Tout en demeurant fidèle à la quintessence de la miniature qu’illustre l’art profane de la petite et délicate facture, Hachemi Ameur préfère se libérer du rigorisme plastique pour se frayer un chemin propre à lui, celui qui marque son temps, son réel. Sur ses subjectiles, l’artiste fait coucher des compositions qui refusent de mettre en avant cette impression de déjà-vu. Sa thématique, il la puise du substrat de l’environnement dans lequel il évolue avec un œil qui progresse et un esprit en perpétuelle quête de renouveau.
En défilant du regard les réalisations de l’artiste, le visiteur perçoit comme un pied de nez fait aux puristes de l’art de la miniature, de l’enluminure et de la calligraphie. Une manière de se démarquer des épigones de l’école «racimienne», laisse entendre Hachemi Ameur dont le langage pictural échappe au conformisme, avec ce côté quelque peu provocateur. Et pourtant, il fait siennes les règles générales de l’art d’El Wassity et de Behzâd connus pour leur fin doigté de l’art pictural oriental. «N’est-ce pas que l’art de la Renaissance a laissé place à un autre mouvement dans la peinture occidentale ? Je ne cherche pas la coquetterie ni l’image d’Epinal (…). Si je suis pétri dans le moule de mes prédécesseurs, je ne me laisse pas emmuré dans le figé. Je suis animé par le désir de relever un autre challenge, celui de revendiquer mon réel», relève sans détour l’artiste Hachemi Ameur qui tient, rappelle-t-il, à «inscrire sa vision esthétique dans le courant de la néominiature». Celle-là même qui lui ouvre des perspectives et lui permet d’avoir les coudées franches de pouvoir s’exprimer sans pour autant déroger aux canons que requiert l’esthétique, fait-il savoir. Après avoir suivi une formation à l’Ecole supérieure des beaux-arts d’Alger et un cursus de trois années d’études à l’Académie des arts à Pékin, ponctué par un diplôme en 1985, l’artiste taquine l’art de la sculpture et le dessin, avant de côtoyer quelques années plus tard, l’art de la petite facture, mais avec une volonté farouche de la moderniser. Au fil des expositions organisés à travers l’Algérie et à l’étranger (Etats-Unis, France, Pologne, Chine, Moscou, Aman), l’artiste gravit les échelons pour s’affirmer dans le milieu pictural qu’est le nouveau courant de la miniature. «Je tiens à avancer et faire avancer l’art (…). Je fais confiance à mon instinct de plasticien», dit l’artiste, précisant, par ailleurs, que «’son souci est de donner une dynamique nouvelle à l’école de la miniature et de l’enluminure qui sont sujets au changement». Employant la technique mixte (collage, froissement, etc.) avec des encres ou de la gouache, Hachemi fait éclater ses compositions dans une exaltation chromatique détonante, comme pour happer le regard du spectateur. Les illustrations figuratives représentant les scènes de la vie courante dans les terrasses, patios enchanteurs et palais somptueux ne font pas partie de son cosmos. Cela n’empêche pas l’artiste de croquer l’Algérie à coup de pinceau et de crayon sur des à-plats qui, note-t-il, refusent de mettre en avant cette impression de déjà-vu. Sa thématique, il la puise de tout le substrat de l’environnement dans lequel il évolue avec un œil qui progresse et un esprit en perpétuelle quête de renouveau. «La présence de mes ancêtres, la peinture pariétale du grand musée à ciel ouvert, les personnages ayant traversé la terre, la sagesse du terroir, la poésie, les chants et les secrets qui nous viennent des confins du pays ... m’inspirent et me donnent matière à m’exprimer dans un ordre informel», dit-il. «Balade d’Averroès», «Epopée», «l’Abandonnée», «Profanation», «le Coursier du Dey», «Chant du Harf» ou encore ‘’Humilité relative’’ et «Huis clos» sont autant de miniatures dont le fond emprunte à la symbolique ou à la peinture dite abstraite qui ne manque pas d’agir sur la sensibilité et la pensée. Des réalisations qui brisent ou pulvérisent, c’est selon, une enluminure dont la forme géométrique est déclinée en étoiles complexes, entrelacs, polygones, carrés, motifs floraux asymétriques et autres arabesques qu’il affranchit de la non moins conventionnelle dorure. Hachemi insère d’autres éléments avec lesquels ils quadrillent ses sujets : la calligraphie, le papier journal, les timbres brodent harmonieusement les contours de ses remarquables et remarquées compositions. Soulignons que l’artiste Ameur qui est directeur de l’école régionale des beaux-arts de Mostaganem a, à son actif quatre ouvrages dont «Introspection», un série de miniatures accompagnées de textes poétiques de Roselyne Carrier et le dernier intitulé «la Néominiature, de El Wassity à Hachemi», un beau livre préfacé par Mohamed Bahloul qui paraîtra bientôt. Enfin, le public a l’occasion de découvrir jusqu’au 29 du mois en cours la cinquantaine d’œuvres accrochées aux cimaises du Musée national Nacer-eddine Dinet, avant un autre rendez-vous prévu, au mois de janvier prochain avec le néominiaturiste dont la collection égayera l’espace d’exposition de la Bibliothèque nationale.