L’ouvrage de Gabriel Camps se présente en cinq parties qui embrassent autant les données objectives qu’elles plongent dans les mythologies humaines.
Qui sont donc les Berbères ? «Rares sont les peuples comme les Berbères dont les origines ont été recherchées avec autant de constance et d’imagination», écrit Gabriel Camps(1927/2002) qui a consacré sa vie de chercheur à répondre à cette question. L’ouvrage «Les Berbères, mémoire et identité» du célèbre préhistorien et protohistorien, né en 1927 à Misserghin, est considéré comme un livre de référence. Ecrit en 1980, il a été co-réédité en 2007, par les Editions Françaises Babel et chez Barzakh.
Autant et probablement plus que Hanoteau, Masqueray, René Basset et Stéphane Gsell pionniers européens de l’étude des Berbères, dont les travaux sont effectués entre 1860 et 1930, Gabriel Camps(1927/2002) est une référence incontournable pour tous ceux que l’étude des Berbères passionnent. La riche bibliographie du chercheur qui a étudié l’Afrique du Nord et la Corse en est la preuve la plus tangible.
Gabriel Camps a dépassé la présentation académique artificiellement morcelée, de périodes historiques, présentées comme complètement indépendantes les unes des autres. Il a également établi la nécessaire connexion des différents savoirs disciplinaires relatifs à la question qui jusqu’à lui existaient en s’ignorant mutuellement.
«Permanence à travers les temps, unité géographique du domaine, mobilisation convergente des disciplines, toute l’œuvre de Gabriel Camps, affirme la continuité et l’unité berbère de l’Afrique du Nord. Les Berbères sont là, avec leur langue et leur culture, depuis les temps préhistoriques ; ils sont le paramètre identificatoire permanent de l’Afrique du Nord. Derrière et à côté de tous les apports extérieurs, puniques, latins, arabo-musulmans… ,il a y a toujours et partout le même fil conducteur : le Berbère, la langue berbère.
Camps est celui qui aura donc remis les Berbères au centre de l’histoire et de la culture de l’Afrique du Nord, sur la longue durée, à travers les avatars et masques multiples». C’est ainsi que Salem Chaker, professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris, (INALCO), en définissant l’approche à la fois complexe et connexe du chercheur trace les contours d’une méthode novatrice qui ouvre d’autres pistes de travail. «Gabriel Camps a mis en œuvre tout au long de sa vie, son esprit et sa volonté de synthèse, ainsi qu’une culture scientifique encyclopédique magistralement illustrés dans ses Berbères qui resteront longtemps encore la référence pour qui veut s’informer à une source sérieuse sur ce peuple et son identité à travers les âges» Souligne encore Salem Chaker.
Cinq parties pour une étude minutieuse
L’ouvrage de Gabriel Camps se présente en cinq parties qui embrassent autant les données objectives qu’elles plongent dans les mythologies humaines. Au chapitre des origines, l’auteur recense les «Légendes antiques et modernes», «Les données de l’anthropologie», «Les données linguistiques» et «La conquête du Sahara par les Paléoberbères».
La seconde partie intitulée «Des peuples à côté de l’Histoire» fait remonter le lecteur jusqu’aux temps les plus reculés des «Paléoberbères des temps protohistoriques». Les monuments funéraires et leur mobilier ainsi que le genre de vie et les us et coutumes de nos lointains ancêtres y sont passés au crible. Les Berbères de l’antiquité sont ensuite étudiés, puis ceux du Moyen-Age. Les «Dominations étrangères et acculturations» sont ensuite examinées depuis la civilisation punique «acculturation réussie mais méconnue» jusqu’à l’Islam et l’arabisation de la Berbérie en passant par les siècles de romanisation. «Grandeur d’un échec» titre l’auteur à ce propos. L’avant-dernière partie, intitulée «Le Berbère et le divin» traite des croyances et pratiques sacrées de la préhistoire aux temps du monothéisme. Le christianisme africain, ses schismes, notamment le donatisme et ses maîtres à penser y sont abordés. Puis c’est «La Berbérie musulmane qui est étudiée sous le titre : unité de Dieu et déchirement des hommes.»
C’est en dernière partie, un titre édifiant : «Permanence berbère». Les origines de l’écriture lybique y sont exposées ainsi que l’ancienneté du libyque et des tifinagh.
Au chapitre «Un art qui défie les siècle» , les forteresses, greniers collectifs, la poterie modelée, la stylisation géométrique , les bijoux et l’orfèvrerie émaillée sont quelques uns des points sur lesquels le lecteur est édifié. Puis dans «le Pouvoir sans l’Etat», «la République villageoise de Kabylie», «la République théocratique mozabite», «l’Organisation segmentaire des Aît Atta», «la Société aristocratique des Touaregs», autant de variantes d’une organisation sociale et politique propres aux peuples berbères, s’offrent à l’attention du lecteur. «Le statut de la femme», «L’honneur ou le nez sensible», «Le prix de l’homme» décortiquent quelques aspects anthropologiques et sociologiques typiques aux Berbères. L’ouvrage s’achève par des notes et remarques du préfacier et un tableau chronologique des origines au XVe siècle.
Gabriel Camps a dirigé l’Encyclopédie berbère (25 fascicules et plus de 4000 pages), dont la direction a ensuite été assurée par Salem Chaker. Sa principale thèse universitaire traite des origines de la Tamazgha. Gabriel Camps a été directeur du Centre de recherches anthropologiques préhistoriques et ethnologiques (CRAPE) et du Musée National d’Ethnographie et de Préhistoire du Bardo à Alger et de l’Institut de Recherches Sahariennes. L’ouvrage est préfacé par Salem Chaker, un des premiers collaborateurs de la revue.
Gabriel Camps, Les Berbères, mémoire et identité
Editions Barzakh et Babel 2007
351 pages. Prix public : 500 DA.