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«Le Liban à la veille de la guerre civile» de Choaïb Taleb-Bendiab
Un témoignage édifiant
18 Octobre 2007

Dans ce « Journal d’un ambassadeur», l’auteur qui a également été représentant de la ligue arabe auprès de l’Union européenne examine les éléments entrant dans la genèse de la situation explosive du moyen-Orient. Il livre sans détour et sans langue de bois son expérience du terrain au jour le jour. Animé par la volonté d’aller au fond des choses et auréolé de tout le prestige de son pays nouvellement indépendant, il s’acquitte de bien plus qu’une simple mission diplomatique au Liban. Ce témoignage, il le livre aujourd’hui au lecteur.

De 1967 à 1970, Choaïb Taleb-Bendiab est l’ambassadeur d’Algérie au Liban. L’auteur s’installe à Beyrouth en Janvier 1967. Cinq mois plus tard, la guerre des Six jours éclate. Elle défait les armées des pays de la Ligue arabe et ampute l’Egypte, la Syrie et la Jordanie de territoires stratégiques. C’est à partir de sa position d’observateur privilégié et d’acteur politique que M. Choaïb Taleb-Bendiab rédige son «Journal d’un ambassadeur». Sur la base de cette mission diplomatique au pays des cèdres, l’ouvrage se présente comme un instrument de décryptage du contexte politique de l’époque. Un décryptage qui aiderait à éclairer un tant soit peu le contexte encore plus embrouillé et tragique d’aujourd’hui.
Un style sans fioriture
L’ouvrage est préfacé par Ghassam Salamé, politologue libanais, qui a été directeur de recherches au CNRS, ancien ministre et ancien conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU et qui est actuellement directeur d’études à l’Institut d’études politiques de Paris.
Le chercheur libanais souligne la clarté du propos et l’acuité de la démarche de l’ancien ambassadeur : «Et c’est bien pourquoi le plat que nous sert l’auteur est cru : débarrassé des fioritures de style, de spéculations oiseuses, d’attendus politiques. Il nous livre un témoignage précieux dans son dénuement, un rapport de mission soucieux de précision, une lecture non mitigée du fait, tel que vu et vécu. Et c’est exactement pourquoi ce livre fera le bonheur des historiens du passé récent et donnera beaucoup à réfléchir aux acteurs de l’avenir». L’auteur dans son introduction indique que «s’appuyant sur des documents et notes personnelles, les faits quotidiens qui ont meublé quatre années d’une vie diplomatique intense, riche et passionnante feront l’objet de ce «journal» qui, avec toute l’humilité liée à cet exercice apportera un éclairage supplémentaire aux événements particuliers des divergences et conflits libano-palestiniens des années 1967 à 1970, période au cours de laquelle j’eus l’insigne honneur de représenter mon pays au Liban ; conflits qui ne présageaient rien de bon et qui finirent par précipiter le Liban dans une guerre fratricide aussi violente que destructrice de plus de 15 années…» Après les premiers chapitres consacrés à son arrivée à Beyrouth en Janvier 1967, l’auteur revient sur la guerre des Six jours qu’il suit en direct et des premières loges. Quelques mois auparavant, le Cheikh Pierre Gemayel, président du parti des Kataeb, publie une lettre ouverte au président de la République libanaise. Il y dénonce violemment la flagrante ingérence de l’Egypte dans les affaires intérieures du Liban, constituant un Etat dans l’Etat…». L’auteur fait ainsi connaissance avec «un contexte politique compliqué et fragile». Suit le récit de l’agression israélienne contre la Syrie du 7 avril 1967 qui est à l’origine du déclenchement le 5 juin 1967 de la guerre des Six jours. L’auteur répond succinctement à la question qu’il se pose à la page 32 : «Quels étaient les éléments qui avaient précipité la région dans une guerre effroyable et risqué de provoquer un conflit mondial ?»
1967 : le Monde arabe
dans un coma profond
«A l’aube du 5 juin 1967, le monde arabe se réveillait surpris par l’ampleur des attaques de l’armée israéliennes pour immédiatement retomber dans un coma profond», écrit l’auteur qui rappelle que c’est seulement le lendemain que les diplomates et hommes politiques parviennent à disposer d’informations assez précises surtout grâce au travail de la presse libanaise dans sa diversité. Après avoir relaté toutes les actions politiques qui suivent le cessez-le-feu et la démission de Nasser, l’auteur décrit la situation au Liban faite du «désarroi de ses populations et de l’ignorance de ses dirigeants».
Au chapitre intitulé «Levée de la tutelle arabe et émergence de la Résistance palestinienne» l’auteur narre les difficultés rencontrées par les fidayine palestiniens tentant d’implanter leurs bases dans les pays limitrophes d’Israël, notamment le Liban et la Jordanie. L’auteur livre partie après partie et par le menu, toutes les péripéties de la vie politique et diplomatique dans la région. Les visites officielles, les conférences nationales et internationales, les négociations, le climat d’effervescence à la veille de l’élection présidentielle de 1970, sont minutieusement décrits. Dix entretiens avec des acteurs politiques d’importance sont résumés par l’auteur. Il donne ainsi la parole au président Charles Helou, Georges Gorse, envoyé du général De Gaulle, Ghassan Tueni, directeur d’EN-Nahar, quotidien en langue arabe à grand tirage, Nassim Madjalani, ministre libanais des Affaires étrangères, Rachid Karamé, premier ministre assassiné en 1987, le général Fouad Chehab, Clovis Maksoud, éditeur de presse et spécialiste du Moyen-Orient et Kamel Joumblat.
Un contexte politique fragile
et compliqué
Dans sa conclusion, l’auteur revient sur la complexité du Liban qui, pour offrir une apparence paisible, démocratique et pluraliste, n’en est pas moins un cocktail détonnant et souvent un théâtre de violences généralisées, notamment «les années 1861, 1958 et 1975, pour ne citer que les périodes les plus sanglantes et les plus dramatiques». Il y cite abondamment, Kamel Joumblat, président du parti socialiste progressiste et homme de culture avec qui l’auteur a eu de nombreux échanges. «Quelle démocratie, quand on sait que le Pacte National (constitution) attribue les postes de responsabilité au niveau le plus élevé de la hiérarchie selon que l’on soit, Musulman ou Chrétien ? Un homme politique druze, fût-il le plus compétent, le plus honnête, le plus apte, ne peut espérer un jour accéder à la magistrature suprême de l’Etat exclusivement réservée aux Chrétiens maronites. Quelle démocratie, quand le bulletin électoral se monnaie au plus offrant ?
Quelle démocratie, quand on sait que le Liban est dirigé par une même «ploutocratie politique» suffisamment fortunée pour se léguer les responsabilités politiques de père en fils ?» Ainsi s’exprimait à propos du système libanais le généreux et charismatique leader assassiné en mars 1977 à Deir Doureet. Ce n’est pas le moindre mérite de l’ouvrage de Choaïb Taleb-bendiab que de nous transporter au cœur de la problématique vécue par l’ensemble des pays arabes dans leur difficile chemin vers la modernité.



Le Liban à la veille de la guerre civile de Choaïb Taleb-Bendiab
Ed. Casbah 2007 - 223 pages

Par : Karimène Toubbiya

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