«Vivants, les artistes habitent le cœur et l’esprit. Morts, ils ressuscitent dans nos mémoires. Guermaz est cet artiste qui nous manque à chaque fois que notre cœur perd de vue notre esprit.» Yasmina Khadra.
Dans le cadre de l’année Guermaz, une exposition de plasticiens contemporains algériens est organisée au centre culturel algérien de Paris et cela en hommage à Guermaz. Le vernissage aura lieu aujourd’hui à partir de 18h30 en présence des exposants et de plusieurs artistes algériens et étrangers. Cette manifestation s’inscrit dans le cadre du cycle de manifestations de l’année Guermaz (2009). Elle donne suite à l’accrochage qui avait eu lieu au CCA le 15 mai dernier et marquait le lancement d’une série d’activités culturelles organisées en hommage à ce peintre. 2009 est l’occasion de célébrer le quatre-vingt-dixième anniversaire de la naissance de ce grand artiste qui fut l’un des fondateurs de la peinture moderne algérienne. L’exposition, réalisée en étroite collaboration avec le Cercle des amis de Guermaz, marque une forte volonté de rendre les honneurs à ce peintre. Abdelkader Guermaz (1919-1996) est l’un des premiers représentants de la peinture non figurative en Algérie. Son nom s’inscrit aujourd’hui parmi les plus grandes figures artistiques de notre pays à l’instar de Azouaou Mammeri (1886-1954), Abdelhalim Hemche (1906-1978), Mohammed Zmirli (1909-1984), Ahmed Benslimane (1916-1951) et Miloud Boukerche (1920-1979). Guermaz fut un précurseur d’un mouvement artistique comme l’ont été ces noms qui sont les premiers à tirer profit de la pression de modèles idéologiques qui perpétuent l’académisme français. Ils ont pu, malgré un recentrement de la vision sur la réalité de la vie algérienne, s’inscrire dans les marges du courant orientaliste avec leur touche personnelle et une nouvelle vision artistique. A travers une vision abstraite, Abdelkader Guermaz a été l’aîné de sa génération. Dès les années 1940, la galerie « Colline » d’Oran expose ses toiles librement figuratives aux côtés de celles de Sauveur Galliéro ou d’Orlando Pelayo. À partir de 1961 et de son installation à Paris, ses peintures, détachées de toute figuration, se trament d’enchevêtrements ascendants vivement colorés. Puis passe sur ses toiles un grand vent de lumière que piègent les empâtements de la matière. Les différentes critiques prouvent le talent incontournable de ce pilier de l’art contemporain algérien «Poète, Guermaz, qui se manifeste depuis un quart de siècle, peut être considéré comme un initié de l’ésotérisme, et sa peinture dans une double démarche ne décrit pas seulement une ascension vers la sereine solitude (ainsi s’appelle une de ses grandes toiles) : elle est elle-même cette pacifique conquête du cosmos. », dira Jean-Marie Dunoyer dans Les Contemplations paru dans Le Monde à Paris le 17 janvier 1976. Autour de 1975 un nouveau paysagisme surgit de la succession des plans colorés qu’elles superposent, hautes falaises ou étagements solaires de crêtes ou dunes. Le visible se donne chez Guermaz dans le mystère de l’espace avec lequel il se confond. À ce degré de tension, son œuvre, authentique « peinture de méditation » s’adresse à l’esprit autant qu’à l’œil : « Dépassant les apparences dont il refuse de se faire le reflet passif, ne se satisfaisant pas davantage de gesticulations narcissiques, évitant les pièges du plaisir décevant que procurent les seules harmonies décoratives, c’est dans une expérience spirituelle que son travail propose d’entrer. Les visions neuves qu’invente Guermaz comme autant de haltes au long de son voyage au pays de la lumière conduisent à l’interrogation sensible de la réalité même du réel, engagent dans la quête la plus radicale de son irréductible Il y a», confirme Michel-Georges Bernard dans son article : Guermaz, voyage au pays de la lumière, paru dans Algérie Littérature / Action, n° 49-50, édité par Marsa Éditions, Paris, mars-avril 2001 (p. 152).