Nourrie aux sources du terroir et pétrie dans le moule du cercle familial, la parolière Selma Angar n’a de cesse de taquiner la Muse depuis quinze ans. Elle explore ses tréfonds pour exhumer ses angoisses, peines et joies, à travers la puissance de la parole et la justesse de l’expression.
Elle a, à son actif, un recueil de plus de 400 œuvres poétiques enregistrées au niveau de l’ONDA et reprises dans des opus musicaux par une pléiade d’interprètes dont Radia Manel, Nadia Benyoucef, Mohamed Lamine, Lazhar Djillali et surtout sa non moins confidente Naima Dziria.
La passion de parolier n’est pas le propre du monde des hommes ; ne se conjugue pas uniquement au masculin. Dans l’aréopage de paroliers comme le regretté Zarrouk Daghefali, Kamel Cherchar et autre Messaoud Taibi, il y a bien cette inclination de l’art de la parole qui agite aussi puissamment le for intérieur de la femme.
Reflet de sentiments à l’état brut, forts, les textes de la parolière Selma Angar peuvent parfois raviver un souvenir ou une émotion propre à chacun.
Native du quartier populeux et populaire de Bab El-Oued, Selma s’abreuve du terreau dans lequel elle est née. Mohamed Angar, son frère, l’inspire, mais elle ne branche pas ; un autre parent tente de l’initier à l’art des planches. Là aussi, le 4e art n’est pas son violon d’Ingres : elle fait montre d’indisposition… Elle choisit d’aller taquiner le verbe.
En effet, le Destin la prédispose à l’art de la versification, une passion qui sommeille en elle depuis qu’elle était enfant, dit-elle. ‘’J’aimais m’exprimer à travers le mot (…), surtout lors des dissertations qu’on développait lorsque j’étais au lycée Frantz Fanon", se rappelle la parolière, non sans un brin de nostalgie.
Chez elle, sis à El Kettani, l’auteure parolière, flanquée de son mari et la non moins célèbre interprète Naima Dziria, nous invite à un voyage au cœur de ses écrits. Un ‘’diwan’’ de textes qu’elle nous égrène et qui résume divers sentiments perçus au quotidien. Une balade au sein d’un répertoire qui décrit les états d’âme alambiqués, les douleurs sourdes ou les humeurs feutrées de son Moi et de ses principaux acteurs qui génèrent en elle de la matière.
Pleine de vitalité, Selma plonge – après une longue période de latence – dans l’écriture de la poésie. Elle se laisse aller à un univers poétique en composant, au gré de l’inspiration du moment et au détour de quelque instantané qu’elle vole, des textes qu’elle couche sur un lit de papier.
Selma-Naïma Dziria,
un duo complice
Selma Angar s’immisce volontiers au cœur des projets musicaux qui "titillent’’ certains interprètes chanteurs(es). Mais le lien d’amitié se raffermit davantage entre la parolière et Naïma Dziria, devenue pratiquement sa confidente. La fibre artistique fait tilt et une osmose s’établit entre les deux femmes. Du moins l’impression d’une symbiose parfaite qu’on saisit en filigrane, lors de notre "derdacha’’ avec la parolière et l’interprète chanteuse. La première explore les émotions de la seconde. Elle fait office de coaching au point de devenir son égérie. Une manière de nous signifier que la parolière est au service de l’interprète. ‘’Pas n’importe qui’’, tient à préciser Selma Angar. Et de renchérir : "Si je dois composer, je dois d’abord cerner le véritable univers de l’interprète, saisir ses émotions, m’imprégner de son personnage (…). En clair, être proche de lui tout en apportant ma pierre à la réflexion’’.
Si Selma possède cette caractéristique de faire lever le poil sur les bras de Naima Dziria, cette dernière lui témoigne, en retour, de l’admiration.
Dans le texte générique ‘’Ana lawliya’’, Naima se met en mode turbo pour le seul plaisir de la puissance vocale. "Je m’attelle à aller chercher l’émotion à l’intérieur de Naima Dziria pour bien la servir’’, dira Selma, soulignant, dans la foulée : "mes textes répondent mieux à sa voix qui roule à fond la caisse... de résonance’’. Dire que le duo crée un ensemble cohérent, où les thèmes relatifs à l’espoir, l’angoisse, l’amour et le temps sont récurrents. L’osmose est encore plus grande lorsque la diva interprète le titre de la parolière Selma, "A’tanî Rabî’’, les strophes du texte ‘’Mazalni âla didani, mahma tâl El hâl Nardjâ, nablagh manayâ, N’chouf Bi âynizîne el feldjâ (…) ’’ ou encore le titre d’une autre œuvre, "Rani sabra’’ qui lui valut une large audience avec, en prime, le disque d’or décerné par Galaxy en 2000.
Parmi les six albums de l’auteur parolière mis sur le marché, trois sont portés par la tessiture vocale de Naima Dziria. ‘’Un quatrième est en chantier (…). Il sera dans les bacs après le mois de ramadan’’, dira la plume féminine dont le talent de dialoguiste révèle sa propension et son souci à la fois de choisir les porte-voix de ses textes.
Avec une écriture qui lui est propre et une intelligence de cœur, Selma avance en dérogeant plus ou moins aux conventions strictes de la société bien sage et bien pensante. Si tout est calme en surface, déjà des idées nouvelles se fraient un lent chemin au plus profond de son être.