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Dépression :
ce facteur de risque auquel on ne pense pas
17 Décembre 2025

Le fait de passer régulièrement ses matinées sous une trop faible lumière intérieure accroît le taux de cortisol de l’après-midi et du soir et modifie le sommeil de façon similaire aux troubles dépressifs. Une exposition répétée à un faible éclairage en début de journée induit une augmentation du taux de cortisol. Vivre dans "l’obscurité biologique" le matin entraîne aussi une architecture du sommeil (nuits courtes, sommeil léger) similaire à celle des marqueurs de la dépression.



Les chercheurs recommandent l’apport de lumière naturelle ou d’une lumière artificielle vive dans les écoles, les lieux de travail et les habitations.
Les troubles dépressifs sont associés à une dérégulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, avec des taux de cortisol élevés jusqu’en fin d’après-midi et en début de soirée, au lieu d’atteindre leur niveau le plus bas, typique du début de soirée. Ces derniers sont également liés à des modifications de l’architecture du sommeil. "L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et le sommeil sont tous deux modulés par le rythme circadien et donc influencés par la lumière et l’obscurité. Étonnamment, l’impact d’un faible éclairage diurne, que nous appelons ’vivre dans l’obscurité biologique’, reste largement inexploré", ont indiqué des chercheurs de l’hôpital St. Hedwig et de la Charité Universitätsmedizin Berlin (Allemagne).

Lumière tamisée ou éclairage
fluorescent de forte intensité
C’est pourquoi dans une nouvelle étude ils ont voulu examiner comment l’exposition à de faibles niveaux de lumière affecte les marqueurs liés à la dépression. Pour ce faire, l’équipe a recruté 20 personnes, âgées en moyenne de 24 ans, en bonne santé. Les volontaires ont été répartis aléatoirement en deux groupes de dix. Ces derniers ont été exposés soit à un éclairage incandescent de faible intensité (2.700 K, 55 lx, 12 mlux) ou à un éclairage fluorescent de plus forte intensité (3.500 K, 800 lx, 481 mlux) de 8 à 12 heures, sur une période de sept jours. Au cours de l’intervention, les participants ont conservé leurs heures de coucher habituelles. "Les évaluations réalisées avant et après les interventions comprenaient : une polysomnographie (enregistrant plusieurs variables physiologiques) durant deux nuits, le dosage du cortisol urinaire fractionné sur 32 h, les taux de cortisol et de mélatonine salivaires, le temps de réaction, la somnolence diurne et la tristesse."

Un faible éclairage de 8 à 12 heures est lié à des variations hormonales et des troubles du sommeil
Les résultats, publiés dans la revue Journal of Psychiatric Research, ont montré que le taux de cortisol du soir, entre 19 et 23 heures, étaient initialement à des niveaux quasi identiques dans les deux groupes. Cependant, après plusieurs matinées passées sous une lumière tamisée, les auteurs ont observé une hausse du cortisol de l’après-midi et du soir, une réduction du temps de sommeil total (- 25 minutes), un décalage de l’activité des ondes lentes du deuxième au troisième cycle NREM-REM, une augmentation de la somnolence subjective et de la tristesse. À l’inverse, un éclairage fluorescent de plus forte intensité a induit une augmentation du sommeil paradoxal en fin de période de sommeil. En ce qui concerne la phase circadienne, elle est restée inchangée dans les deux groupes.

Dépression : la psychothérapie
fonctionne aussi...
Vivre dans "l’obscurité biologique" peut accroître la vulnérabilité à la dépression
Les scientifiques soulignent que l’insomnie précède souvent les épisodes dépressifs. "Un schéma similaire à l’insomnie est apparu ici sous une faible luminosité matinale : réduction du temps de sommeil total, diminution du sommeil réparateur en début de nuit et augmentation du temps passé dans les phases de sommeil léger. L’élévation du cortisol en fin de journée et le décalage tardif de l’activité des ondes lentes correspondent aux changements fréquemment décrits dans les maladies dépressives."
Face à ces données, l’équipe appelle à repenser l’éclairage quotidien en apportant de la lumière naturelle ou artificielle vive dans les écoles, les lieux de travail et les habitations, y compris les maisons de retraite, où l’éclairage crée souvent des conditions similaires à la faible luminosité. Cette mesure pourrait réduire la vulnérabilité liée aux environnements sombres, renforcer les signaux circadiens et par conséquent diminuer les risques de dépressi
Près d’un adulte sur six a vécu un épisode dépressif caractérisé au cours des douze derniers mois, selon le Baromètre de Santé publique France, soit 16 % de la population, alors que ce chiffre était de 12,5 % en 2021. Face à ce phénomène, la science travaille à mieux comprendre et soigner cette maladie car, actuellement, les traitements ne sont efficaces que dans près de 70 % des cas, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Une partie des patients est donc laissée sans solution.

Le système immunitaire jouerait aussi un rôle
Des chercheurs ont montré que certains patients dépressifs présentent un important déséquilibre entre le système immunitaire et le système nerveux. Le trouble dépressif majeur (TDM) se caractérise par des épisodes dépressifs qui durent au moins 2 semaines, selon l’Inserm.
Ces résultats pourraient ouvrir la voie à de nouveaux biomarqueurs et à des traitements plus ciblés de la dépression. Près d’un adulte sur six a vécu un épisode dépressif caractérisé au cours des douze derniers mois, selon le Baromètre de Santé publique France, soit 16% de la population, alors que ce chiffre était de 12,5% en 2021. Face à ce phénomène, la science travaille à mieux comprendre et soigner cette maladie car, actuellement, les traitements ne sont efficaces que dans près de 70% des cas, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Une partie des patients est donc laissée sans solution.

Dépression et système immunitaire
Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Advanced Science, des chercheurs viennent justement de faire une découverte importante. Selon eux, le trouble dépressif majeur (TDM), caractérisé par des épisodes dépressifs qui durent au moins 2 semaines, selon l’Inserm, ne serait pas liée qu’au cerveau mais aussi au système immunitaire. Les participants à cette étude étaient tous atteints de TDM. Ils souffraient de symptômes atypiques de la dépression, comme de l’hypersomnie ou de l’hyperphagie, et psychotiques, tels que des hallucinations auditives ou encore une culpabilité extrême. Les scientifiques ont récolté plusieurs échantillons et analyses auprès des participants, notamment leurs cellules immunitaires. Ils ont ainsi découvert que les patients atteints de TDM présentaient un important déséquilibre de "l’axe immuno-neuronal", qui désigne les échanges entre le système immunitaire et le système nerveux.
Ce déséquilibre était visible à plusieurs niveaux :
- des niveaux anormalement élevés de certaines protéines essentielles à la communication entre neurones, notamment DCLK3 et CALY.
une surabondance de la protéine du complément C5, chargée d’activer les défenses immunitaires.
- des modifications génétiques des cellules immunitaires qui, chez les patients, étaient plus réactives à l’inflammation. Cela a pour conséquence un état de suractivation du système, comme si l’organisme était en alerte permanente.

La psychothérapie fonctionne aussi... par SMS !
La thérapie par messages, qui offre une plus grande flexibilité aux patients afin d’interagir avec les spécialistes, serait aussi efficace que les séances en visioconférence pour traiter la dépression.
Dans une étude, 423 personnes ayant reçu un diagnostic de dépression ont bénéficié d’une psychothérapie par SMS et 427 ont eu des séances par visioconférence.
Des résultats similaires, plus précisément une réduction des symptômes et un meilleur fonctionnement social, ont été observés pour les deux types de traitement.
Selon les chercheurs, le "remboursement plus large" de la psychothérapie par messages par les assurances "pourrait améliorer l’accès aux soins fondés sur des données probantes".
Quel que soit le type de dépression, "l’une des principales causes d’invalidité et de mortalité dans le monde", la psychothérapie est recommandée pour réduire les symptômes, diminue la fréquence des récidives ou conduit à la rémission durable. Dans le cadre de celle-ci, un professionnel, spécialisé en santé mentale (psychiatre, psychologue) et formé à l’écoute et à la compréhension des problèmes psychologiques, propose à la personne d’aborder ses difficultés selon différentes techniques. Les séances peuvent avoir lieu en cabinet libéral, en établissement de soins ou dans un centre médico-psychologique (CMP). Dernièrement, de plus en plus de patients les font en visioconférence.

La psychothérapie par SMS testée par 423 patients dépressifs
Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue JAMA Network Open, des chercheurs l’université de Washington (États-Unis) se sont demandés si la psychothérapie par SMS, qui offre une plus grande flexibilité aux patients afin d’interagir avec les thérapeutes, était aussi efficace que celle faite en visioconférence. Afin d’en avoir le cœur net, ils ont recruté 850 adultes dépressifs de plus de 18 ans parlant anglais ou espagnol, résidant aux États-Unis dans un État où la plateforme de santé mentale numérique disposait de thérapeutes. Pour l’intervention, ils ont été aléatoirement répartis en deux groupes pour bénéficier d’une psychothérapie soit par visioconférence, une fois par semaine, soit par messages.

L’analyse de votre sang pourrait
préciser la gravité du trouble
Identifier la dépression grâce à un simple test sanguin : la métabolomique, en analysant les molécules du sang, pourrait bien révolutionner la détection et le suivi de ce trouble psychiatrique complexe à diagnostiquer.
La métabolomique, qui analyse les petites molécules (métabolites) présentes dans le sang, permettrait bientôt de diagnostiquer la dépression par une simple prise de sang.
Certains métabolites sont notamment liés à la sévérité des symptômes et à la réponse aux traitements. Cette approche ouvre la voie à une psychiatrie plus personnalisée.
Et si un test sanguin permettait un jour de diagnostiquer la dépression ? C’est l’espoir porté par la métabolomique, une discipline en plein essor qui analyse les petites molécules (métabolites) présentes dans le sang. Une revue scientifique, LabMed Discovery, dresse un bilan prometteur de cette nouvelle approche, encore expérimentale, mais pleine de potentiel.

Des marqueurs objectifs pour
une maladie psychiatrique
Aujourd’hui, le diagnostic de la dépression repose essentiellement sur des entretiens cliniques et des questionnaires, ce qui laisse place à une part de subjectivité. La métabolomique offre une alternative : "Les profils métaboliques permettent de refléter les changements biochimiques associés aux états dépressifs", soulignent les auteurs dans un communiqué.
Des métabolites comme le 3-hydroxybutyrate, la bétaïne, le citrate, la créatinine ou encore le GABA (acide gamma-aminobutyrique) ont en effet montré des liens reproductibles avec la gravité de la dépression dans plusieurs cohortes cliniques. Certains d’entre eux, comme le citrate ou le kynurénine, pourraient même prédire les idées suicidaires lorsqu’ils sont analysés par des modèles d’intelligence artificielle (IA).
Au-delà du simple diagnostic, ces signatures biochimiques pourraient affiner la compréhension des symptômes : anxiété, troubles du sommeil, idées suicidaires... Le 3-hydroxybutyrate, par exemple, semble associé à la réponse aux traitements, y compris à la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) ou aux thérapies à la kétamine.

Malgré la guérison, le cerveau conserve une sensibilité aux signaux négatifs
Même après une amélioration des symptômes dépressifs, les patients peuvent continuer à éprouver des difficultés à réguler leurs réactions face à une éventuelle expérience négative.
Par rapport aux personnes en bonne santé, les patients souffrant de dépression récurrente, mais guéris, montrent une activation significativement accrue de l’habenula bilatérale, qui traite les expériences négatives.
De plus, ils présentent une connectivité fonctionnelle diminuée entre l’habenula et l’aire tegmentale ventrale, un noyau important du mésencéphale responsable de la production de dopamine.
Ces données pourraient permettre de mieux identifier les personnes à risque de rechute et de développer des interventions plus ciblées pour traiter et prévenir de futurs épisodes dépressifs.
Jusqu’à 80% des personnes atteintes de dépression présentent une récidive des symptômes dans les cinq ans. Dans une nouvelle recherche, publiée dans la revue Biological Psychiatry : Cognitive Neuroscience and Neuroimaging, des chercheurs du Centre médical universitaire Radboud (Pays-Bas) ont tenté de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents qui contribuent à la vulnérabilité d’un patient à la rechute. Afin de mener à bien l’étude, les auteurs ont analysé les données d’IRM fonctionnelle de 36 adultes souffrant de dépression récurrente et de 27 personnes en bonne santé.
L’objectif ? Évaluer l’activité cérébrale lors d’une tâche d’apprentissage dite aversive. Il s’agit d’"un type de conditionnement pavlovien classique où une personne apprend à éviter un stimulus ou un comportement en l’associant à une issue désagréable". Lors de l’intervention, les participants ont appris des associations entre une image et un goût amer désagréable. En examinant les scanners, l’équipe s’est concentrée sur l’habenula, une petite région du cerveau impliquée dans le traitement des expériences négatives, pour déterminer si les anomalies de ce système persistent même après la guérison des symptômes dépressifs.
Selon les résultats, les volontaires guéris d’un trouble dépressif présentaient une activité accrue de l’habenula, notamment en prévision d’une issue désagréable. Ces derniers avaient une connectivité réduite entre l’habenula et l’aire tegmentale ventrale, un noyau important du mésencéphale responsable de la production de dopamine (un neurotransmetteur lié à la récompense) et une zone supposée régulée par l’activité de l’habenula. Ces schémas suggèrent une sensibilité accrue aux signaux négatifs et une capacité réduite à réguler les réponses à une punition potentielle, même après la disparition des symptômes.
"Comprendre ces effets persistants pourrait permettre de mieux identifier les personnes à risque et de développer des interventions plus ciblées pour améliorer le rétablissement à long terme et prévenir de futurs épisodes dépressifs".

Bipolarité : les maladies
auto-immunes doubleraient le risque
Vivre avec une maladie auto-immune est lié à un risque presque doublé de troubles de santé mentale comme la dépression, l’anxiété ou la bipolarité.
L’exposition chronique à l’inflammation systémique causée par la maladie auto-immune pourrait expliquer ce risque accru.
Les risques sont plus élevés chez les femmes que chez les hommes présentant la même affection.
Polyarthrite rhumatoïde, MICI, lupus, sclérose en plaques, psoriasis… les maladies auto-immunes n’impactent pas uniquement la santé physique, elles peuvent aussi peser sur la santé mentale. Une nouvelle étude, publiée dans la revue BMJ Mental Health le 10 juin 2025, révèle qu’avoir une pathologie auto-immune est lié à un risque presque doublé de dépression, d’anxiété généralisée et de trouble bipolaire.
Pour mieux comprendre l’impact des maladies auto-immunes sur la santé mentale, les chercheurs de l’université d’Édimbourg ont repris les données de 1,5 million de participants de l’enquête "Our Future Health". Parmi eux, 37.808 volontaires souffraient d’une maladie auto-immune (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Basedow, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, lupus, sclérose en plaques, psoriasis). L’analyse des dossiers a révélé que la prévalence des troubles de l’humeur était plus élevée chez les personnes touchées par une de ces pathologies que la population générale. Elle était de 29% contre 18%. Il en était de même pour la dépression et l’anxiété avec des taux de respectivement 25,5 et 21% (contre 15% et 12,5%).
La prévalence globale du trouble bipolaire était beaucoup plus faible que les autres troubles psychiques. Toutefois, elle était significativement plus élevée chez les patients atteints d’une maladie auto-immune : un peu moins de 1% contre 0,5%.
"Dans l’ensemble, le risque de chacun des troubles affectifs était presque deux fois plus élevé (87 à 97% plus élevé) chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes, et restait élevé même après ajustement pour des facteurs potentiellement influents, notamment l’âge, le revenu du ménage et les antécédents psychiatriques des parents", notent les chercheurs dans leur communiqué.
L’exposition chronique à l’inflammation systémique causée par la maladie auto-immune pourrait expliquer les associations observées, avancent-ils.

Santé mentale et maladie
auto-immune : les risques sont plus élevés chez les femmes
L’autre constat de l’étude : les femmes souffrant d’une maladie auto-immune ont un risque plus élevé de présenter un trouble psychique que les hommes souffrant de la même affection (32% contre 21%). Pour le moment, les scientifiques n’ont pas déterminé précisément les causes de cet écart. Mais ils ajoutent : "Les théories suggèrent que les hormones sexuelles, les facteurs chromosomiques et les différences dans les anticorps circulants peuvent en partie expliquer ces différences entre les sexes."
"Les femmes (mais pas les hommes) souffrant de dépression présentent des concentrations accrues de cytokines circulantes et de réactifs de phase aiguë par rapport à leurs homologues non déprimés. Il est donc possible que les femmes soient confrontées à des difficultés cumulées, liées à une fréquence accrue de l’auto-immunité et à des effets plus marqués des réponses immunitaires sur la santé mentale, ce qui explique la prévalence nettement plus élevée des troubles affectifs observée dans cette étude", ajoutent-ils.
Face à leurs résultats, les chercheurs estiment qu’il serait intéressant de dépister régulièrement les patients souffrant d’une maladie auto-immune pour des problèmes de santé mentale, en particulier les femmes, pour offrir une prise en charge rapide. Ils comptent également poursuivre leurs recherches pour identifier des facteurs biologiques ou sociaux (comme la douleur, la fatigue, un sommeil perturbé ou l’isolement) pouvant représenter "des mécanismes potentiellement modifiables" reliant les maladies auto-immunes et les troubles affectifs.


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