le charme de la femme se mêle au vent et au sable de la nature. Benguitoun a su ainsi décrire à merveille cette sorte de fatalité qui fait bon ménage avec la pureté des sentiments et de compassion liée à la volonté divine. Il s’est fait ainsi interprète d’une litanie sentimentale à laquelle il imprima à la fois un ton tragique et mélancolique. Cependant, à travers la scansion de ces vers, il a révélé ce que le désert a de magique. Madone du désert, Hiziya est certes l’immortelle créature de l’amour, métaphore du mode de la vie bédouine.