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Palimpsestes, palimpsestes…
Le destin tragique des manuscrits en Algérie
19 Décembre 2009

Quantité de bibliothèques ont été brûlées dont celle de l’Emir Abdelkader en 1843, laquelle comportait 5.000 ouvrages reliés. On avait récupéré de sous les cendres la moitié de la magnifique collection mais, malheureusement, celle-ci s’est retrouvée éparpillée entre les bibliothèques de France et d’Europe.

Si les historiens du Maghreb s’accordent sur le fait que l’alphabet tifinagh remonte à trois millénaires avant J.-C, il n’en demeure pas moins que celui-ci n’a pas laissé de traces de production littéraire. Les seules traces attestées de cet alphabet berbère sont le résultat d’inscription sur la pierre et notamment sur les stèles et les monuments funéraires. Les Touaregs qui continuent de nos jours à faire usage de cet alphabet n’ont pas utilisé le papier ou le parchemin pour écrire, mais ils se sont plutôt servis du sable ! Il faut certainement attendre l’arrivée des conquérants musulmans pour voir se diffuser en Afrique du Nord, en même temps que l’islamisation, l’écrit arabe sur manuscrit, c’est-à-dire comme son nom l’indique, sur document écrit à la main.
Ce sont les Chinois, ayant été emprisonnés lors de la bataille de Talas en 751, qui ont appris aux Arabes comment fabriquer du papier. Son introduction dans l’administration fut décidée par le calife Haroun al-Rachid, soucieux de limiter les falsifications, difficiles du reste à obtenir sur le parchemin. La technique de fabrication s’était ensuite élargie au Yémen, en Inde et jusqu’en Espagne en passant par les pays du Maghreb. Les papiers de Baghdad et de Samarcande étaient les plus réputés. Le support était, semble-t-il, constitué de toile de lin et les cordes de chanvre. Le parchemin s’obtenait par la pose sur un châssis d’un écran de tiges végétales liées les unes aux autres par une chaînette. Ibn al-Nadîm, libraire à Baghdad, ayant vécu au Xe siècle, pense que les anciens Arabes auraient utilisé comme support pour leur écriture des pierres, des écorces de palmier et des omoplates de chameau. Les Egyptiens, quant à eux, avaient fait usage pour écrire du papyrus (mot grec qui désigne la tige de la plante cyperus) inventé il y a 5 mille ans et dont on a fabriqué des rouleaux manuscrits. On écrivait sur une seule face à laquelle on appliquait de la colle afin d’empêcher que l’encre n’entache la feuille. On ne dispose pas en Algérie de données précises sur l’étendue des manuscrits. C’est à peine si on commence à s’intéresser à ce domaine. L’inauguration en 1996 de la bibliothèque du Hamma est venue après une période qui a vu la préservation des documents manuscrits ou imprimés marquer dangereusement le pas alors que beaucoup de ces documents datent d’avant et pendant la colonisation. La bibliothèque du Hamma est dotée d’un laboratoire de restauration, d’un atelier de reliure et d’un laboratoire de reprographie. Mais il semblerait que ces acquisitions matérielles n’ont pas entraîné une modification au niveau des comportements puisque les spécialistes continuent de relever que rien n’est fait pour sauver les manuscrits des zaouïas, notamment ceux d’Adrar (voir l’entretien avec le Pr Mechehed). Cela étant, la plupart des manuscrits conservés en Algérie ont péri suite à l’arrivée des Français. La première source qui en avait abordé la question fut le Catalogue général des manuscrits de la Bibliothèque nationale d’Algérie (BNA) paru en 1893 dont le directeur de l’époque, Edmond Fagnan, avait estimé qu’aucun effort n’était fait pour sauver de la destruction les manuscrits détenus dans les mosquées et les zaouïas. Quantité de bibliothèques ont été brûlées dont celle de l’émir Abdelkader en 1843, laquelle comportait 5 mille ouvrages reliés. On avait récupéré de sous les cendres la moitié de la magnifique collection mais, malheureusement, celle-ci s’est retrouvée éparpillée entre les bibliothèques de France et d’Europe.
A Tlemcen, ancien centre de rayonnement intellectuel de l’époque médiévale et ottomane, on perdit d’importantes masses de documents de la période turque. Mais aussi des fonds arabes et andalous. Non moins importante, la bibliothèque de la Mohammadia du bey Mohamed El Kabir de Mascara fut décimée par les flammes alors que la bibliothèque de l’école de la Kettania de Constantine fondée par Salah Bey avait subi un sort similaire. Nombre de villes du centre du pays perdirent ainsi les bibliothèques de leurs mosquées et de leurs zaouias à l’image de Blida, Médéa, Miliana et Blida.
En Kabylie, les bibliothèques de Bejaia ainsi que celle de cheikh Aheddad de la zaouia de Seddouk qui regorgeait de manuscrits étaient les premières à en faire les frais. Constantine n’y échappa guère, ses "khizanate" furent pillées. S’y ajoute aussi la perdition de nombreuses bibliothèques privées qui ont été soit brûlées, soit saisies. Il en fut ainsi de la bibliothèque des Bachtarzi et des Ben Lefkoun qui comptait plus de 3.000 volumes selon l’estimation du traducteur d’Ibn Khaldoun, le baron de Slane. Le sud algérien ne fut pas en reste, ses bibliothèques n’ont pu échapper à la furie destructrice des occupants français.
On ne retrouvera ainsi plus les manuscrits de Timimoun, d’Aoulef et d’Adrar. Ni d’ailleurs ceux des Ouled Jellal, de la Tijania de Aïn Madhi, de Temaçin et de Tolga.

Sources :
Marie-Geneviève Guesdon, "L’arrivée du papier dans le Maghreb et au Moyen-Orient", site de la Bibliothèque nationale de France
Mechehed Djamel-Eddine, "Illustrations et enluminures des manuscrits du Maghreb", document en ligne.http://classes.bnf.fr/dossisup/supports/art15g.htm Saïd Bouterfa, Les manuscrits du Touat, Barzakh, Alger, 2005.

Par : LARBI GRAÏNE

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