C’est avec beaucoup de curiosité qu’on a tendance à suivre les activités ayant trait à la chose littéraire en Algérie, tant celles-ci sont devenues rares. Un regroupement aussi infime soit-il, et qui plus est, celui réunissant des écrivains, ne peut que retenir notre attention. L’information répercutée par l’APS faisant état de la tenue, samedi dernier, d’une conférence à la Maison de la Culture de Sétif avec de nombreux hommes de Lettres, mérite qu’on s’y arrête.
Une association locale «Fadha’at» (Espaces) a convié donc un aréopage d’hommes de Lettres à débattre du thème portant sur «L’art du roman et les écritures modernes»; parmi les invités, il y avait les écrivains Amine Zaoui, Lahlou Azradj, Djamel Mati et Omar Mokhtar Chaälal. Si pour Lahlou Azradj, les textes littéraires d’aujourd’hui ont le souci de transgresser le code esthétique traditionnel pour en inventer de nouveau, Amine Zaoui estime, pour sa part, qu’écrire dans les deux langues (française et arabe) participe de l’ «équilibre culturel» et de déclarer plus loin que «le choix de la langue d’écriture découle d’un état psychique». L’auteur de «La Chambre de la vierge impure» conçoit l’écrivain comme un «casseur de tabous» et last but not the least, Zaoui avoue que ce sont les romans qu’il a écrits en français qui ont été le plus favorablement accueillis par la société algérienne. Ainsi, Amin Zaoui contredit les assertions de beaucoup de critiques littéraires qui, ces dernières années, avaient estimé que la question de la langue d’écriture était définitivement tranchée par les générations d’écrivains qui l’avaient précédé. Le choix de la langue n’est pas donc réductible à une simple technique ou à des critères esthétiques comme on avait coutume à le soutenir. Certainement, Amin Zaoui est le maillon manquant d’une chaîne d’écrivains, il représenterait un Malek Haddad, ignorant de la langue arabe mais qui a résolu son problème en réussissant à en faire usage; il représenterait un Rachid Boudjedra qui a écrit dans les deux langues, mais tout en le surpassant parce qu’il a trouvé un point d’ancrage social plus large que le premier quoique, peut-être, pas encore suffisant ? Quoi qu’il en soit, notre écrivain, qui cultive l’image singulière d’un auteur bilingue tout pénétré de sérénité, s’est engagé dans une aventure intellectuelle et émotionnelle aux confins d’une expérience des limites. Une position jouissive qui n’a d’égale que la débauche libidinale que procure une écriture de la double généalogie.
L. G.