Ce soir à partir de 20h30, l’Etablissement Arts et Culture célèbre le souvenir de Kamel Messaoudi, chanteur de chaâbi, disparu prématurément il y a dix ans. Ses textes tendres et engagés sont toujours fredonnés par des jeunes en lutte contre l’adversité.
«Ya Dzair rah tab el kalb, aalach li aandou t’zidilou, w’el guellil yech’ka ou yet’aeb rah ma l’hek l’aâchat lilou... : Ô Algérie, le cœur est meurtri, pourquoi donne-tu toujours plus au riche alors que le misérable, malgré un labeur incessant ne peut plus dîner…. » Dans la tradition du chaâbi, Kamel Messaoudi, avec ses mots simples et directs, a su décrire la réalité sociale amère partagée par l’écrasante majorité de ses contemporains. Du nord au sud du pays, son Blues algérois a été rapidement adopté tant il reflétait les réalités matérielles ou sentimentales des jeunes de son âge. Comme Matoub Lounès ou encore Chab Hasni, il a marqué durablement ses contemporains et reste l’une des voix porteuses d’espoir de la décennie sanglante. Il a repris certaines chansons d’El-Hasnaoui, comme pour inscrire sa filiation dans ce verbe lucide, souvent désespéré et nostalgique, travaillé par les affres de l’exil loin des siens. Kamel Messaoudi, né le 30 janvier 1961 à Bouzaréah, n’était pourtant pas un travailleur émigré. Mais le sentiment lancinant d’exil intérieur et d’exclusion vécu par ceux de sa génération, il a su l’exprimer tout au long de ses années de travail et de création. « Ya l’djazaïr ya l’hbiba, m’el chark lel gherb rani ned’kour Ma nensa essaha ou leksiba, ou li flemdoun, leghyeb w’el dechr : Ô Algérie, chérie, j’invoque Dieu de l’Est à l’Ouest. Je ne peux oublier ceux des quartiers du vieil Alger ni ceux des villes, des forêts et des villages dispersés. » Son amour pour la patrie s’accompagnait d’une profonde déception et d’un questionnement angoissé. « Kelthoum m’nem masri , meftah eddar ana fi haouaha rani fnit : Kelthoum, ce rêve égyptien, clef de la maison », dans ce magnifique poème sentimental, Kamel Messaoudi rend hommage aux femmes en des termes ciblés et nuancés où la description des qualités physiques n’oublie pas les qualités morales de la bien-aimée. Modeste et d’apparence austère, Kamel Messaoudi était représentatif de ces jeunes Algérois pétris de valeurs morales et grandis dans des privations drastiques qui ne leur ont pas fait courber l’échine pour autant. Les inondations du 10 novembre 2001 à Bab El-Oued vont refaire découvrir à la planète entière l’esprit de sacrifice et l’héroïsme de cette jeunesse que d’aucuns ont cru disparue à jamais. Fils d’une famille modeste d’origine kabyle, Kamel Messaoudi a choisi de devenir musicien, influencé par le choix de son frère aîné. C’est en 1974 qu’il crée son propre groupe de chaâbi et devient célèbre à Bouzaréah, son quartier natal. Après quelques tentatives de production d’albums à partir de 1985, la célébrité l’accueille avec Echamaâ en 1991. Une chanson de désespoir qui correspond à un moment particulièrement sombre de la vie nationale. Ouvertement influencé par Cheikh El Hasnaoui et Dahmane El Harrachi, ce jeune chanteur n’a pu tenir toutes ses promesses. Il décède le 10 décembre 1998 dans un accident de voiture après avoir participé à une émission télévisée diffusée en direct par l’ENTV. Il laisse un répertoire au contenu très dense toujours autant apprécié par la jeunesse: Echamaâ, Ya dzair rah tab el qalb, Njoum ellil, Kalthoum, Wahd El ghouziel, Hanna, Ech Tfaid, Asmai ya lbnia, Kifech ana n’habek, Moulat essalef etoui, Mouhel ana n’nssek, Win rayha. Ma n’zid n’khemem. Ouallah ma d’ritek, Mchiti ma chfti wrak, Ma Bqat roudjla, Men houb hadi laghzala, Ya lahbiba ma tabkich,Ya arouss -azziz Aaliya- Enta l’habib, Nouit Elyoum N’tfakrek, Rahou Mqaderli, Rouh ya zamen ( Samhini ), Ya Mahla ellil, Khaliha taamel ma bghat, Al ouadaâ. Ce soir, Youcef Benyghzer, Nouredine Garidi, Hakim Tidaf, Hassen Ahras, Mourad Djidour et Kamel Bahnouh vont rallumer cette chandelle tragiquement éteinte. Les participants pourront également retrouver leur chanteur bien-aimé à travers une exposition photos, des articles de presse et un montage poétique réalisé par Kamel Cherchar et Kadour Afrah.