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Premier colloque international sur cheikh El-Hocine El-Ouartilani à Béjaïa
Un savant brillant et méconnu
11 Juin 2008

Depuis plus d’une décennie, la ville des saints, des sources et des martyrs s’attelle à tirer de l’oubli ses hommes de foi, d’art et de science qui ont fait briller sur le moyen-âge européen, plongé dans l’obscurantisme, la plus éclatante des lumières.  

Contacté hier par nos soins, M. Khodir Bourihane, artiste peintre et céramiste de l’association Géhimab (Groupe d’études et de recherches sur l’histoire des mathématiques à Bougie) a déclaré que  le premier colloque international sur Cheikh El-Hocine EL-Ouartilani  que l’association a organisé avec l’APC de Beni-Ourtilane a été une réussite.
Encore un bon point à l’actif de cette association qui s’est illustrée lors de la manifestation, «Alger, capitale de la culture arabe 2007» par l’imposante exposition  «Béjaïa, centre de transmission des savoirs» organisé conjointement avec le CNRPAH.
Organisé les 28 et 29 mai derniers, le colloque a réuni des universitaires du Maroc, de Tunisie,  d’Algérie, d’Espagne, d’Italie et de Grande-Bretagne.  Il a également souligné la participation de Tassadit Yassine, anthropologue spécialiste du monde berbère, maître de conférence à l’Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris.
Cette rencontre a attiré un grand nombre de participants car, quoique considérée comme l’une des principales références de l’époque ottomane en Algérie, le Cheikh el-Hocine demeure, de l’avis de tous profondément méconnu. Né en 1713 à Beni-Ourtilane, considéré comme un haut lieu de spiritualité en Kabylie, Hocine El-Ouartilani était à la fois un des maîtres du soufisme algérien et un éminent intellectuel. Comme il était de tradition à son époque, il a touché à de multiples disciplines telles l’histoire, la géographie, la sociologie et la philosophie. Ses récits de voyage ont été considérés comme des références par ses contemporains et successeurs. Il a durant sa vie, alimenté une importante correspondance avec les hommes de science de son temps, malheureusement dispersée depuis. C’est également le cas de ses nombreux manuscrits dont ne subsiste que le volumineux  «Nuzhat el andhar fi fadhl ilm ettarikh wal akhbar» ou plus simplement  «El-Rihla».  Selon M. Bourihane, le débat a été très riche et les actes du colloque constitueront une véritable collecte d’informations sur l’homme de culte et de sciences. Les thèmes en ont  notamment été :  «Béjaïa et les voyageurs, El Ouartilani vie et œuvre, El Ouartilani et la ville de Béjaïa , La rihla  nuzhat al andhar fi fadhl ilm ettarikh wal akhbar et Bencheneb.»
 La Rihla, qui compte 900 feuillets écrits de la main de l’érudit, a été présenté comme  «un concentré d’histoire et de témoignages sur les vicissitudes du 18e siècle» par le professeur Aïssani, président de l’association universitaire de Béjaïa. Au terme de trois expéditions à la Mecque et Moyen-Orient, La Rihla aborde de nombreux domaines de la pensée scientifique et de la spiritualité de l’époque. Elle rend compte de tous les débats que le savant a eu avec ses pairs d’Orient et établit les monographies des contrées traversées.
Le professeur Boubaya de l’université Oran a souligné que l’encyclopédiste a dû consulter 618 sources, répertoriées comme telles,dont Abou El Abbas EL-Ghobrini et Ibn Hamdoune Esanhadji. Les participants n’ont pu que déplorer la perte d’une bonne partie de son œuvre en Libye. Comme Ibn Arabi qui déclarait que Béjaïa était propice aux états spirituels et donc la halte idéale pour les mystiques «Esshab el-hal», El-Ouartilani disait que «la science jaillit du cœur de ses
habitants comme l’eau jaillit de ses sources».
L’universitaire tunisien Salah Baizig a répertorié les voyageurs qui ont visité à Béjaïa et qui y ont vécu. Il s’agit notamment de  Muhammad al-Abdari, de  Khaled al Balawi, Abd al-Basit Ibn Khalil, et  Abul-Hassan al-Tamqaruti.
En 997/1589, André Peysonnel s’y est rendu, alors que Hocine El-Ouartilani s’y rendait fréquemment et l’a visitée au cours de son voyage en 1179/1765-1766. Alors que  les voyageurs occidentaux  Laurent d’Arvieux, A. Peysonnel,  Shaw ainsi que  Al-Hassan al-Wazzân  du Maroc et Léon l’Africain en ont fait une description générale, Al-Tamqaruti et El-Ouartilani se sont particulièrement arrêtés sur l’hagiographie.
«Saches que la sainteté la plus noble et la plus élevée est celle qui prend en charge les soucis et les préoccupations des musulmans. Elle est intégrée dans l’héritage prophétique sur terre, dans la défense de la religion, la sauvegarde de la Voie, la maîtrise du savoir et du travail», déclarait également ce maître du soufisme.
Il mettait en garde contre la sécheresse d’une interprétation dogmatique du texte sacré et mettait en valeur le lien qui doit exister entre la Voie (tariqa) et la Loi (shariâ).  
Fondée le 23 décembre 1991, le Gehimab se fixe comme mission de contribuer à l’exhumation   des témoignages sur les activités scientifiques à Béjaia, de l’époque médiévale au XIXe siècle.
Elle se promet notamment de répondre à A Berbrugger, président de la Société historique algérienne, qui a taxé l’Algérie de  pays «sans savant, sans tradition savantes et même sans livres» lors de la séance inaugurale de l’assemblée générale de cette société le 23 avril 1863.

Par : Karimène Toubbiya 

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