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«Cerise rouge sur carreaux blancs»  de Maram El Masri
La magie du vers
13 Avril 2008

La poésie de Maram El Masri est limpide même quand elle trouble, on voit la poétesse impériale face aux mots qu’elle dompte, La traduction de Brahim Tazaghart respecte le texte original presque à la lettre.

C’est un événement de taille dans la littérature amazighe qui s’enrichit, grâce à une traduction très fidèle de Brahim Tazaghart, au contact de la poésie arabe contemporaine. Brahim Tazaghart fait également œuvre d’éditeur ; c’est le premier ouvrage des toutes jeunes éditions Tira.
L’ouvrage est d’une bonne qualité technique, d’un format de poche élégant. La maquette est sobre avec juste ce qu’il faut comme indications. Du travail de professionnels. Il nous livre la version arabe et sa traduction en tamazight.
La poésie de Maram El Masri, c’est:
«Qui toque à ma porte
Qui ?
J’ai poussé la poussière de ma solitude
Sous mon tapis de prière
J’ai arrangé mon sourire
J’ai ouvert.»
Désarmante de simplicité, cette poésie ! Et aussi profonde que tous les océans mis les uns sur les autres !
Parfois dérangeante, humblement mais fermement dérangeante, presque blasphématoire ; angéliquement satanique :
«Le désir m’embrase
Et mes yeux s’illuminent
Je range la morale
Dans le tiroir le plus proche
Je me vêts de Satan
Et voile les yeux de mes anges gardiens
Pour un
Baiser.»
La couleur blanche revient souvent ici, hyperbolique, symbole de pureté comme si l’amour, même rouge, n’a pas à rougir… Mais la cerise ? Rouge sang, ce fruit – jamais défendu – qui évoque souplement l’érotisme. Sensualité timide, peureuse, d’autres fois :
«Angoisse
Comme une gazelle à ta voracité
Aime-moi en silence
Et laisse-moi
Avec des questions.
Même les peines sont blanches, les carreaux blancs sont toujours immaculés ; et cette cerise perdue dans une immensité de marbre blanc… La poésie de Maram El Masri est limpide même quand elle trouble, on voit la poétesse impériale face aux mots qu’elle dompte, deux mots simples s’entrechoquent et donnent une atmosphère, une émotion qui échappent à tous les dictionnaires et ne peuvent habiter qu’en l’être humain, et encore faut-il qu’il soit sensible.
La traduction de Brahim Tazaghart respecte le texte original presque à la lettre, comme pour ne rien enlever à la magie du vers. Mais ce sont justement des vers qui invitent à la transgression, à la rébellion et on aurait voulu que Brahim se laisse aller et viole ce texte désorientant de simplicité, jusqu’à nous rendre jaloux de cette facilité hautement poétique qui coule de la plume, des lèvres plutôt, de Maram El Masri.
Le livre que nous offrent les éditions Tira se lit comme on boit de l’eau fraîche ; on a envie de déclamer et de dire : «Venez voir, écoutez!»
Maram El Masri est née en 1962 à Lattaquié, en Syrie. Elle vit actuellement en France. Son premier recueil sort en 1984. Il faut attendre 1997 pour voir un autre recueil, Cerise rouge sur carreaux blancs qui obtient le Prix Adonis l’année suivante. En 2007, paraît son troisième recueil «Je te regarderai» primé par le Prix Poucetta.


"Taknisya zeggaghen
Ghef wagens amellal"
De Maram El Masri
Traduction Brahim Tazaghart
Editions Tira, Béjaia
234 pages, 350 D.A.

Par : Abdelaziz Yessad

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