«Lorsque j’entends le mot culture, je sors mon révolver», disait non pas le général nazi Hermann Wilhelm Göring ,mais Friederich Thiemann, protagoniste de la pièce de théâtre allemande jouée en 1933, Schlageter, de Hanns Johst. Cette citation pourrait être facilement le résumé du cycle «Pièces détachées-lectures sauvages», des lectures théâtrales sur le mode du théâtre de rue, initié, l’année précédente, par l’écrivain et journaliste Mustapha Benfodil et qui reprendra son activité ce jeudi 10 juin, à 15h, sur le parking de Riadh El-Feth.
Pourquoi ce choix ? Pourquoi avoir opté pour des espaces atypiques afin de présenter ses œuvres littéraires ? Pourquoi ne pas avoir choisi, comme il est de coutume, des endroits faisant bonne figure ?
Car d’après le confrère et écrivain Mustapha Benfodil : «Pour la simple raison que c’est l’esprit même de ces lectures, comme leur nom l’indique. Du reste, par "Lectures sauvages", j’entends des lectures publiques investissant d’autres territoires que les lieux convenus et conventionnels qui sont devenus des "réserves culturelles".»
En quoi consiste réellement ce projet artistique ? Comme l’année précédente, cette manifestation culturelle, organisée grâce à la volonté de quelques intellectuels algériens, comportera des lectures non pas dirigées mais fragmentaires, incomplètes, morcelées, divisées…, car ces textes deviennent des «pièces détachées». Peut-être aussi, dans un certain sens, des pièces détachées à l’attention d’un «grand corps malade» qui est celui de notre société et sa mécanique «déglinguée», précise Mustapha Benfodil dans son communiqué.
Dans des espaces dénudés, parfois des lieux délabrés, en ruines, Benfodil, qui sera accompagné cette année par plusieurs comédiens et écrivains algériens, à l’instar du protagoniste Malek le topographe dans «Gabbla», ou encore des auteurs comme Aziz Chouaki, Maïssa Bey, Mohamed Kacimi, Arezki Mellal, Hadjar Bali et bien d’autres qui présenteront leurs textes car, d’après Benfodil, leurs «textes circulent très mal en Algérie, sont peu diffusés, mal diffusés et, surtout, très peu montés, surtout pour la catégorie des textes dramatiques. Sans parler du sort des inédits et des œuvres qui dorment dans les tiroirs et qui sont parfois d’une grande qualité littéraire. Ainsi, nombre de nos dramaturges vivent une situation d’exil de fait, en raison de leur exclusion des théâtres institutionnels». En ajoutant : «Moi je dis : il y a possibilité de conjurer la fatalité et de renouer le fil, recréer du lien, avec le public algérien.» A travers ces lectures, ces représentations, toute l’assistance est conviée à participer à l’activité. Car le spectateur devient systématiquement un élément actif d’autant plus qu’il «défend le spectacle, défend le droit à sa part de parole et participe à la prise de l’espace public comme conquête citoyenne», annonce l’orateur. Enfin, cette manifestation ne sera pas confinée dans la capitale seulement mais ira également à la conquête d’autres espaces dans diverses régions du pays.