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Rachid Guerbas rend hommage à Meriem Fekkaï à Biskra
Une étoile tardive à la vie peu connue
25 Mars 2008

Héritière de la tradition andalouse des orchestres féminins, Meriem Fekkaï, qui s’est révélée en tant que chanteuse à l’âge de 40 ans, a auparavant été une danseuse de grand talent.

C’est au bord de la source d’eau pure du complexe Hammam Essalihine de Biskra que le maestro Rachid Guerbas a choisi de rendre hommage à Meriem Fekkaï. L’artiste, née en 1889 à Alger d’une famille originaire de Biskra, est morte le 18 juillet 1961.
Nul doute que l’Orchestre national de musique andalouse a su, par ses prestations éblouissantes, ressusciter celle qui est encore si chère au cœur des Algériens.
Héritière de la tradition andalouse des orchestres féminins, Meriem Fekkaï, qui s’est révélée en tant que chanteuse à l’âge de 40 ans, a auparavant été une danseuse de grand talent. Elle a notamment relevé de son talent, décrit comme inimitable, les spectacles du cabaret El-Djezaïr de Paris aux côtés de Bahia Farah, cette autre danseuse inoubliable, et de la chanteuse kabyle H’nifa. Les trois artistes ont contribué lors de la Guerre de Libération nationale notamment en tant que collecteuses de fonds.
Un simple coup d’œil à son portrait et une écoute de sa voix immortalisée par des disques 78 tours replongent ses admirateurs dans l’esprit d’une époque féconde qui sombre peu à peu dans l’oubli.
L’absence d’une biographie de celle qui a marqué la chanson citadine d’un cachet particulier n’est pas faite pour arranger les choses. Dans la presse, son nom est automatiquement lié à ceux de Cheikha Yemna Bent El-Hadj El-Mehdi, Cheikha Tetma et Fadhila Dziria, Fettouma El Blidiya, Cheikha Zahia, Leïla Fatah, Soltana Daoud (Reinette l`Oranaise), Zohra El Fassia et Alice Fitoussi.
Il semble que le flambeau lui ait été transmis par celle que l’on appelait El-Maâlma Yemna, l’une des plus anciennes connues parmi les voix féminines que recelaient les centres urbains jaloux de leur art millénaire. «Elle ne la quittait pas d’une semelle» dit-on.
Connue pour ses qualités humaines remarquables, elle a par la suite aidé toutes les nouvelles artistes lancées à l’assaut de la célébrité.
Elle, dont la voix succulente a été révélée au public lors de la mémorable soirée du samedi 24 août 1929 à Alger, aux côtés de Mahieddine Bachtarzi, Sassi et Chabha, une grande chanteuse kabyle de lépoque a mis sur pied sa propre formation en 1935. Elégante et racée, elle se produisait essentiellement dans les fêtes familiales des riches familles de la Cité. Avec son orchestre de msamaâ elle interprétait un répertoire puisé, dit-on, de celui de Tetma et Yemna. Poésies du genre Hawzi ou Aroubi et néqlébètes dérivées des morceaux classiques andalous donnaient à sa voix l’occasion d’exprimer la richesse de sa tessiture et la beauté de son timbre. Elle est célèbre pour son interprétation quasi miraculeuse du lent chant nuptial «Rana Jinnek». «El qalb bete selli» et «Men houa rohi oua rahti» de Ben Msayeb ont également figuré parmi ses chefs-d’œuvre.
Les bribes de biographie glanées ça et là en font une dame tranquille très aimée de son entourage qui l’a aidée dans son ascension artistique. Notamment son mari, Si Abdelkrim Belsenane avec lequel elle vécut 40 ans sans avoir d’enfants. Et si l’on ignore quels sont les mets qu’elle demandait qu’on lui serve avant de chanter — El-Maâlma Yemna appréciait le gigot d’agneau arrosé d’eau de fleur d’oranger, ce qui a donné la célèbre recette de rôti appelée : F khed Yemna —, l’on sait qu’elle était casanière et qu’elle quittait rarement Alger. Pour les fêtes familiales, elle se rendait à Tlemcen ou encore à Miliana. Dotée d’un niveau d’étude moyen, elle adorait le cinéma et ne ratait aucune avant-première projetée dans la capitale.
Elle a contribué par sa générosité à l’émergence de nouvelles étoiles. Elle avait ainsi permis à Fadhila Dziria (1917/1970) d’interpréter la totalité de son répertoire.
Le talent et la vie de Meriem Fekkaï mériteraient, comme ceux de nombreux autres artistes, que l’on y consacre enfin des biographies pour empêcher que ne sombre dans l’oubli un épisode brillant de l’histoire de l’art en Algérie.

Par : Karimène Toubbiya

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