Bien que dotée d’un local et d’un financement conséquent, les débuts de la galerie d’art "Dar el-kenz" furent difficiles, de l’aveu même de sa fondatrice, Mme Guelimi Zahia.
Et pour cause !
L’Algérie de 1996 était en proie à un terrorisme massif et particulièrement barbare, s’accompagnant d’interdits de toutes sortes, surtout dans le domaine artistique. Hormis la calligraphie arabe, le chant, la danse, la peinture etc figuraient dans la longue nomenclature des pratiques réprouvées.
A cette conjoncture violemment hostile à tout effort novateur, donc démobilisatrice, s’ajoute une incompréhension culturelle de la peinture parmi le public.
Qu’à cela ne tienne ! Mme Guelimi n’est pas du genre à se décourager une fois lancée sur un projet.
Elle adopta donc une stratégie de croissance de sa galerie qui tenait compte du paramètre essentiel de l’époque, à savoir la sécurité.
Son local était situé dans une zone sécurisée, qui accueillait d’ailleurs des dizaines de journalistes dans ses hôtels. On aura compris qu’il s’agit de Sidi Fredj.
Mme Guelimi Zahia agit en trois étapes : elle commença par intéresser la famille et les proches, lesquels s’ils répondirent par affection ou par politesse aux premières invitations finirent par être "accrochés" et s’offusquaient si, par hasard, on omettait de les convier à quelque vernissage ou exposition.
Ce public de proches constitua la première clientèle de la galerie.
Parallèlement, l’animatrice relança les peintres plongés dans une sorte de torpeur stérile par le terrorisme qui s’attaquait, il est vrai, avec une rare sauvagerie aux artistes et intellectuels tout en fauchant les vies de citoyens anonymes par milliers.
Ne pouvant organiser n’importe où, vernissages et expositions, Mme Guelimi opta pour continuer ses activités, pour les lieux hautement sécurisés : les grands hôtels tel que l’Aurassi où ambassadeurs, collectionneurs et autres amateurs de peinture se côtoyaient. Elle réussissait, parfois, en dépit des conditions sécuritaires défavorables, à réunir ainsi un public de plus de 200 personnes.
Le produit qu’elle leur a offert pendant deux ans, au rythme d’une exposition par mois — ce qui est un record — consistait à donner à voir les œuvres d’un peintre consacré avec celle d’un débutant.
Cette formule demeure une réussite et Mme Guelimi qui l’a baptisée du joli nom de "Duo d’art" n’a pas l’intention de l’abandonner mais d’en tempérer le rythme, c’est-à-dire d’y recourir une fois l’an.
Les duos se constituaient soit sur proposition de Mme Guelimi soit sur celle des peintres avérés tenant à promouvoir un collègue débutant. Beaucoup de ces débutants se firent un nom rapidement.
La formule du duo se retrouve aussi, depuis 7 ans, dans le Salon automobile du petit format que Dar El-kenz organise régulièrement, avec cette différence que le salon peut regrouper jusqu’à 18 artistes, donc plusieurs duos.
La patronne de Dar el-kenz promeut également "ses artistes" en organisant des expositions ou en décorant entreprises, institutions ou ambassades. C’est ce qu’elle appelle "promouvoir un peintre à l’extérieur de la galerie".
Dans cette optique, elle a organisé 3 expositions de plus de 100 tableaux à l’APN, 2 au Sénat, plusieurs dans différents ministères et ambassades.
Elle place aussi les peintres quand elle est sollicitée pour la décoration d’une institution ou d’une entreprise. Elle prend le soin d’offrir un choix d’œuvres variées à son client, guidé par le principe qu’il faut tout faire pour répondre aux attentes de celui-ci.
"Le métier de galeriste est dur, mais il faut tenir bon et savoir vendre ses peintures" résume Mme Guelimi, qui déplore, au passage, le découragement qui fait que bon nombre de nouvelles galeries ferment au cours de l’année même de leur création.
Il faut assurer le pain quotidien avant de se risquer dans ce métier ardu.
C’est pour cela que Mme Guelimi Zahia place en tête des conditions à réunir pour créer une galerie celle de la disponibilité des moyens (financiers et autres).
Viennent ensuite, dans l’ordre, la connaissance et l’amour du métier, et, enfin, avoir à sa disposition un bon carnet d’adresses.
Et, principe à ne jamais perdre de vue, bien comprendre qu’une galerie est un commerce et non un mécénat.
C’est cette combinaison de principes et de moyens qui ont fait la réussite de Dar el-kenz et qui promettent un développement croissant.