Le Midi Libre - Culture - La douleur jusqu’aux bouts des doigts
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«Rien qu’une empreinte digitale» de Mourad Brahimi
La douleur jusqu’aux bouts des doigts
26 Novembre 2009

«Les viles blessures s’enracinent et partent et les viles douleurs d’enracinent et s’enfoncent», ce dicton berbère résume le nouveau livre de Mourad Brahim intitulé «Rien qu’une empreinte digitale» paru aux éditions Casbah lors du 14e Salon international du livre d’Alger.

Avec un style autant fluide que consistant, Mourad Brahimi raconte le calvaire d’un cadre. Ce dernier vit un cauchemar à l’état réel. Son rêve se brise et ses idéaux s’anéantissent, il assiste au cours de quelques seconde à cette existence qu’il a construite durant plusieurs années. Le début de ce cauchemar n’est en vérité qu’un petit rêve devant les véritables calomnies qui l’attendent, une véritable déscente aux enfers. Pour un lecteur averti, le ton du livre est déjà donné à travers d’ores et déjà le titre de l’œuvre. La vie d’un être est réduite à une empreinte digitale. Pour accrocher un nom à un visage, toute votre vie se résume en se monde «théologique» à cette empreinte. Où sont passé les authentiques valeurs humaines ? Puis à la première ligne du roman, l’incipit nous plonge dans un univers romantique, nostalgique et pessimiste à la fois «les parfums d’armoise et de thym me rappelleront toujours l’odeur des chemins qui mènent vers l’inconnu. Je m’en délectais ce matin de printemps, je savourais l’haleine fraîche qui se répand de maison en maison pour former cette émanation miraculeuse qui exalte l’âme et enivre le passant.». Ce voyage nostalgique est brusquement interrompu par une arrestation arbitraire. Mourad se voit arraché aux siens. Personnage principale de ce roman à la touche biographique, chaque mot, chacune des phrases sont une thérapie individuelle d’un être déchiré se dévoilant à ses semblables. A l’instar de plusieurs écrivains qui ont vécu cette incarcération, Mourad se dévoile en racontant avec détails ses gestes anodins dans un milieu clos, mais combien important pour un être seul et désemparé. Mourad à peur, il a peur de mourir, il craint la folie qui s’approche de lui à grands pas. Il a peur pour sa famille qui l’a laissé tomber. «Non, c’est un mauvais rêve ! Dans un sursaut d’horreur je me dresse, me frotte les yeux, les ouvre : tout est encore bleu. La couleur de mon cauchemar enveloppe tout autour de moi, étouffe tout le monde, aucun signe de vie, personne ne bouge. Au moment où j’ai besoin d’un moment de lucidité, mon cerveau m’abandonne. Plus je le sollicite, plus il patine, tourne à vide, semble chauffer, et, au lieu de me délivrer, sous l’effet de la douleur, il enfle ; sa masse sur mon corps de tout son poids, m’enserre et me torture.»
Mourad est maintenant certain «c’est sûrement la folie».
Cette écriture de l’urgence était primordiale pour Mourad. Grâce à elle, il a pu garder cette passerelle fragile qui lie le rationnel à la folie. « Rien qu’une empreinte digitale» est plus qu’un témoignage. C’est une révolte. C’est la rébellion de Mourad face à cette justice sélective qui pousse un être raisonnable à perdre tout sens de la réalité car «si la prison est un asile de fou, le tribunal en est le cabinet de psychiatrie, le divan du psychanalyste. Les patients dévoilent des vies saccagées, des destins brisés, ravagés ; le praticien écoute les confessions, extirpe les aveux, pénètre les tréfonds de l’âme et prescrit, invariablement, quelle que soit la gravité du mal, la profondeur de désarroi, le même traitement, la même thérapie. Seule la durée change : «Un an, cinq ans, dix ans…»

Par : Kahina Hammoudi

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