‘’La double présence’’ est le titre de l’ouvrage de l’auteure Betoule Fekkar-Lambiotte, qui vient de paraître chez Casbah Editions.
Vivant son algérianité ailleurs, après avoir lutté à Saida, sa ville natale, pour l’indépendance de l’Algérie, l’auteure déroule une foule de témoignages captivants et poignants d’une vie consacrée à la quête permanente d’une cohérence entre une culture personnelle structurée par la foi musulmane sublimée, une spiritualité ouverte et un engagement citoyen, militant, obéissant exclusivement à la lutte contre l’injustice et l’exclusion en tout lieu et à chaque instant.
‘’La double présence’’ est le récit d’une vie active, émaillée d’écueils, d’épreuves et d’événements parfois dramatiques que Betoule affronte et surmonte. Des faits qu’elle s’emploie à ‘’relativiser aussi, voire positiver dans le souci permanent de l’intérêt général contre [l’iniquité] et la discrimination’’, note le directeur de Recherches au CNRS Abderrahmane Tadjeddine dans la préface de l’ouvrage.
Le long des 198 pages, le lecteur est invité à plonger dans l’univers d’une auteure qui a publié nombre d’écrits ayant trait aux conditions des jeunes émigrés et les valeurs déterminant le comportement des immigrés maghrébins en France, notamment. Elle tient à consigner ses attentes et ses espoirs dans la postérité, à travers un témoignage, marqué par l’analyse de sa double appartenance d’une histoire commune entre sa patrie d’origine et sa patrie d’adoption. L’Algérie et la France, deux pays dans lesquels elle a besoin de retrouver foi pour ‘’mieux les admirer. (…) d’établir des relations harmonieuses et des échanges plus équilibrées’’, écrit-elle. Dans un style court, précis et sans fioritures, l’auteure n’égrène pas son autobiographie, sinon aide à comprendre le parcours vécu dans deux espaces différents. Elle tient à ‘’examiner de près, à travers une somme de puzzles, deux axes majeurs auxquels elle croit foncièrement : l’Islam et les coutumes de son enfance et la langue française, porteuse de valeurs démocratiques et de liberté. A travers son itinéraire ‘’riche en expériences humaines, en engagements politiques et sociaux et en approfondissement en soi par l’exercice de la foi [musulmane]’’, était-il si évident de faire ramener l’un vers l’autre ? questionne-t-elle en filigrane. Cette psychopédagogue normalienne de l’Ecole normale d’instituteurs d’Oran en 1962, va poursuivre ses études avant de parcourir quelques années plus tard, nombre de pays de l’Afrique francophone en tant que psychopédagogue.
En 2000, Betoule Fekkar-Lambiotte est invitée à prendre place au sein du Conseil français du culte musulman, histoire de jeter les passerelles en allant vers l’autre : faire rapprocher la communauté musulmane des lois laïques de la république, d’une part, et faire accepter à cette dernière l’autre dans sa différence, sans appréhensions ni phobie, d’autre part. Une démarche somme toute laborieuse. Son ambition fut mise à rude épreuve et la déconvenue ne tarda pas à poindre. Car, trois années plus tard (le 5 février 2003), elle prend la ‘’grave’’ décision de quitter l’instance. Sa démission est motivée ‘’ non pas par les réactions sociales et politiques (...), mais par les répercussions inattendues qu’elle a eues dans sa vie intérieure’’, écrit-elle, non sans s’interroger plus loin sur les raisons qui l’ont incitée à renoncer à cet enjeu : le devenir de l’islam en France. Un pays qu’elle voulait voir fort, pluriel et plus sûr de lui-même. ’’Quel est ce grain de sable qui a mis fin à ma participation aux travaux de cette première institution ?’’ s’interroge l’auteur qui remet en question sa cohérence personnelle tout en mettant en avant la nécessité de ‘’décoloniser des imaginaires’’ et de s’ouvrir à l’altérité grâce aux dialogues interculturels.
«La Double présence» de Bétoule Fekkar-Lambiotte, Ed. Casbah Editions, 197 pages, prix public : 490,00DA