Le Midi Libre - Culture - Une vie conjuguée à la créativité
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Entretien avec l’architecte et artiste peintre Mounjia Abdeltif
Une vie conjuguée à la créativité
22 Septembre 2007

«Quand on pratique deux disciplines, qui ont en commun l’esthétique, on a forcément besoin d’éthique pour contribuer à une renaissance culturelle et existentielle», explique Mounjia Abdeltif

Née en 1954 à Alger, plasticienne et enseignante en architecture, Mounjia Abdeltif a su faire de l’architecture une alliée, qui vient ajouter une certaine rigueur au dessin. Quand son œuvre est trop dirigée vers des lignes parfaites et pures, elle s’agite et cherche d’urgence sa liberté et sa créativité spontanée. Afin de rétablir l’ordre, elle en sort avec cette idée : «C’est l’architecture qui a besoin des arts plastiques pour être.»
Ses sujets sont très diversifiés car elle peint depuis longtemps. Du naïf figuratif, elle passe à une sorte de surréalisme personnel. Elle s’exprime à travers des lieux, des panoramas que l’on ne trouve que dans les mémoires.
Le « lieu » est son obsession d’architecte. Troublée par la scission qu’a subie notre monde durant le vingtième siècle, elle exprime ses inquiétudes pour la ville et l’architecture. Nostalgique de son pays d’avant la colonisation, elle rêve qu’il puise d’avantage dans l’éthique et la civilisation «afin qu’il devienne un endroit où il fait bon Habiter pour mieux Bâtir», déclare-t-elle. Nous l’avons rencontrée chez elle, affairée à mille est une tâche en même temps ; sa demeure est comme sa peinture, elle se compose de plusieurs pièces toutes donnant sur un « wast edar » moderne, une manière de perpétuer la tradition, tout en restant fidèle à son idée de l’esthétique.

Midi Libre : Votre vie est rythmée par la création, cette dernière s’apparente-t-elle à une envie de se démarquer en tant qu’architecte ou en tant qu’artiste-peintre ?
Mounjia Abdeltif : Je n’ai jamais été une praticienne de l’architecture, je me considère comme étant une enseignante de l’architecture. La peinture étant le fondement de mon être. Il m’a été très difficile d’arriver à ce que j’aspirais.

Comment cela ?
L’année de mon Bac je vais voir M. Benyeless (Ex-directeur de l’Ecole des Beaux-Arts d’Alger), et entame une procédure d’inscription juste après mon obtention d’un BEPC, équivalent d’un brevet qu’on obtient dans un lycée français. Je rentre à la maison et leur annonce la nouvelle, c’était là un drame familial, et leur refus a été catégorique. Afin de trouver une échappatoire, mes parents m’ont obligée à faire des mathématiques, je décroche ainsi mon Bac dans cette filière sans cesser de pratiquer la peinture.

Ça ne vous ennuie pas que vos parents vous imposent leurs choix ?
C’était dur, mais en poursuivant mon cursus scientifique à la fac, j’ai rencontré une amie bulgare qui m’incite à faire ce choix décisif, celui de faire cinq ans d’architecture, dans l’espoir de pouvoir m’exprimer ; je fus une fois de plus contrariée, car je ne trouvais rien d’artistique !

Voulez-vous évoquer votre style, car on ne trouve pas d’analogies connues dans la peinture actuelle ?
Je peins à la bonne vieille gouache sur différents supports, essentiellement du papier. En peignant, je construis, morceau après morceau, reprenant une synthèse du puzzle et de la mosaïque. Je me permets une liberté totale dans le choix des formes. C’est comme un caprice qui m’est autorisé.

Qui vous a initié aux arts
plastiques ?
C’est l’artiste et parente Souhila Benbahar qui m’a encouragée à peindre. Elle m’a donné l’envie de peindre en m’offrant mon premier chevalet et m’a poussée à la lecture dès l’âge de 13 ans. Par la suite j’ai été influencée par Van Gogh, car il faisait des petites touches. Mon style s’inspire de l’assemblage, une brique seule ne ressemble à rien, par contre des briques jointes à d’autres, cela donne une forme précise, je traduis cela comme un désir inconscient de bâtir.

Votre palette est réduite
à trois ou quatre couleurs,
pourquoi ?
Pendant une longue période, j’ai préféré le monochrome ou l’utilisation d’un nombre réduit de couleurs. Trop préoccupée par le sujet et replongée dans l’histoire, j’ai préféré rester sobre. A présent, ma palette est polychrome. Les couleurs primaires sont criardes pour mieux dire ma sensibilité aux problèmes de ce monde, pour dire surtout des choses qui concernent le recouvrement de l’identité et le refus de l’injustice.

Quand avez-vous inséré de manière visible l’architecture à votre peinture ?
Depuis 2002 la présence de paysages architecturaux s’exprime dans la même technique qu’est la mosaïque. Le thème choisi a pour but de mettre en valeur le patrimoine.

Le patrimoine est une préoccupation majeure ?
Non, mais il reste un thème de préoccupation, ma peinture reste un plaisir, je ne me conditionne pas, je rejette toute commande.

Pensez-vous que les habitats actuels dans notre pays correspondent à nos besoins ?
Les lois qui sont appliquées actuellement sont loin des valeurs du système de la société, les bâtisses sont peu fonctionnelles et n’ont plus les particularités qui faisaient leur originalité.
Il existe bien des cahiers des charges, mais la plupart des lois ne sont plus d’actualité, alors que les pays voisins travaillent continuellement sur le redressement et l’application des lois les plus élémentaires de leurs cahiers des charges, afin de créer une cohérence entre l’habitat et le développement de la société.

Voyez-vous une insertion de l’esthétique architecturale dans nos sites urbains ?
Il y a une réelle problématique dans toutes les sociétés. Partout dans le monde, les sociétés souhaitent que leurs villes reflètent un système de valeurs projeté dans un cadre urbain. Mais le grand souci qui empêche l’aboutissement de cette insertion réside dans l’élaboration des lois et règles, qui gèrent l’ensemble de l’architecture urbaine.
Il y a beaucoup de travail qui doit être fait à ce niveau.
Notre pays, qui a été le lieu de civilisations de bâtisseurs, ne mérite pas cette évolution négative dans son cadre urbain.

Par : Faten H.

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