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Tchicaya U’Tam’si, poète et écrivain congolais 
«La petite feuille» qui parle de son pays
13 Fevrier 2008

Ses écrits ont été inspirés de réalisme magique avec les mythes, sorcelleries et autres réalités congolaises. Bien qu’embrassant de nombreux genres littéraires, Tchicaya a renoué chaque fois avec la poésie qui demeurait son inspiration la plus riche.

Poète, romancier, auteur de théâtre, nouvelliste, Gérald Félix-Tchikaya, de son nom de plume Tchicaya U’Tam’si, est incontestablement un monument de la littérature africaine. Né en 1931 et disparu dans la nuit du 21 avril 1988, cet écrivain congolais (Brazzaville) qui a connu un succès posthume avec «Le Bal de Ndinga», a voué toute sa vie à l’écriture littéraire, au journalisme -notamment aux côtés de Lumumba- avant d’exercer comme fonctionnaire international à l’Unesco à Paris.
Ses écrits ont été inspirés de réalisme magique avec les mythes, sorcelleries et autres réalités congolaises. Bien qu’embrassant de nombreux genres littéraires, Tchicaya a renoué chaque fois avec la poésie qui demeurait son inspiration la plus riche. Elle est en vérité la traduction de sa souffrance, de celle de son peuple, de l’homme en général. Elle est aussi le miroir de son pays natal (le Congo m’habite). Son compatriote, le célèbre écrivain Sony Labou Tansi découvrait en lui «l’homme symbole qui, en 1960, met ses immenses pattes sur les deux rives, le seul intellectuel d’envergure à comprendre le nationalisme féroce d’un Patrice Lumumba, donc à sortir du complexe de malédiction du Nègre, Nègre dansant, Nègre bondissant, Nègre maudit des dieux, Nègre pas du tout pensant, à qui il fut interdit de créer suivant les lois immuables de la beauté, et qui ne méritait pas les Indépendances que la générosité de la civilisation lui a jeté à la figure.»
Parmi toutes les œuvres foisonnantes de Tchicaya U’Tam’si, les «Cancrelats», publié à Paris chez Albin Michel en 1980, est à bien des égards un roman majeur de l’écrivain poète congolais. 
Avec ce roman qu’il conservait dans ses tiroirs depuis 1954, Tchicaya U Tam’si souhaitait donner une plus large audience à son œuvre. A cet effet,  à son ouvrage «Cancrelats» allaient succéder «les Méduses» ou «les Orties de mer» en 1982, et les «Phalènes» en 1984. Par ailleurs,  ayant la particularité de se situer dans un espace géographique identique (le Congo), de se suivre, selon un découpage chronologique qui va de la fin du XIXe siècle aux années cinquante, et de faire réapparaître les personnages d’une même famille, ces trois romans sont souvent présentés comme une trilogie, bien qu’ils puissent être lus séparément.
Ainsi, dans les «Cancrelats», Thom Ndundu, avait, en 1880, suivi son patron blanc en France puis il l’avait quitté en 1900 et avait regagné le continent africain en observant une halte en Côte-d’Ivoire, dans le Grand-Bassam, où étaient nés ses deux enfants : Sophie et Prosper. Tous deux fréquentent l’école missionnaire jusqu’à la mort accidentelle de leur père. En 1921, Jean de l’Escaut, fils du gouverneur, au service duquel était employé Thom Ndundu, s’installe à Pointe-Noire, au Congo, et emploie à son tour Sophie comme cuisinière et Prosper comme boy. Compromis dans une affaire de vol, Prosper est arrêté ; il s’évade. Il épouse Mlila et s’installe par la suite à Brazzaville où il est rejoint par sa sœur.
«Les Méduses ou les Orties de mer», le deuxième roman qualifié de «farce ou fable» policière selon les mots de l’auteur, se présente en revanche comme la «chronique d’une mort accomplie». En effet,  sous le prétexte d’expliquer les liens qui unissent trois hommes retrouvés morts et de comprendre les raisons de leur décès, le romancier congolais offre une réflexion sur la mort dans le contexte de Pointe-Noire durant la Seconde Guerre mondiale. Par contre, «les Phalènes» évoquent les déchirements de Prosper, devenu adulte. En fait, celui-ci vit à Brazzaville, aux côtés de sa sœur Sophie, partagé entre son amour pour une Européenne et son engagement en faveur de l’indépendance de son pays, dans une époque qui «vit la suppression de l’indigénat, début de la fin pour la colonie».
Au sujet de ces trois livres, il faut dire que la construction romanesque, volontairement complexe, mêle les sources — parfois contradictoires — d’informations. Les personnages interviennent, se substituent au narrateur, et prennent successivement le rôle principal. Le romancier brouille aussi les cartes des classifications littéraires dans ce qui est tout à la fois une œuvre historique, un roman psychologique, un roman noir, mais aussi et peut-être surtout, un roman poétique dans lequel on retrouve les élans du poète d’Épitomé et les préoccupations qui ont hanté l’œuvre et la vie de l’écrivain congolais.
Il faut dire également qu’ayant quitté très jeune le Congo et résidé pendant près de trente ans à Paris, Tchicaya U Tam’si, le «Congaulais» comme il se plaisait à se définir, n’a cessé d’évoquer dans son œuvre cette terre congolaise d’avant l’indépendance à laquelle il restait intimement lié («Je n’habite pas le Congo, mais le Congo m’habite»). La mort est aussi omniprésente dans cette œuvre grave qui tient lieu d’exorcisme pour un auteur qui déclarait «oublier d’être nègre pour pardonner cela au monde» et qui avait choisi un pseudonyme signifiant «petite feuille qui parle pour son pays».
Soulignons enfin que Tchicaya U Tam’si posséde à son actif de nombreux recueils de poèmes : «Le mauvais sang» (1955), «Feu de Brousse» (1957), «A triche coeur (1961)», «Epitomé (1961)»,  «Le ventre» (1964), «L’arc musical (1970», «La veste d’intérieur» suivi de «Notes de veille» (1977) et «Le pain ou la cendre (1978)». Tchikaya est auteur aussi de plusieurs pièces  de théâtre : «Le Zulu» (1977), «Le destin glorieux du maréchal Nnikon Nniku, Prince qu’on sort (1979)» et, posthume, le fameux «Le bal de N’Dinga (1988)».

Par : Abderrahmane Semmar

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