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Virginia Woolf
Une figure emblématique de la littérature anglaise
20 Juillet 2008

Romancière de talent, Virginia Woolf est l’une des plus grandes femmes de lettres de l’Angleterre.  C’est l’une des écrivaines qui mettra les premiers jalons dans l’écriture romanesque anglaise, peu de temps après son avènement au monde des mots. 

Virginia Woolf est une romancière et essayiste anglaise. Née à Londres le 25 janvier 1882, elle se suicida le 28 mars 1941 près de Lewes dans le Sussex. Sa mère meurt lorsqu’elle a treize ans. Son père, sir Leslie Stephen, est connu comme l’une des figures les plus originales de l’Angleterre victorienne. Successeur de Thackeray à la direction du Cornhill Magazine, il s’attelle à de nombreux travaux philosophiques et littéraires, est l’un des premiers membres du Club alpin, et l’auteur de la fameuse ‘’Histoire de la pensée anglaise’’. Ce  vieux monsieur adorable et un peu terrible eut sur sa fille cadette une influence décisive. C’est avec lui qu’elle lut Platon et Spinoza, Montaigne et Hume, car une santé fragile lui interdisait de suivre un cycle normal d’études. Après sa mort, en 1904, les enfants de sir Leslie prirent l’habitude de recevoir leurs amis dans leur maison de Bloomsbury, qui donna bientôt son nom au groupe. Parmi eux se trouvaient les membres de la «Société de minuit», association universitaire de Cambridge d’où étaient sortis la plupart des amis d’Adrian et Thoby Stephen. Au cours des années, le «Bloomsbury Group» réunit des écrivains (Forster, Lowes Dickinson), des peintres (Roger Fry, Duncan Grant), des historiens et des économistes (Lytton Strachey, J. Maynard Keynes), des critiques (Clive Bell, Desmond McCarthy). Vanessa Stephen, soeur de Virginia, ne tarda pas à devenir Mrs. Clive Bell, tandis qu’en 1912 Virginia épousait Leonard Woolf. Le groupe se dissocia au début de la Première guerre mondiale, puis se reconstitua avec de nouveaux éléments, mais l’idéal restait le même, vérité et libre parole, amour de l’art et respect de la morale, goût de la tradition et culture de l’individu.

Au commencement, l’édition                                         
En 1917, Virginia Woolf fonda avec son mari une maison d’édition, la «Hogarth Press» qui ne comportait au début qu’une machine à main, mais grandit rapidement. L’une des premières publications fut ‘’Prélude’’, de Katherine Mansfield. Suivirent des poèmes de T. S. Eliot, des nouvelles de Virginia Woolf, des oeuvres de romanciers français et russes, de psychologues allemands. Le succès vient non du grand public, mais de cette petite aristocratie intellectuelle de Highbrows, dont Virginia Woolf resta toujours l’un des plus éminents spécimens. L’histoire de sa vie est alors indissociable de l’histoire de ses oeuvres. Partagée entre ses occupations de directrice de maison d’édition et ses activités critiques (elle est correspondante de grands journaux londoniens), entre ses romans et ses amis, ses voyages et ses séjours sur la côte d’Ecosse et de Cornouailles, elle publie, en vingt-six années, neuf romans, cinq essais importants et laisse des écrits  qui furent publiés après sa mort par Leonard Woolf - trois recueils d’essais, un de nouvelles, un roman posthume et le fameux ‘’Journal d’un écrivain’’, qui permet de suivre la genèse de cette oeuvre nombreuse. Le nom et l’exemple de Samuel Johnson paraissent avoir inspiré le titre de ses deux volumes d’essais les plus célèbres : ‘’Le Lecteur ordinaire’’. Mais la fantaisie critique de Virginia Woolf préfère s’exercer sur le bric-à-brac littéraire, sur les écrivains mineurs de la Renaissance, ou sur quelques figures féminines oubliées. C’est ainsi qu’elle prend prétexte de l’un ou de l’autre pour exprimer ses idées sur le féminisme contemporain, idées qui, sous les déguisements du roman, se retrouvent dans toute son oeuvre.
                                              Une création prolifique 
Réunies sous le titre ‘’Une Chambre à soi’’ et publiées en 1929, les conférences qu’elle prononce devant les étudiantes des grands collèges féminins de Cambridge, analysent la transformation des mœurs dans le domaine politique et économique, et préconisent une évolution semblable dans celui de l’indépendance matérielle et de l’émancipation intellectuelle. Les deux premiers romans, ‘’Croisière Voyage’’ et ‘’La Nuit et le jour’’ sont publiés respectivement, en 1915 et 1919. Ils doivent beaucoup encore à Bloomsbury pour le choix des personnages, le reflet des conversations et des préoccupations intellectuelles ou artistiques. Mais l’objet du roman apparaît déjà comme un désir d’éclaircir le mystère individuel d’une âme au moyen d’une description d’expériences psychologiques privilégiées, et les héroïnes sont comme les premières représentations de la figure féminine centrale qui, d’un bout à l’autre de l’œuvre romanesque, anime le roman de Virginia Woolf. Entre 1922 et 1927, Virginia abandonne progressivement la théorie du roman conventionnel, doué d’une intrigue, de personnages bien individualisés, auxquels il arrive quelque chose à un moment précis. Jacob Flandres -  La Chambre de Jacob - qui rappelle singulièrement le plus jeune frère de Virginia, Thoby, mort accidentellement en 1906, est moins un héros qu’une suite d’impressions multiples se déroulant à un rythme plus ou moins accéléré. Et  Mrs Dalloway n’est pas la plus parfaite hôtesse de Londres sans qu’on ne lise derrière sa vitalité indomptable une tristesse, une insensibilité et déjà une fascination de la mort. Heureuse, elle étudie aussi le problème de la réalité de l’existence. Qu’est-ce que la vie? Comment pénétrer «dans les galeries de l’esprit et du cœur. Comment croire à une réalité extérieure, alors qu’elle est sans cesse modifiée par le flux de la vie intérieure?» C’est à ces questions qu’essaye de répondre Virginia Woolf, influencée par les notions de durée bergsonienne, par l’exemple de Marcel Proust et de James Joyce, autant que par la méthode des philosophes empiristes anglais. Orlando (1928) est une allégorie romanesque d’un genre unique dans la littérature anglaise, et dont la signification dépasse de loin l’apparente fantaisie. En imaginant un héros homme puis femme, mais surtout homme et femme, Virginia Woolf essaye de se libérer de l’espace et du temps, elle croit retrouver derrière la diversité des modes d’existence de l’être. Ces efforts déjà tentés dans ‘’Une Chambre à soi’’, où elle rêve d’un être fictif, idéal, à la fois masculin et féminin. Mais elle échoue. Pas plus qu’elle n’a trouvé de réponse à l’interrogation sur la réalité, elle ne peut répondre à l’interrogation sur son identité. Qu’est-ce que la vie, qui suis-je ? A Des pièces, des morceaux, des fragments  qu’il est impossible de réunir. Pas davantage de solution dans ‘’Vagues’’  (1931), le plus important et le plus difficile des romans de Virginia Woolf. Rien ne permet, ici, de différencier les six personnages dont l’histoire individuelle est à peu près semblable, et semblable aussi au langage dans lequel ils l’expriment. Puisque la vie n’est qu’un tissu hâtif fait de pièces rapportées.
                                          Les quêtes énigmatiques
Virginia Woolf romancière ne cherche pas une structure, une logique romanesque artificielle; elle s’emploie à donner la même impression de discontinuité, d’incohérence que nous procuré la vie de «lundi ou mardi». Elle choisit dans la succession des instants le «moment d’être» qui cristallise une réalité mouvante. Son effort ne se porte pas sur la construction du roman, mais sur sa signification. Comme tant de ses contemporains, elle abandonne le roman panoramique pour le roman descriptif. D’où l’usage, sur le plan des techniques, celui du monologue intérieur, sonde de notre inconscient, d’une composition musicale, comme dans la ‘’Promenade au phare’’, autour d’un leitmotiv, de soliloques lyriques auxquels se mêlent des descriptions impersonnelles, d’où le manque apparent de cohérence, d’une écriture aussi décousue que les impressions fugitives qu’enregistre, comme une plaque sensible, la plume du romancier. C’est ainsi que le roman est devenu après la première guerre mondiale le genre littéraire le plus malléable, le plus souple qui soit, Virginia Woolf renverse la conception traditionnelle du roman, celle que les Edwardiens Wells, Galsworthy ou Arnold Bennett avaient mis à l’honneur. L’intrigue s’amenuise au point de disparaître tout à fait «la vie n’est pas une série de lanternes disposées symétriquement; la vie est un halo lumineux, une enveloppe à demi transparente où nous sommes enfermés depuis la naissance de notre conscience jusqu’à la mort». En faisant du monde invisible, celui qui habite le plus profond de notre conscience et aussi de notre inconscience, l’essence du roman, Virginia Woolf atteint à l’essence de la poésie. On trouvera dans cette appréhension non poétique du monde les caractéristiques du roman de Virginia Woolf comme de celui de Marcel Proust avec lequel elle a beaucoup en commun : intérêt pour les problèmes de la durée romanesque et souci d’une forme d’art qui puisse «redessiner», recréer le monde discontinu de la vie. Cette recherche tenace d’une forme de plus en plus  souple, rompant chaque fois avec la précédente amène Virginia Woolf, dans ‘’Entre les actes’’, à faire une espèce de synthèse de toutes les techniques précédemment utilisées. Elle est à l’oeuvre lorsque éclate la Deuxième Guerre mondiale. Déjà victime de dépressions assez graves et traversée à plusieurs reprises par de sérieuses tentations de suicide, elle supporte avec peine l’isolement né de la guerre, les raids quotidiens, et surtout elle est hantée par l’idée que cette fois-ci elle ne se remettra pas d’une crise semblable aux précédentes. Elle a alors près de soixante ans. Deux mois, après la disparition de Joyce, au même âge que lui, fidèle à cet appel de l’eau qui s’entend à travers toute son œuvre, elle se suicide, laissant un nombre considérable d’essais inédits, une correspondance, un ‘’Journal’’ et le roman ‘’Entre les actes’’ qui paraîtra après sa mort, inachevé.

Par : Yacine Remzi

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