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L’écriture de l’histoire au devant de la scène
Omar Bendaoud, patriote avant tout
9 Avril 2008

«Les hommes de ma génération qui ont participé activement à notre Guerre de libération s’en vont… Aussi des amis proches m’ont-ils convaincu qu’il fallait écrire, tant qu’il était encore temps.» C’est ce que nous dit Omar Boudaoud en avant-propos de cet ouvrage. Il était temps, serions-nous contraints d’ajouter. 

Publié à la fin de l’année passée, ces mémoires qui relatent pas moins de quarante années d’une vie au service du combat libérateur, mais aussi des vicissitudes inévitables parcourues en chemin, sont moins qu’un bilan mais beaucoup plus qu’un simple témoignage que s’est enfin décidé à nous livrer celui qui, depuis la lointaine époque du PPA et des premiers balbutiements du mouvement national algérien, jusqu’à l’indépendance du pays, aura tout sacrifié pour un idéal de justice et de dignité. Ces simples considérations peuvent justifier, à elles seules, l’intérêt que l’on peut éprouver à la lecture de ces quelque deux cent cinquante pages à l’écriture claire et lisible, dépouillée de prétentions historicistes dont l’auteur prend soin, dès l’amorce, de prévenir qu’elles ne sauraient être siennes. De fait, Omar Boudaoud explique lui-même que toute son intention est d’avoir fourni là un témoignage qu’il souhaite voir être utile aux travaux futurs d’historiens du mouvement national, avec toutes les limites que peut comporter le travail d’un autodidacte.

L’engagement politique
De l’enfance puis l’adolescence passées en basse Kabylie dans les conditions qui étaient celles des indigènes des années trente et quarante, Omar Boudaoud nous rapporte le souvenir d’une époque qui ni elle ne ressemble ni elle ne rappelle en rien celle que nous traversons de nos jours. Il ne s’agit pas de faire un quelconque éloge nostalgique mais bien au contraire de montrer combien, malgré les extrêmes difficultés et l’injustice coloniale en règne durant ces décennies là, le malheur peut produire tout son contraire : un inassouvi besoin de dignité qui pousse à tous les sacrifices d’autant qu’il est partagé par tous ceux et toutes celles de la même génération. L’engagement politique de Omar Boudaoud commence de fait en 1942 alors qu’il est âgé d’à peine dix-huit ans. Comme il l’explique lui-même en des pages d’une rare sensibilité, la misère et les restrictions sont le ferment de la révolte qui commence à sourdre au regard de la «hogra» quotidienne dans laquelle baignent littéralement les siens, parents ou voisins. Le décor est planté et c’est, dirait-on, tout naturellement que le jeune homme, comme nombre d’autres de sa génération, va très vite se retrouver dans ce qui, pour l’époque, était le passage obligé pour tout nationaliste en herbe : le Parti du peuple algérien. Des passages entiers sont consacrés à ces années difficiles où le PPA entreprenait son implantation dans toute la Kabylie. L’auteur écrit lui-même que : «Nous apprîmes la clandestinité et ses règles sur le terrain. D’ailleurs, le secret était une pratique traditionnelle dans la région : c’était les réfractaires au service militaire de l’armée française… qui allaient rejoindre le maquis.» Où l’on voit d’emblée combien le rejet par les Algériens de tout ce qui est susceptible de marquer la domination française était primordiale et combien c’était ce rejet partagé qui finalement constituait le lien qui unissait ces premières générations montantes du combat libérateur. Cette solidarité quasi fraternelle que Omar Boudaoud rattache fort judicieusement aux liens que forge la tradition est à placer tout en haut de la hiérarchie des valeurs en vigueur à l’époque. Et à prendre en considération ce que nous vivons de nos jours, l’on ne comprend qu’encore mieux ce que nous avons perdu en si peu de décennies. En filigrane au reste, c’est ce que Boudaoud tente de nous dire. L’ouvrage est parsemé de témoignages sur des évènements pas forcément connus ou pris en considération par les historiens qui, eux, préfèrent encore s’en tenir aux grandes dates archiconnues et plus que largement évoquées autant dans les rares livres sur l’histoire du mouvement national ou dans la presse algérienne depuis pratiquement l’indépendance du pays. Et c’est, précisément, en cela qu’il est aussi intéressant puisqu’il permet de comprendre combien, selon la formule populaire, ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières et rarement le contraire. La période qui court sur les années 1946-1951 ouvre déjà sur les premiers grands débats et conflits politiques entre les différentes tendances émergées le long du parcours encore incertain qui mènera, contre vents et marées, jusqu’à l’indépendance du pays en 1962.
Les pages consacrées aux premières expériences de l’exil puis à son passage au Maroc, alors que le pessimisme bat son plein, témoignent aussi que rien ne fut linéaire ou surhumain dans ces parcours d’hommes et de femmes. Bien au contraire, et comme tout un chacun, ils avaient leurs moments de doutes et d’abattement que fort heureusement le sens collectif et la solidarité permettaient de surmonter. Puis arrive ce qui fut l’essentiel du parcours de Omar Boudaoud, à savoir dans la foulée du congrès de la Soummam, sa désignation par Abane Ramdane à la tête de la Fédération de France du Front de libération nationale. Acteur de premier plan durant cinq longues et douloureuses années, Omar Bouadoud nous permet là de revivre ce que fut le quotidien des nationalistes algériens en terre somme toute étrangère malgré le statut de français musulmans dont, à l’époque, étaient affublés les Algériens. On lira avec un intérêt particulier tout ce qui relate les incroyables combats fratricides que se seront livrés pendant plus de trois années les militants du FLN et ceux messalistes restés fidèles au zaïm dont au passage, on pourra mesurer tout le charisme et la popularité au sein de la communauté émigrée.

Les inévitbles conflits
Comment la Fédération de France était structurée, comment s’effectuaient les recrutements des éléments les plus motivés ou actifs, les inévitables conflits de personnes, les solutions trouvées à la hâte pour résoudre une contradiction ou un problème, les premiers contacts avec ceux qu’à l’époque on appelait les Français progressistes, les différents réseaux de soutien au FLN, la restructuration de la Fédération en 1958, l’action armée en France, le financement des wilayas à l’intérieur du pays, les conflits entre les centralistes et les Udmistes au sein du FLN et, enfin, l’élimination, dans les circonstances qu’aujourd’hui l’on connaît, de Abane Ramdane, tout y passe, avec cette floraison de détails que seul peut fournir un témoin direct des évènements relatés. C’est cette quasi prise sur la réalité de l’époque qui ajoute à l’intérêt que procure cet ouvrage. Puis arrivent les grandes divisions et scissions qui préludent de l’approche de l’indépendance. La course au pouvoir et la confusion laisseront un gout amer à Omar Boudaoud. Il en rend témoignage en des propos qui, sans accuser personne, n’en démontre pas moins combien en ces derniers moments de lutte pour l’indépendance du pays, l’intérêt personnel et l’ambition démesurée des uns et des autres auront causé de torts à ce qui fut l’une des plus merveilleuses aventures humaines du XXe siècle : la lutte du peule algérien pour son indépendance.

Par : malek bellil

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