Sur un scénario de Sid-Ali Mazif, ce film entreprend de raconter la malheureuse mais courante histoire d’une jeune femme violée. Fille-mère dans une société bloquée par ses propres tabous, elle va pourtant avoir la chance de rencontrer Kamel, chauffeur de taxi et citadin au grand cœur…
En projection présentement au cinéma Algéria, le premier long métrage de Nadia Cherabi est une plongée dans l’univers caché d’une réalité qui concerne, nous le savons pertinemment, chaque année des centaines de femmes algériennes.
Carrément violées ou victimes de structures patriarcales hyper-rigides, les plus jeunes d’entre elles, sont des proies faciles et sans risque de problèmes en retour pour l’auteur du méfait, puisque les relations sexuelles hors mariage sont bien la pire des choses dont puisse se rendre coupable aux yeux de sa famille autant que de la société une femme bien née. Entendez par là, qui obéit et se soumet à la sacro-sainte tradition.
C’est là le fond que traite ce long métrage d’une durée de 105 minutes et où le spectateur est invité à découvrir ce qui se cache derrière ce qui aurait très bien pu passer pour un simple fait divers. Le personnage principal, Rachid Farès, y campe le rôle d’un chauffeur de taxi occasionnel et dépanneur de voitures, qui, pour une fois, va devoir abandonner ses rêves de départ au Canada.
Que s’est-il passé qui puisse remettre à plus tard le plus cher de ses buts d’Algérien digne de ce nom ? Habitué à transporter les uns et les autres, notre chauffeur ne prend même plus la peine de se retourner au moment où le dernier passager quitte le véhicule.
Mal lui en prit puisque cette fois-çi, il va découvrir, enveloppé dans un linge et manifestement abandonné à son sort, un nouveau-né.
Pris de pitié, il décide de rentrer à la maison avec le bébé et de persuader sa mère de s’en occuper jusqu’au lendemain.
C’est ainsi que commence une longue quête pour retrouver la mystérieuse passagère. Il finit pourtant par la retrouver. C’est Selma, interprétée avec beaucoup de talent par Nassima Chems.
Selma est une jeune femme qui va commencer par susciter tout le courroux de Rachid, lui-même enfant abandonné, avant de finir par l’émouvoir en lui racontant, sans rien lui cacher, tout le contenu de son drame.
Violée par un beau-père indigne, elle met au monde le fruit amer de cet acte incestueux puis s’enfuit, ne pouvant plus supporter l’hypocrisie et le mensonge dans lesquels elle baigne. Profondément touché, Kamel se fait protecteur attentionné et permet ainsi à Selma de croire en un semblant de nouvelle vie.
Même si l’aspect descriptif l’a le plus souvent emporté sur la psychologie des personnages ou encore la dimension sociale du phénomène, il n’en reste pas moins que ce film de Nadia Cherabi a le mérite de projeter le spectateur dans des problèmes et des conflits bien actuels et qui, en tout cas, font partie du quotidien des Algériens d’aujourd’hui.
Les causes étant tout à la fois multiples et connues. Ce film, au fond, raconte l’histoire mille fois vécue de toutes ces jeunes femmes, abandonnées ou trahies par leurs familles, celle de naissance ou celle de mariage, et qui, souvent sans même s’en rendre compte, vont connaître les affres de la déchéance urbaine jusqu’à l’irréparable. Et ce, sous la vindicte généralisée et dans la culpabilisation la plus totale.
Film tout autant sur l’hypocrisie d’une société qui se refuse toujours à regarder la réalité en face pour mieux l’affronter, que sur les magnifiques îlots de tendresse, de chaleur et d’humanité toute simple qui, fort heureusement, n’ont pas tout à fait encore disparu malgré la perversion des valeurs, le tout-pouvoir de l’argent et l’individualisme le plus débridé.
En tout cas, les échos recueillis ici et là auprès des spectateurs témoignent d’une attente certaine des Algériens pour des témoignages, de fiction ou non, qui leur parlent d’eux-mêmes. De leurs problèmes actuels. Sans fausseté, ni tabou.