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devant un parterre d’étudiants
Amin Zaoui évoque les tabous dans la littérature arabe
21 Janvier 2010

Amin Zaoui, universitaire, ancien directeur général de la Bibliothèque nationale et écrivain, était, mardi, l’invité d’honneur de la Faculté des lettres de l’Université d’Alger. Cette rencontre avec les enseignants et les étudiants a été mise à profit par Amin Zaoui pour présenter ses deux derniers romans : "La Chambre de la vierge impure", écrit en français, paru simultanément chez Fayard en France et Barzakh en Algérie, et "La Voie du Satan", en langue arabe, édité au Liban.

L’amphithéâtre Ben Baâtouche affichait, ce jour-là, complet. Etudiants, enseignants et journalistes étaient au rendez-vous pour essayer de percer l’univers romanesque de l’écrivain algérien, dont la notoriété n’a cessé de monter depuis la parution de ses deux derniers livres. Le conférencier a passé en revue plusieurs thèmes liés à la vie culturelle en Algérie avant de se prêter au jeu des questions-réponses. Le Dr. Amin Zaoui a eu un immense plaisir à répondre aux questions posées que ce soit par les enseignants ou les étudiants. Ces derniers ont fait preuve de beaucoup d’audace en la matière que leurs professeurs qui se sont contentés d’émettre des critiques classiques, un tantinet moralisatrices. Ils n’ont pas hésité à demander des éclaircissements quant au rapport de l’écriture avec la sexualité, comment celle-ci apparaît sous la forme du désir charnel, de l’amour et même de l’homosexualité ! Le professeur Ahmed El-Mounaour fera remarquer, en bon moralisateur, que les livres en arabe sont attachés aux valeurs et traditions arabes et que «notre littérature n’a pas besoin de parler de l’homosexualité pour qu’elle soit de bonne qualité et puisse être lue». Mais Amin Zaoui répond avec le calme qu’on lui connaît. «Quiconque fera l’effort de lire les œuvres littéraires du monde arabe et musulman peut se rendre compte que cette littérature était courageuse.» Et d’ajouter : «D’ailleurs, je me sens plus proche des anciens écrivains tels qu’El- Djahidh, Ibn Roch ou El-Ghazali que des écrivains contemporains.» «Ce que je dis aujourd’hui dans mes œuvres, a-t-il ajouté, est beaucoup plus simple et modeste comparativement à ce qu’ont dit les premiers écrivains arabes.» Selon lui, le thème de la sexualité était un thème fréquemment abordé dans la littérature arabe. Et de citer le Jardin parfumé et le Collier de la colombe de Ibn Hazm ou encore la fameuse Jubilation des cœurs, qui traite de toutes choses qu’on ne peut jamais trouver dans un livre, d’Ahmed al-Tifachi ! Amin Zaoui ne s’est pas privé d’évoquer le sujet qui ne cesse d’alimenter la polémique, à savoir l’existence d’un lectorat bilingue en Algérie et les conséquences qui en découlent. L’hôte de l’Université d’Alger estime, fort de son expérience d’écrivain bilingue ayant publié dans les deux langues, que la société littéraire et culturelle en langue arabe est inexistante à l’opposé de la sphère francophone qui, d’après lui, dispose d’un champ littéraire. Pour Zaoui, la littérature arabe n’a pas du tout son lectorat. Il pense que «le peu de lectorat arabophone qui existe prête plus d’importance aux auteurs qu’à leurs textes. Ce lectorat, poursuit-il, n’a pas bâti de pont solide avec le texte littéraire. Et d’asséner : «Nous assistons plutôt à une montée en puissance du lectorat francophone.»
Cet état de fait est dû, d’après le conférencier, à plusieurs facteurs, dont «la rareté de la critique littéraire dans la presse arabophone, contrairement à la presse francophone qui publie des critiques régulièrement». Entre autres obstacles sur lesquels bute la littérature arabophone, notre écrivain cite le manque d’infrastructures et d’espaces culturels, la défaillance de l’Union des écrivains, en ce moment en panne, dira-t-il. «Ce que je dis ici est également une autocritique», a-t-il lancé. Et d’ajouter : «C’est aux intellectuels de le faire. C’est leur devoir.» «L’élite arabophone, ajoute-t-il, est paresseuse, elle exprime des vœux sans jamais les concrétiser.» Amin Zaoui est Docteur en littérature arabe, option littératures maghrébines comparées. Il a exercé plusieurs années en tant qu’enseignant universitaire. Pour lui, «l’université a un grand rôle à jouer dans la construction d’un champ littéraire arabophone, car elle est avant toute chose un miroir qui reflète la société». «Le rôle de l’université est de produire des générations d’écrivains et de lecteurs», a-t-il conclu.
K. H.

Par : Kahina Hammoudi

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