De Abbas Ibn Firnas, le savant berbère qui volait dans les airs au IXe siècle, au génial chirurgien andalou Al-Zahraoui, l’expo, quoique présentée d’une manière austère et assez peu attrayante, rassemble une somme importante d’informations sur les siècles où la civilisation musulmane était à son apogée.
Privilégiant les supports vidéos et les panneaux d’affichages, l’exposition est programmée au Musée d’arts modernes de la rue Ben M’hidi jusqu’au 31 décembre.
Introduite par une série de citations qui démontrent l’ancrage sacré des sciences qui se sont développées dès l’avènement de l’islam, l’introduction est composée de trois parties : «Le ciel et la terre», «L’homme dans son milieu» et «Les sciences et les arts». Ainsi, «la quête de la science est un devoir pour chaque musulman», souligne un hadith.
«Le goût de la science est amer au début mais à la fin, il est doux comme le miel.». Cette phrase inscrite au fond d’une assiette exposée au musée du Louvre illustre à merveille l’objectif de l’exposition. «Dieu placera sur des degrés élevés ceux d’entre vous qui croient et ceux qui auront reçu la science.» Cette citation tirée du Saint Coran (LVIII, II) précède celles des savants Al-Biruni, Ibn Al-Haytham et autres Saïd El-Andaloussi auxquels l’humanité est redevable pour leurs travaux de recherche et leurs découvertes dans des domaines scientifiques variés. Une chronologie des étapes du développement scientifique du monde dont l’islam prenait possession est retracée. Au départ, les sciences proprement musulmanes sont l’exégèse coranique, la grammaire et le droit. Les sciences profanes qui existaient avant l’islam sont alors appelées «sciences des anciens». Au lieu de les rejeter comme impies, les musulmans s’attachent dans un premier temps à les traduire et à les commenter. Puis après avoir centralisé toutes les connaissances humaines, essentiellement grâce à la création au IXe siècle de Bayt el-hikma, le plus grand centre de traductions au monde, les savants du monde musulman vont les enrichir de nouvelles observations et les remanier par la critique la plus acérée. Une carte du monde musulman montre l’étendue territoriale de cette civilisation, en situant les grandes capitales du pouvoir politique et les centres scientifiques : Bagdad, Cordoue, Le Caire, Samarkand, Marrakech…
Après avoir traversé ce vestibule de citations, le visiteur aborde une section placée au début du parcours de l’exposition et qui traite de la production mathématique : l’algèbre, le zéro… La discipline est illustrée par des manuscrits et une vidéo. Puis dans la section «Le ciel et la terre», sont répertoriées les disciplines scientifiques qui ont permis à l’homme d’observer les planètes, de les décrire et aussi de faire des prédictions. Ainsi en astronomie, les modèles planétaires de Ptolémée passent par leur critique implacable. Trajectoire des planètes, principe et utilisation de l’astrolabe sont explicités. L’astrolabe est utilisé pour la détermination de l’heure des prières quotidiennes, début et fin du mois de Ramadhan en précisant ce qu’est le calendrier lunaire, et détermination de la direction de La Mecque. Le lieu de développement de cette discipline, les observatoires et la réalisation d’instruments à grande échelle sont présentés grâce à des images filmées de Jaipur et Delhi. Des reproductions de manuscrits d’astronomie sont exposées sous vitrine : traduction en arabe de l’Almageste de Ptolémée et du Traité des étoiles fixes d’Al-Sufi, ainsi que des tables astronomiques (zij). L’astrologie est également appréhendée comme une application de l’astronomie. On peut admirer dans cette section des manuscrits et des miniatures mettant en scène l’utilisation des instruments astronomiques. La deuxième section de l’exposition intitulée «Le Monde du vivant et l’Homme dans son environnement» rend compte des sciences liant l’être humain à son milieu et les technologies créées pour qu’il y évolue harmonieusement. La médecine des savants musulmans a connu un développement sans précédent à partir des connaissances grecques, persanes, chinoises et indiennes. Ibn Sinâ, Ibn Rushd, pour ne citer que ceux-là, révolutionnent la science du corps humain. «La médecine de l’époque cherche à la fois à conserver la bonne santé (hygiène, diététique) et à soigner certaines maladies». Des manuscrits et des panneaux représentant les instruments, ainsi que des planches anatomiques témoignent de la performance atteinte en chirurgie. L’ouvrage de référence rédigé par l’Andalou Al-Zahrawi au XIe siècle est exposé en bonne place. Une vidéo montre le fonctionnement des hôpitaux de l’époque dotés d’un confort à faire pâlir les infrastructures médicales d’aujourd’hui ! Le visiteur appréciera la reconstitution d’un automate permettant de mesurer la quantité de sang prélevée lors d’une saignée.
Puis la pharmacopée, également très développée de par son lien avec la médecine, est présentée comme liée au développement territorial de l’empire et donc à la connaissance d’espèces végétales de plus en plus nombreuses. L’application des différentes sciences dans les domaines agricole, artisanal et militaire est regroupée dans ce que les savants nomment «sciences des procédés ingénieux», à savoir l’ensemble des procédés permettant d’exploiter les énergies naturelles (hydraulique et éolienne) et leur prolongement mécanique (irrigation, moulins, systèmes de levage…) ainsi que les techniques permettant la transformation de la matière. La chimie expérimentale et ésotérique ainsi que l’optique, la mécanique et la technologie sont également explorées par l’exposition. L’art des jardins, la botanique, la musique, l’architecture et la décoration sont également mis en exergue par des illustrations, des chronologies, des manuscrits et des exemples. Cette exposition très riche est d’un intérêt pédagogique évident. Précaution à prendre : se donner suffisamment de temps pour profiter pleinement de la visite. Hautement recommandée pour les lycéens, écoliers et étudiants.
K. T.