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Livres, Internet, TIC
Des retards à rattraper
30 Septembre 2007

Le livre est cher, les PC sont hors de portée. La lecture et l’Internet sont des denrées incessibles à l’Algérien moyen. Etudiants, chercheurs, cadres ou simples citoyens ne comprennent pas le pourquoi d’une telle situation handicapante.

La douzième édition du salon du livre d’Alger (Sila), où l’on enregistre la participation de 510 maisons d’édition dont 130 algériennes, est une excellente vitrine pour se faire une idée de la production intellectuelle dans notre pays. L’on sait que dans le cadre de l’année : «Alger, capitale de la culture arabe», il a été programmé la traduction de 1000 ouvrages algériens. Tous les auteurs, ou presque, nous dit-on, sont concernés par cette opération.
Le grand public, n’ayant pas encore pu avoir accès, à ces ouvrages, le 12e Sila sera peut-être une occasion de se faire une idée de ce qui aura été traduit et publié. Comme on constate quelques retards, - et les officiels eux-mêmes ont dû faire la même constatation -, il a été décidé, nous dit-on, de prolonger l’année de la culture arabe jusqu’au mois de mars. Le moment des bilans n’est donc pas arrivé.
Dès son arrivée à la tête du département de la culture, Mme Khalida Toumi avait promis une nouvelle politique du livre, en accordant des aides aux auteurs pour publier leurs œuvres.
Les maisons d’éditions
en perte de vitesse
Il était temps, car depuis la dissolution de l’ENAL, les écrivains étaient orphelins d’une structure qui prenne en charge leur production.
Quant aux maisons d’édition privées, qui ont fait illusion pendant un certain temps, force est de dire qu’elles se débattent elles-mêmes dans des problèmes inextricables. Beaucoup ont dû mettre la clé sous le paillasson.
La dernière à s’être investie totalement dans le créneau fut Marinoor, mais devant l’accumulation des dettes, elle a dû revoir à la baisse ses ambitions. Du reste, depuis quelques années, après avoir pendant un temps occupé le haut du pavé, on n’en entend plus parler.
Dommage, pourrait-on dire. L’aventure de Marinoor, est semblable à beaucoup d’autres.
C’est que les goulots d’étranglement qui étouffent la production livresque dans notre pays sont nombreux, complexes et multiples.
D’abord, l’Algérien ne lit pas. L’école algérienne ne forme pas à la lecture. Les livres scolaires ne comportent que rarement des textes auteurs.
Conséquence, l’enfant n’apprend pas à se familiariser avec les livres, ne connaît pas les noms des auteurs.
Dans le temps, n’importe pas quel élève pouvait vous citer les noms des écrivains : Mouloud Feraoun, Victor Hugo, El Moutanabi Taha Hussein, Mohamed Dib, Shakespeare, mais l’école algérienne s’est fâchée avec la littérature. C’est comme si on voulait couper les petits écoliers de la pensée, et du mouvement intellectuel universel.
Un écrivain de talent vous initie à la littérature et aux belles lettres, cultive votre sens de l’esthétique, certes, mais en plus il forme aussi votre sensibilité, vous apprend le sens de l’observation, de l’investigation, du raisonnement.
Au lieu de cela, on sert aux enfants des textes confectionnés par des commissions académiques qui font plus dans la moralisation et placent des balises et des ornières qui encadrent l’esprit des enfants, brident leur curiosité et leur imagination et leurs capacités de raisonnement.
Aujourd’hui, qui connaît Tahar Ouatar, qui a lu un roman de Tahar Djaout ou de Abdelhamid Benhadouga ?
Quant au marché lui-même, il n’est pas fait pour encourager le goût de la lecture. Les livres sont excessivement chers. Hors de portée non seulement des petites bourses, mais aussi des de celles des couches moyennes.
Entre un livre à 400 dinars, un père de famille préfèrera de loin l’achat d’un kilo de pommes de terre, et d’une tranche de steak au moins une fois par mois pour ses enfants. Les choix sont vite faits.
Posez la question autour de vous : combien de personnes, y compris parmi les cadres, ont un chapitre consacré à l’achat de livres dans leur budget ? Que ce soit le livre importé ou celui fabriqué localement. Demandez à un éditeur ce qu’il pense. Il vous répondra que l’imprimeur exige d’être payé cash, rubis sur l’ongle.
Il faut également s’acquitter de la sélection couleur, du flashage ; Ne parlons pas des autres frais et charges : personnel, maquettiste, infographe, charges locatives, transport, etc. Mais une fois que le livre est confectionné et mis sur le marché, l’éditeur n’est pas prêt d’amortir son investissement. Le mode préféré des distributeurs et des libraires est celui du dépôt vente.
Le circuit à ce niveau est si bien huilé, que l’éditeur, - et avec lui l’auteur et tous les autres collaborateurs -, est vite coulé, comme un bateau qui fait naufrage.
Pour réussir dans le créneau, il y a une seule alternative : celui d’avoir les reins financiers solides, pour être à la fois imprimeur, éditeur, distributeur, en contrôlant la chaîne du livre de bout en bout.
Qui est en mesure de faire cela ? Presque personne. Parce qu’il faut bien aimer le livre pour le faire, et cette race d’hommes et de femmes sont des oiseaux rares. Ce qui fait que le secteur soit dominé par les trabendistes et l’informel, comme partout ailleurs.
Le métier d’éditeur n’est pas un métier rentable. Celui d’auteur aussi. Le ministère de la culture, qui a promis de prendre à bras-le-corps les problèmes du secteur, est-il en mesure de tenir ses promesses ? En fait, le ver est dans le fruit, et il faudra certainement beaucoup de courage pour réussir une telle gageure.
Internet un outil formidable
Bon, puisque le livre est mal parti en Algérie, posons-nous cette autre question. Internet est-il en mesure de devenir rapidement un outil de savoir et de loisir, en Algérie ?
Oui, car dans le monde entier, Internet est vraiment devenu un outil formidable pour la création, la transmission du savoir, de la culture et des informations. Des programmes qui embrassent tous les domaines sont tous les jours balancés sur la ligne : médecine, spectacle, espace, technologie, environnement, tout, absolument tout est concerné par ce vaste mouvement.
On peut s’instruire rien qu’en se connectant à un site, et ce, dans tous les domaines de la connaissance et du savoir.
Mais là aussi, malheureusement, les chiffres communiqués sont plutôt pessimistes.
La formule Ousratic, qui avait l’ambition de mettre un ordinateur dans toutes les familles algériennes, par la mise sur le marché de 6 millions de PC, n’a pas donné les résultats escomptés. Les prix de ordinateurs restent, là aussi, très élevés. Malgré la baisse de la TVA, de 17 %
à 7%, les personnes intéressées ne se bousculent pas au portillon. Quant à la formule elle-même, qui est basée sur la facilité de paiement, elle reste aléatoire, les banques jouant très rarement le jeu.
Le dossier à fournir est un parcours du combattant, et la plupart des agences bancaires refoulent les clients.
La conférence organisée dernièrement au siège d’El Moudjahid par les professionnels du secteur a mis en lumière les ratés du dispositif, en tirant la sonnette d’alarme sur les retards accumulés par l’Algérie dans le domaine.
La comparaison avec les pays voisins (Maroc, Tunisie, Egypte, de la rive sud de la méditerranée), montre l’écart qui nous sépare de la société de l’information.
Alors que le royaume chérifien offre à ses citoyens un ADSL à 20 mégabits, l’Algérie est encore loin du compte. Par rapport aux objectifs fixés à l’horizon 2009 ; et qui sont de 3 millions d’abonnés à Internet, on peut dire qu’un grand chemin reste à faire, puisqu’on ne dénombre à l’heure actuelle que 200.000 abonnés.
Une quantité négligeable et qui place notre pays en queue de peloton. C’est d’autant plus impensable que dans un autre domaine, celui de la téléphonie mobile, on a vu le boom provoqué par la libéralisation du secteur, puisque l’Algérie a rattrapé en quelques années son retard au point d’afficher quelque 24 millions de portables. Presque un portable par habitant. La téléphonie mobile a révolutionné et démocratisé la communication en Algérie, ce qui était incroyable il y a encore quelques années.
Le secteur est également devenu un pourvoyeur d’emplois, avec la création de quelque 200.000 emplois directes et indirects.
Des sites statiques
Mais pourquoi donc les mêmes performances ne sont-elles pas réalisées dans le livre et l’abonnement à Internet ? Les providers, fournisseurs d’accès et services à Internet, ont tous pointé du doigt l’absence d’une vision à long terme.
Les chiffres communiqués par les professionnels indiquent qu’il n’y a que 5.000 sites nationaux, dont certains sont hélas hébergés à l’étranger, et cela est un handicap pour le développement des programmes et des contenus à mettre sur la toile. Quant au commerce on line, ce qu’on appelle le e-commerce, il ne vaut mieux pas en parler.
La même chose peut être dite du egouvernement. Les sites officiels des ministères ne sont pas mis à jour, et l’on chercherait en vain une information utilisable par un chercheur ou un universitaire, ou par tout autre citoyen désireux de s’informer.
Quant on sait que depuis 2003, date d’ouverture du marché, au moins une centaine de providers ont vu le jour, on ne comprend pas pourquoi seuls quelque trente fournisseurs arrivent à activer, alors même que la réalité du terrain montre une situation plus alarmante. Ceux qui tirent leur épingle du jeu se comptent sur les doigts d’une seule main.
C’est ce qui amène Mohamed Saidi, président de Big informatique, à déclarer «La totalité des quelques sites qui existent sont carrément vides, ou bien ils sont statiques, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas renouvelé leur contenu depuis leur création».
Quant à Satinker, il préconise la réduction des coûts d’accès à Internet, la garantie d’une meilleure régulation du marché, l’interconnexion de tous les providers et la création d’un haut conseil des nouvelles technologies.

Par : Rachid Mechtras

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