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Exposition «Les grands centres urbains du Maghreb central» au Bastion 23
Incursion dans le monde bâtisseur de l’Islam
26 Septembre 2007

Le seuil du palais franchi, le visiteur est littéralement ravi hors du temps présent. Baigné par la lumière d’automne, le bruissement des vagues et les senteurs marines, il ne sait plus de la bâtisse ou de la civilisation exposée laquelle est le joyau, laquelle l’écrin.

L’expo « Les grands centres urbains du Maghreb central » organisée du 19 septembre au 15 novembre, dans le cadre de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe 2007» vaut assurément que l’on s’y arrête. Plutôt longuement.
Durant le mois de Ramadan, elle est ouverte de 10 heures à 16 heures du dimanche au jeudi. Le tarif de la visite est de 20 dinars pour tous et de 10 dinars pour les étudiants.
Jouxtant celle de «L’utilisation du métal dans l’art musulman», elle a comme cadre le Palais des Raïs appelé également Bastion 23 ou Dar Aziza , du nom de cette fille de dey et épouse de bey qui en fit l’acquisition après qu’il eut servi de lieu de résidence aux invités de marque de la régence d’Alger.
Occupant deux étages du palais ottoman, l’exposition opte pour la sobriété voire le dépouillement. Sur le choix des centres urbains présentés, M. Antri Azzedine, directeur du Bastion 23, archéologue et conservateur du patrimoine s’explique : «Si Constantine et d’autres villes sont absentes c’est que ce ne sont pas des villes de fondation proprement musulmane. Les villes ont été choisies selon les critères urbanistiques des constructeurs de l’époque : il fallait de l’eau et un site élevé. Selon également l’apport réel de ces centres urbains dans leur contexte historique. Toutes les villes n’ont pas eu le même rayonnement urbanistique.»
Tihert, Bejaïa, Sétif, Achir, Tlemcen, Agadir, Ghardaïa, M’sila, Sedrata, Ikjan, Mila et Alger sont les villes retenues pour cette restitution de la mémoire de ce qu’a été le Maghreb central de la conquête musulmane au 18 ème siècle. Les pièces exposées proviennent du fonds des musées nationaux d’archéologie de Sétif, des antiquités d’Alger et de Cirta, et de deux musées régionaux gérés par le Logibec ( Office de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés) de M’Sila et Sétif.
M. Antri Azzedine se déclare heureux de l’affluence diurne des visiteurs quelque peu inattendue durant le mois sacré. Rencontre commune à tous les musées de la planète : un groupe enthousiaste de Japonais se voit courtoisement refuser le droit de photographier les objets exposés… Des écoliers courent dans tous les sens, surexcités d’avoir vu dans l’exposition voisine les lourdes armes ouvragées des aïeux.
Simplement introduite par des panneaux où l’histoire de chaque ville est succinctement résumée depuis l’Antiquité, l’exposition est double. Sur de grands panneaux de toile écrue, sont fixées de nombreuses photographies des sites répertoriés, alors que sous la vitrine sont exposés des objets à usage profane ou religieux et des fragments et vestiges de monuments de différentes périodes de l’histoire des dynasties musulmanes étudiées.
Les amateurs d’art sacré pourront admirer à loisir des prises de vue des vestiges de la très vieille mosquée de Sidi Ghanem à Ikjan où les pierres grises alternant avec les flaques de lumière crue, illustrent l’art du clair-obcur dans l’architecture maghrébine.
Ses murs et son cimetière dévoré de broussailles sous le soleil semblent inviter à une méditation sur le caractère éphémère du contingent. Les différents styles de calligraphie sculptée sur des supports variés : marbre, stuc, plâtre, argile, grès, bois… offrent pourtant le point commun que l’on retrouve d’une région à l’autre et qui distingue la calligraphie nord-africaine de celle d’Orient toute en volutes : une forme géométrique des plus rigoureuses.
Les revêtements muraux des mosquées ou palais, de Béjaïa à Tlemcen, déclinent une variété qui va de la grande liberté des formes de Béjaïa à celles des rosaces strictement géométriques de Tlemcen qui annoncent le Maroc tout proche.
La mosquée de dentelle rose d’Agadir, celle de Sidi Boumédiène, celle de Sidi el-Heloui, ce saint homme qui fabriquait et distribuait des confiseries aux enfants… Les chapiteaux corinthiens des colonnes marquées du croissant de l’islam , des bijoux d’or blanc ou d’argent d’une finesse extrême… Autant de haltes proposées à l’étonnement des visiteurs.
Une coudée royale en marbre, cet étalon de mesure nommé « draâ » réalisé en 1328 sous le règne du roi Zianide Abou-Tachfin, trône au centre de la galerie réservée à Tlemcen, offrant un bel exemple de calligraphie locale.
Dans l’espace réservé à Alger, on peut enfin admirer un exemple de ces broderies disparues aujourd’hui et qui déclenchaient les évocations douloureuses de nos aïeules : un pan de rideau de lin écru, couvert de motifs floraux arachnéens, réalisés en soie multicolore avec une dominance pourpre. A côté, une veste brodée au fil d’or à manches longues avec sa firmla, cet ancêtre des dessous féminins qui embellissaient la silhouette des élégantes citadines. Après cette incursion dans le monde des bâtisseurs de l’Islam, le visiteur ne peut que se diriger vers l’autre partie du bâtiment qui abrite l’exposition des objets en métal dans le monde musulman. Il y découvrira des plateaux, des bijoux et des armes réalisés avec le sens de la perfection caractéristique aux artisans de cette époque.
Enfin, impossible de quitter ces lieux magiques sans faire un tour sur le chemin de ronde et la terrasse hérissée de canons pour accueillir l’ennemi venu de la mer. Sans toquer à la porte des maisons voisines de même époque qui s’alignent en gardant leurs secrets derrière leurs façades jalousement fermées.
Un dépliant de l’expo est proposé au visiteur pour 25 dinars, le catalogue vaut 50 dinars et une cassette vidéo est disponible pour 600 dinars. Une belle affiche est gentiment offerte à l’accueil.

Par : Joumana Yassine

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