A vingt ans, la jeune interprète andalouse Imène Sahir vient de mettre dans les bacs son premier opus. Accompagnée d’une orchestration magistrale, la soliste vocale fait preuve de belles vocalises dans un répertoire de chghalate qu’elle déclame dans le mode Ghrib.
Pétrie dans le moule familial et nourrie aux sources de la musique zyriabienne, Imène Sahir vient de pénétrer la cour des grands interprètes dans le genre andalou, notamment la gent féminine dont les solistes vocales se comptent sur les doigt d’une seule main. Après une dizaine d’années d’exercice vocal, Imène est en passe d’imposer sa ‘’griffe’’ dans le style çan’a, grâce à sa persévérance au sein de l’association El Djanadia de Boufarik où elle s’est distinguée lors du festival de la musique andalouse de Blida organisée en 1998. Après s’être essayée à quelques instruments dont la kuitra, Imène choisit d’investir aussi l’expression vocale, à travers laquelle elle fait montre de talent, notamment lorsqu’elle décide de rejoindre en 2004, la formation musicale Dar El Gharnatia de Koléa où elle élargit ses connaissances, et affine sa tessiture dans le registre aigu. La jeune Imène nourrit l’ambition de suivre les traces de celles qui l’ont précédée dans la pratique du diwan andalou, à l’image des divas Beihdja Rahal, Zakia Kara Torki ou encore Lamia Madini et Nassima qui ont à leur actif plusieurs enregistrements de noubate.
Pourquoi, dès lors ne pas saisir l’opportunité d’enregistrer un premier album, d’autant que sa mère qui a suivi dans les années soixante dix, un enseignement andalou est restée sur un goût d’inachevé’’, apprend-on auprès des siens. La pléiade de maîtres qui ont initié Imène dans cette voie sont légion. Ils n’ont pas hésité à lui prodiguer conseils et assistance tout en l’encourageant d’aller de l’avant. Il s’agit, lit-on, dans la présentation de l’opus qu’elle vient de mettre dans le bac, des maîtres de l’art zyriabien. ‘’Je remercie ceux qui m’ont enseigné cet art ou soutenue, comme Moussa Haroun, Zaârir Hocine, Hachemi Saoudi, Mustapha Zeghouani, Mellah Mohamed et Djamel Kabledj sans oublier les regrettés Si Mahieddine Beloutti et Tarik Hamouche. Ce dernier à qui, d’ailleurs, je rends un vibrant hommage pour ses qualités morales et son enseignement des techniques d’exécution de la nouba andalouse dans ses différents modes’’, est-il relevé dans le petit livret. Pour son ‘’premier produit enregistré dans les studios du non moins professionnel Zerrouki Bouabdellah, ce fut un coup d’essai que nombre de critiques rangent comme un début somme toute prometteur pour une interprète promise à un bel avenir dans la çan’a. D’autres critiques qualifient son ‘’premier-né’’ comme ‘’un début de cheminement artistique, qu’elle devra parfaire au fil des ans’’. En d’autres termes, le coup de maître viendra avec la maturation de la jeune récipiendaire sur la scène artistique, disent les mélomanes avertis. Dans l’opus choisi de la nouba Ghrib, l’interprète présente treize pièces dans une suite de mouvements avec une mchalia comme ouverture instrumentale qui annonce le mode de la nouba, décliné sur un ton maghrabi. Elle entame son répertoire avec un naqlab, puis d’une pièce instrumentale avec une tefricha kuitra exécutée magistralement par Yazid Bellouti. Dotée d’une voix linéaire et harmonieuse, mais trahie parfois par quelques inflexions ou des couacs dans la vocalisation, la chanteuse enchaîne avec un mçaddar (Laylatou El Ounsi) et un btaihi (Aliya ‘Uhoud) couronné par un istikhbar vocal. Avec une introduction instrumentale dans chacun des mouvements, appelé koursi, la soliste interprète le morceau ‘’Habibi ilaya’’, un texte qu’elle égrène dans un tempo derdj, plus léger que le btaihi. S’ensuivent une floraison de pièces, trois nasrafate ‘’Wi Achiya’’, ‘’En Nedjmou qad rakali’’ et ‘’Rit el qamâr’’, des chghalate qu’elle fait suivre dans un beau finale de deux khlassate ‘’Kaliftou bil badri’’ et ‘’Rabi ya moudjib’’ et une mélodie Qâdria djarka, histoire de rompre avec le cérémonial de la nouba.