En plus de faire découvrir Beyrouth, ses us et coutumes, ce film, à tonalité intimiste, explore l’univers des femmes arabes à travers le regard distancié et plein d’humour de la réalisatrice, scénariste et actrice libanaise, Nadine Labaki.
Dans le sillage du 8 Mars, les films consacrés à la condition féminine continuent d’être à l’affiche à la salle El-Mougar. Sorti en août 2007 et coup de coeur de la quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, ce premier film de Nadine Labaki, connue jusque-là comme actrice de talent, restitue, sans jamais se départir d’un ton chaleureux à la fois ironique et complice, l’univers clos jusqu’à la claustration, dans lequel souvent se débattent les femmes des sociétés arabes. Cette incursion dans le monde féminin fait également découvrir au spectateur algérien le christianisme d’Orient et prouve, si besoin est, que le statut d’ infériorité des femmes est bien une donnée commune aux pays à économie peu développée, quelle que soit l’appartenance religieuse des unes et des autres. Dans un salon de coiffure et d’esthétique, petit monde étriqué à souhait, peuplé de personnages «futiles» qui ne parlent que de maquillage et de colifichets et qui n’ont de l’extérieur qu’une vue tamisée par les stores vénitiens, le vécu individuel est fortement influencé par les conditions draconiennes dictées par une société beyrouthine encore fortement patriarcale. Tourné en 2006 avant les terribles bombardements israéliens, le film offre les images fortes d’une ville pittoresque qui n’aspire qu’à vivre. Les Beyrouthines, belles et raffinées, semblent n’avoir d’autres souci que celui de leur apparence. Layale, Nisrine et Rima se voient tous les jours dans ce salon de soins où elles travaillent à la beauté des femmes. Jamale, qui court de casting en casting et qui craint de vieillir, est leur amie. Sur fond de bavardages et dans le parfum du sucre que l’on caramélise pour les épilations traditionnelles, les jeunes femmes se confient avec pudeur leurs souffrances de cœur. Chacune vit une histoire particulière où l’on retrouve les ingrédients caractéristiques au monde méditerranéen. Toutes souffrent d’un malaise mal identifié. Le personnage de Rose, une couturière déjà âgée qui a sacrifié sa vie pour s’occuper de sa vieille sœur malade mentale, est hautement représentatif des valeurs d’abnégation et de don de soi que l’on attend en Orient d’une femme bien née. Les hommes qui occupent le cœur de ces dames sont lointains, parfois absents. Malgré une apparente légèreté liée à la vivacité des mouvements de la caméra, la liberté d’action n’existe pas. Les abus des forces de sécurité, la hogra extérieure et l’oppression familiale existent bel et bien dans cette coquette capitale aux allures européennes. Fait de gros plans expressifs, d’ images en mouvements, le tout baignant dans une lumière crépusculaire, le cinéma de Labaki s’offre un cousinage avec celui du grand Chahine.
Ne sombrant jamais dans le pathos, gardant jusqu’au bout un regard distancié, Labaki filme le courage quasi spartiate des Libanaises face au sort qui leur est fait dans une société encore régie à l’antique.
K.T.