Alors que les cycles de conférences-débats des éditions précédentes étaient consacrés à l’historique et à la genèse de la musique Diwane, cette année, le festival se penche sur le phénomène de la transe, ce mystérieux état de ferveur extatique qui se saisit de ceux qui participent à la hadra.
Pour en savoir plus sur les cérémonies religieuses désignées par l’expression «danses extatiques» ,M. Araou Abdelhalim, sociologue et journaliste de Béchar, a été chargé de l’organisation de conférences-débats qui se dérouleront les 2, 3, et 4 mai, à partir de 10 heures à la Maison de la Culture de Béchar. Succédant aux concerts qui ont lieu tous les soirs au stade de la ville , les conférences ont comme objectif d’approfondir la réflexion autour du thème «Langage du corps dans le rituel gnawi : possession ou libération ?» Contacté vendredi par nos soins, quelques heures avant l’ouverture du festival, M. Araoua a déclaré que des chercheurs du CRASC d’Oran et une psychologue vont faire des interventions assez brèves pour permettre au public de participer pleinement au débat. Un débat qui se propose de faire une incursion académique dans le domaine des confréries qui poussent l’exaltation du sentiment d’adoration jusqu’à la transe. Ce phénomène appelé j’dib, connu à travers tout le monde musulman, sera circonscrit par l’approche des conférenciers aux seules confréries maghrébines.
Gnaoui au Maroc, Diwan en Algérie, Stabouli en Tunisie, Stambouli en Lybie et Zar en Egypte, ce genre musical est partout présent au Maghreb.Comme l’indique le mot gnawi, qui signifie Guinéen, cette musique a voyagé des profondeurs de l’Afrique vers le Nord. Originellement chantée en langue bambara et houassa, elle s’est progressivement mêlée d’arabe et est devenue l’un des supports les plus populaires de la liturgie islamique. «Tous les chemins mènent à Dieu, j’ai choisi celui de la danse et de la musique », disait le cheikh Jalel-Edine Rumi, fondateur de la confrérie des derviches-tourneurs au XIIIème siècle à konya. Comme d’autres confréries maghrébines Aîssaoua ou Hamdaoua, les Gnawas organisent des oratorio, appelées hadras ou également samaâ en Orient, où le chant, la musique et la danse sont au service de la célébration du Tout-Puissant, de son message et de ses messagers. C’est en trois étapes, el-lilla, el-mbita et el-derdeba, de la prière de l’îcha à l’aube, que le fidèle est initié au rituel extatique.Ce qui distingue la confrérie de Sidi Bilal des autres, c’est qu’elle ne se réfère qu’à Sidna Bilal, premier compagnon du Prophète (QSSSL) alors que les autres confréries au Maghreb ou dans le reste du monde musulman, fondées par les personnages pieux et exemplaires, considérés comme des proches de Dieu (awliyas), portent leur nom. La silsila de ces saints hommes est d’ailleurs récitée par les hommes du Diwane en remontant jusqu’au prophète Mohamed lui-même. Autre particularité du Diwane, les hadras se pratiquent dans les mehellas : lieux où le maâlem (le maître, l’initiateur de la confrérie) garde les emblèmes et les instruments de musique. Les hadras ont également lieu dans des cadres familiaux et collectivités plus larges. «La fusion avec d’autres genres musicaux pourrait mettre en danger le diwane en tant que musique» a déclaré M. Araoua qui fait remarquer que cet art semble quitter l’espace sacré pour se produire dans l’espace profane de la scène artistique.