Le rôle de la poésie dans la préservation du patrimoine musical est, depuis avant-hier, au centre du Colloque international «Anthropologie et musique» organisé par le Centre national de recherches préhistoriques anthropologiques et historiques (CNRPAH) à la salle El Mougar.Une attention particulière, au cours de la journée d’hier, a été accordée aux différentes formes poétiques dans le patrimoine berbère.
Un panel de chercheurs et spécialistes en musicologie, nationaux et étrangers ont ainsi essayé de déterminer la relation existant entre le texte poétique et le contexte socioculturel. Elsner Jürgen chercheur ethnomusicologue à Berlin (Allemagne) a traité les deux aspects de la relation texte-musique à travers son intervention. Pour lui la première relation est celle «qui concerne le contenu», la seconde est celle qui concerne «l’aspect de structure». "Les anciens philosophes arabes et les maîtres de la musique ont déjà constaté que texte et musique disposent de plans d’efficacité différents. La jonction de langage et musique dans la musique vocale ne neutralise pas l’effet général de ces deux systèmes de communication, mais elle peut causer une réalisation plus précise et concrète de la manifestation musicale et poétique (al-Farabi, Ibn Sina, Hegel). La liaison de ces deux systèmes d’expression dans des créations concrètes se répercute sur la structure. Selon le genre employé elle aboutit aux changements des éléments expressifs et modes correspondants et de leur relation mutuelle. Pour éclaircir cette constatation quelques exemples de la culture musicale algérienne seront discutés (Aiyai, Haufi, Inqilab, Nuba).» Les autres intervenants se sont plus largement intéressés au plus dominant des genres poétiques en Kabylie, Le Achewiq (chant sacré) et cela afin de comprendre l’importance du chant traditionnel berbère dans la vie des femmes kabyles. A l’instar de Marguerite Taos Amrouche, qui a chanté la tradition berbère et ses usages, la femme qui chante dans le milieu kabyle est devenue le porte-voix de toutes ces femmes recluses qui souffraient en silence au fin fond de l’Algérie. Elle dénoncera l’injustice dont sont victimes ses compatriotes en tant que femmes. "Achewiq" se veut ainsi un hymne à la vie et à la rage de vivre. C’est un cri de femme, un hurlement de frayeur, mais aussi une explosion intense et profonde d’une passion pour un héritage cinq fois millénaire... Les débats ont permis de déterminer les techniques ayant servi à la préservation de la musique à travers le texte, proposer des perspectives quant à une préservation et une transmission modernisée de la musique, notamment en Algérie et de déterminer le rôle du système éducatif dans la préservation par la transmission du patrimoine musical.
Les mirages de l’espoir en chants
«L’appel à la joie»
Ô toi, dont j’ai partagé la joie, viens !
Rends-moi la joie que je t’ai donnée
Depuis longtemps, depuis trop longtemps
Nous étions sur le versant de l’ombre
Mais la lune vient d’éclore
Déjà, sa clarté nous inonde»
Marguerite Taos Amrouche
Chant numéro 3 du disque Chants berbères de Kabylie Aubade rituelle, style asvou’rer Primé en 1967 par l’Académie du disque français.
Les écorchures des cœurs en prose
Que nos achewik résonnent,
résonnent ! Ou chewik iwe atheslane
Qu’ils libèrent tous ceux qui les entonnent "Ayene ithe ni-harkene"
Des souffrances qui les emprisonnent
Achewik iwe athis sah lou athi tan tan athi re nou ajrah boul ath iekfou thil ha ve’sis athi twanfou
Thi el hav’se boul athe souf rane
Par Flora
La torture de l’âme en «assefru »
«Nous voulons habiter notre nom
Vivre ou mourir sur notre terre mère
Nous ne voulons pas d’une terre marâtre
Et des riches reliefs de ses festins
Nous voulons la patrie de nos pères
La langue de nos pères
La mélodie de nos songes
Et de nos chants
Sur nos berceaux et sur nos tombes
Nous ne voulons plus errer en exil
Dans le présent sans mémoire
Et sans avenir
Ici et maintenant
Nous voulons être libres à jamais
Sous le soleil, dans le vent, la pluie ou la neige Notre patrie : l’Algérie»
Jean el mou houv Amrouche